R134a : le marché noir progresse à l’ombre des quotas
La marge de manœuvre de la distribution des gaz réfrigérants hydrofluorocarbonés (HFC) ne cesse de se réduire. En effet, l'Union européenne (UE) a mis en place le Règlement F-Gaz et avec lui, un calendrier de réduction progressive des quotas maximum de gaz FHC autorisés à la mise sur le marché. Alors qu'ils ne faisaient face à aucune restriction en 2015, ce calendrier à réduit à 93 % des niveaux de 2015 les volumes autorisés pour la période 2016/2017. Depuis 2018, ils sont même descendus à 63 %.
Mais ce n'est pas fini : entre 2021 et 2023, seulement 45 % des volumes écoulés en 2015 seront autorisés à être commercialisés. Puis les quotas seront limités à 31 % de 2024 à 2026, à 24 % de 2027 à 2029, puis à seulement 21 % en 2030. En procédant ainsi, l'UE espère réduire les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre, les hydrofluorocarbures étant réputés pour dépasser largement le potentiel du dioxyde de carbone, en particulier le R134a qui était la norme des fluides frigorigènes automobiles jusqu'à ce que le R1234yf ne devienne obligatoire en première monte.
L'automobile principale consommatrice d'HFC
Or, l'automobile est le principal débouché des hydrofluorocarbures, comme le confirme Mélanie Jourdain, porte parole de l’EFCTC, le Comité technique européen sur le fluorocarbone, émanation du Conseil européen de l’industrie chimique (Cefic) et représenté par les sociétés Arkema, Chemours, Daikin Chemical, Honeywell et Koura, tous éminents membres de la filière des réfrigérants. « On peut estimer que le marché automobile représente environ 50 % du poids de l’utilisation des gaz fluorés en France (incluant aussi les gaz présents dans les véhicules importés), affirme-t-elle. Ce marché comprend la première monte et la maintenance des véhicules. »
Aussi, rien d'étonnant à ce que le secteur automobile soit l'une des principales cibles du marché noir des HFC, qui prend progressivement de l'ampleur à l'ombre des quotas décidés par l'UE. « Les études de données montrent que les filières principales passent par les pays voisins de l’Europe », souligne Mélanie Jourdain. La part des gaz dédiée à l’automobile sur la quantité d'imports illégaux devrait ainsi « être encore majoritaire en Europe et en France même si ces imports illégaux s’orientent de plus en plus vers les produits à très haut GWP comme le 404a et que la maintenance en 134a diminue progressivement ».
Encore de belles années pour le marché noir
Seulement voilà : la fin du R134a n'est pas encore pour demain. « Le parc existant continuera à utiliser du 134a pendant de nombreuses années, jusqu’au renouvellement complet du parc automobile », rappelle la porte-parole de l'EFCTC. Une aubaine pour le marché noir d'hydrofluorocarbures.
Cependant, l'EFCTC avertit les professionnels qui achètent des HFC par le biais de filières d'importation illégales : « ces produits présentent un vrai danger pour la sécurité des utilisateurs car ces gaz ne sont pas contrôlés et leur qualité n’est pas assurée. Des saisies opérées par les douanes ont mis en évidence que le contenu réel des bouteilles ne correspondait pas au produit affiché. Les garagistes doivent prendre conscience qu’ils sont confrontés à un potentiel risque en utilisant ces produits ».
Appel au bon sens des pros
C'est pourquoi toutes les parties doivent s’engager et l’EFCTC veut que toute la chaîne de valeur se joigne à l'effort commun. « Pour les aider à identifier ces produits non autorisés, l’EFCTC travaille sur une solution de “track and trace” pour un meilleur suivi des emballages et essayer de mettre en place un circuit d’approvisionnement fiable et certifié », précise Mélanie Jourdain.
En parallèle, le programme Action Line a été activé qui permet à chacun de transmettre, de façon anonyme, des informations concernant l’utilisation de produits illégaux. L’organisation appelle également tous les professionnels au bon sens en les incitant à se méfier des offres trop alléchantes… « Ils doivent privilégier leurs fournisseurs habituels et écarter les propositions issues de nouveaux acteurs avec une offre décorrélée des prix du marché », insiste la porte-parole.
L'EFCTC invite à dire « Non ! »
L'EFCTC a donc lancé une campagne de sensibilisation à l'attention de tous les acteurs de la chaîne de valeur des HFC, invités à s’engager autour du hashtag #SayNoToIllegalHFCs. Une façon de dire « non » au marché noir des hydrofluorocarbures. En effet, l'organisme assure que, des producteurs, importateurs, distributeurs, fournisseurs aux utilisateurs finaux, chacun peut jouer son rôle pour détecter et signaler les produits illégaux, lorsqu'il achète, assure la maintenance ou vend des HFC. Les signataires peuvent s'inscrire en tant que particuliers ou en tant qu'entreprises.
Une façon de freiner un marché noir des HFC importés illégalement qui, en 2018, contribuait à hauteur de 34 millions de tonnes d'équivalent CO₂ Ce qui, selon l'EFCTC, « est comparable à soit 33 % du quota légal autorisé en 2018 ou aux émissions de 25 millions de voitures neuves sur les routes de l'UE, soit plus que la quantité totale de voitures circulant aujourd'hui en Espagne ».
Selon une enquête de l'Agence d'investigation environnementale (EIA), 83 % des membres de la chaîne de valeur des réfrigérants connaissent le commerce illégal des HFC et 72 % se sont vu proposer des bouteilles jetables, bien que celles-ci soient interdites en Europe depuis 2006.
L'EFCTC invite à tracer les flux d'hydrofluorocarbures afin d'endiguer le marché noir.