Pièces de carrosserie: les assureurs s’attaquent ouvertement au monopole

Jean-Marc Pierret
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Alors que les rumeurs enflent sur une possible loi européenne visant à la fin du monopole des pièces de carrosserie de façon immédiate et non conditionnelle, voilà que même les assureurs, par la voix de la Fédération Française de l'Assurance (FFA), prennent une position inhabituellement claire et offensive en ce sens auprès de la Commission...

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Les rumeurs d'une imminente libéralisation totale de la pièce de carrosserie dans toute l'UE serait-elle fondée ? Certains le pensent, qui croient même que la Commission européenne, au terme d'une longue année de consultation sur le sujet du monopole de la pièce de carrosserie, aurait la ferme intention de voter une loi qui s'imposerait à tous les États-membres dont la France (voir le long document conclusif en anglais -analyse d'impact- en cliquant ici).

Une libéralisation immédiate et sans condition ?

Une loi qui aurait même pour possible effet de rendre la concurrence totalement libre et de façon immédiate, sans condition de délai ou de nature de pièce. Même le droit d'auteur, deuxième ligne de défense des constructeurs si le mur de la loi sur les dessins et modèles s'effondrait, serait exclu par le législateur européen. Le fait d'ailleurs que l'Allemagne vienne d'anticiper une telle ouverture totale de son marché début 2021, elle qui avait déjà su aménager une concurrence “contrôlée” depuis 2003, est considéré comme un indice de plus de cette imminence.

A tel point d'ailleurs qu'une organisation professionnelle s'apprête à lancer une vaste campagne média dans des journaux grand public pour accompagner le mouvement...

Les assureurs montent au front européen

Alors que la France semble se retrouver plus seule que jamais à protéger son monopole structuré autour de la loi hexagonale des dessins et modèles, voilà qu'elle ne peut même plus compter sur le silence poli -et parfois même complice- des assureurs.

Car dans un courrier officiel transmis en janvier dernier à la commission européenne, les compagnies et mutuelles françaises ont ainsi pris une position clairement anti-monopole. « La FFA se félicite de la révision entreprise par la Commission concernant la directive sur le design et la directive sur le design communautaire. L'objectif fixé dans l'analyse d'impact de libéraliser totalement les pièces détachées de rechange, notamment dans le secteur automobile, constitue la bonne réponse à l'évolution observée par les assureurs français ».

Inhabituelle offensive des assureurs

A l'occasion de la longue consultation lancée durant tout 2020 par la commission sur la question de l'Eurodesign et de la clause de réparation, voilà la Fédération Française de l'Assurance bien plus diserte. Voire tout bonnement offensive. Et sa position a du poids. Elle représente 280 sociétés d'assurance et de réassurance présentes en France qui, ensemble, cumulent 99 % de leur marché...

« Depuis plus de 5 ans, les assureurs français constatent une augmentation régulière et significative du coût des pièces détachées automobiles, explique le courrier envoyé à la Commission. Selon l'INSEE, cette augmentation a été systématiquement plus forte que l'inflation au moins au cours des 15 dernières années. En 2019, cette augmentation a atteint un taux alarmant de 7,8 % par rapport à 2018. » Et la FFA enfonce le clou en citant Insurance Europe, la fédération européenne des assureurs. Cette dernière a conduit une étude constatant que « le prix de certaines pièces de carrosserie [est] 20 à 50 % plus cher en France que dans d'autres pays européens ».

La FFA soutient « fermement » la libéralisation

Au fil du document, la charge assurantielle se poursuit. « Ces prix élevés sont en grande partie dus au monopole de fait des constructeurs automobiles sur le marché », martèle plus loin la FFA.

Elle n'oublie pas non plus de convoquer l'argument consumériste. « La libéralisation profiterait directement aux consommateurs », écrit-elle, en rappelant que le prix élevé des pièces captives est « nécessairement pris en compte dans le prix de l'assurance automobile ». C'est donc « une dépense contrainte pour la plupart des ménages » qui conduit « plus d’un assuré sur trois [à ne pas opter] pour une couverture complète, devant donc payer les dommages subis ».

A la fin de l'envoi vient la dernière touche. Et à ce titre, la conclusion du courrier de la FFA est définitivement sans équivoque. « L'industrie française de l'assurance accueille la concurrence comme un principe fondamental de l'Union européenne et soutient donc fermement la libéralisation de ce marché afin d'obtenir un effet réel sur le coût de la réparation automobile, notamment par l'introduction d'une clause de réparation ».

Comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant...

Jean-Marc Pierret
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