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Recours direct : l’article du Code des Assurances qui le légitime !

Romain Thirion
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Qu’ils réclament une expertise contradictoire, qu’ils ne répondent pas aux convocations de la partie lésée ou qu’ils fassent tout simplement traîner les dossiers de règlement des victimes d’accidents non responsables, les assureurs essaient tant bien que mal de tuer dans l’œuf  la pratique du recours direct. Pourtant il existe, dans le Code des Assurances, un article qui légitime purement et simplement cette pratique ! Et un expert libéral de la Côte d’Azur, fervent pratiquant du recours en droit commun, a su l’utiliser à bon escient auprès de ses clients…
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L’ère de l’expertise ″fast-food″

« Aujourd’hui on assiste à une ″fastfoodisation″ de l’expertise automobile et, demain, on recourra peut-être à des experts étrangers pour faire de l’EAD à 5 euros, déplore Karim Megrous. La situation actuelle incite à faire de l’abattage, à serrer les chiffrages et les taux horaires au maximum et à relever la fraude du réparateur même lorsqu’il n’y en a pas, sous peine de réprimande du patron du cabinet ou de l’assureur lui-même. Or l’expert n’est pas un pion de l’assurance : il a d’abord une mission de sécurité routière ! » Mission qui se trouve totalement galvaudée lorsque les taux horaires, le prix des pièces et la qualité de la réparation sont revus à la baisse par les méthodes des assureurs et de leurs experts conseil. Un véritable paradoxe lorsque l’on sait la complexité croissante des véhicules modernes et l’équipement nécessaire à leur réparation. « Moi-même j’ai dû m’équiper de matériel récent et performant pour pouvoir faire mes expertises au plus près des exigences de sécurité des véhicules », souligne Karim Megrous.

« Les volumes d’expertise sont suffisants pour faire vivre tous les experts, aujourd’hui, et il n’y a pas besoin du détournement de clientèle que pratiquent les assureurs pour faire tourner son cabinet », estime l’ancien représentant syndical des experts salariés à l’ANEA pour la zone PACA-Corse, qui a désormais tourné le dos à l’Alliance pour rejoindre le SNDEA, plus conforme au combat d’indépendance que l’expertise se doit d’engager, selon lui. Aujourd’hui, ses expertises classiques, ses expertises juridiques et ses expertises en recours direct suffisent à faire vivre son cabinet, sans avoir besoin des belles promesses de volume des assureurs. L’expert a d’ailleurs mené à bien une cinquantaine de dossiers en recours direct depuis le printemps 2013, dont seulement quatre sont pour l’instant bloqués, en tout ou partie, par la mauvaise volonté d’AXA, de la Macif, de Groupama et de Juridica. « Les autres assurances, elles, payent dans le cadre d’une procédure en recours direct, mais celles-ci font de la résistance. »

Libre choix, oui, mais du seul réparateur…

La résistance des assurances envers l’expert et son client ne semble pas se manifester qu’au moment de dédommager l’assuré non responsable dans le cadre d’une procédure en recours direct. Elle pourrait se tramer bien plus haut, comme en témoigne le débat qui a eu lieu au Sénat autour de l’article L211-5-1 du Code des Assurances, en plein débat sur la ″Loi Hamon″ sur la consommation et son corollaire du libre choix. Un amendement avait alors été déposé pour modifier ainsi cet article : ″Tout contrat d’assurance souscrit au titre de l’article L. 211-1 mentionne la faculté pour l’assuré, en cas de réparation d’un véhicule ayant subi un dommage garanti par le contrat, de choisir le professionnel de l’automobile auquel il souhaite recourir″.

Amendement_1ere_lecture L'amendement "avorté": cliquez sur le document

Pourtant, dans sa version définitive du 17 mars 2014, il apparaît amputé du terme ″professionnel de l’automobile″, auquel il préfère celui de ″réparateur professionnel″. Certes, l’intention des sénateurs soutenant l’amendement était alors de prendre en compte « la problématique du dépannage-remorquage qui est actuellement un des vecteurs de l’orientation des assurés vers les garages agréés ». Mais comme nous l’avons vu dernièrement avec la note de la Matmut à ″ses″ experts, que BCA Expertise semble avoir suivi de manière zélée, l’expert aussi est devenu pour les compagnies d’assurance un vecteur de l’orientation des assurés vers les garages agréés.

Le terme de ″professionnel de l’automobile″ étant par trop ambigu pour les assureurs, puisqu’incluant par là même dépanneurs et experts, mieux valait pour eux que la version définitive de l’article de loi retienne le terme de ″réparateur professionnel″. Sinon, où donc irait le monde heureux de l’assurance auto ? Il est néanmoins légitime de douter de l’origine de cette modification, car l’on voit mal les parlementaires de la Chambre Haute aller joyeusement et de leur propre chef à l’encontre d’un point qui aurait été positif pour le consommateur, dans la droite lignée des avancées obtenues par la ″Loi Hamon″. Non, s’il est une ″main invisible″ à chercher derrière le vote des sénateurs sur ce point précis, c’est plutôt celle du lobby de l’assurance.

ARTICLE_L2111 Article L211-5-1 instaurant le Libre choix (cliquez pour télécharger le document)
Romain Thirion
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