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Pièce de réemploi : l’amendement « Royal » ou le punitif qui divise

Romain Thirion
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Passé totalement inaperçu dans le Landerneau professionnel trop concentré sur les débats autour de la loi “Macron”, l’amendement n°798 du projet de loi “Royal” sur la Transition énergétique risque pourtant de faire mal aux réparateurs. Car celui-ci, adopté par l’Assemblée Nationale, dispose que les professionnels de l’entretien et de la réparation devront soumettre obligatoirement à leurs clients l’opportunité d’user de pièces de réemploi… sous peine de sanctions pécuniaires !
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3 000 euros d’amende pour une personne physique, jusqu’à 15 000 euros pour une personne morale… C’est ce qu’encourront les contrevenants face aux tous nouveaux articles L.121-117 et L.121-118 du Code de la consommation, tels que créés par l’amendement n°798 du projet de loi sur la Transition énergétique portée par la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Ségolène Royal. Des contrevenants qui ne peuvent être que des professionnels de l’entretien et/ou de la réparation automobile, puisque ce sont eux que le texte, présenté par le député Europe Écologie-Les Verts (EELV) des Bouches-du-Rhône, François-Michel Lambert, vise directement.Dans le détail, c’est précisément le quatrième alinéa de cet amendement qui instaure un point de loi qui aurait dû faire du bruit, mais qui est passé relativement inaperçu, comme le soulignaient fort justement nos confrères de L’argus il y a trois jours. Il faut dire que le (pas si) petit monde de l’après-vente est actuellement très focalisé sur les débats autour du projet de loi “Macron” et trop peu sur celui baptisé “Royal”. C’est pourtant de lui qu’est venu l’amendement en question, qui devrait faire réagir les réparateurs et leurs fédérations professionnelles.
Un texte f(l)ou !
Le quatrième point de cet amendement, justement, propose de créer un article L. 121-117 au Code de la consommation, lequel disposerait que «tout professionnel qui commercialise des prestations d'entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d'opter pour l'utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves». Jusque-là, rien de très étonnant ni de trop dérangeant… si ce n’était pour la suite du texte !«Un décret en Conseil d'État établit la liste des catégories de pièces concernées et précise la définition des pièces issues de l'économie circulaire au sens du présent article. Il définit également les conditions dans lesquelles le professionnel n'est pas tenu de proposer ces pièces du fait de leur indisponibilité ou d'autres motifs légitimes», précise ensuite le quatrième point. Et surtout, plus bas, l’amendement propose de créer un article L. 121-119 disposant que «tout manquement aux articles L. 121117 et L. 121118 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale» !
A qui profite le crime ?
Nul doute que ces articles, s’ils finissent gravés dans le marbre après l’adoption définitive du projet de loi, contenteront largement les professionnels du recyclage automobile, mais aussi (et surtout ?) les assureurs ainsi que, peut-être, les constructeurs, qui auront sacrifié ainsi une partie de leur business pièces mécaniques pour préserver le monopole des pièces de carrosserie auxquels ils s’accrochent tant et qu’ils préfèrent voir réemployées plutôt que vouées aux gémonies d’un marché libéralisé… et ouvert aux pièces adaptables.Mais sans aller jusque-là, du moins pour l’instant, autant soulever la relative inapplicabilité de cet amendement tel qu’il est, pour l’instant, rédigé. Car, même sous la forme actuelle, celle sous laquelle il a été adopté par l’Assemblée Nationale, trop de détails restent à déterminer pour le rendre fonctionnel. D’abord, «permet aux consommateurs d’opter pour l’utilisation» est-il suffisamment précis pour que le professionnel de l’atelier sache s’il doit proposer oralement ou noir sur blanc la possibilité d’user de pièces de réemploi à son client pour réparer ou entretenir son véhicule ?
Des précisions, que diable !
De même, le texte reste bien trop vague lorsqu’il évoque  certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l'économie circulaire». S’arrêterait-il aux pièces de carrosserie, y ajouterait-il quelques pièces mécaniques et, si oui, lesquelles ? Irait-on jusqu’aux organes de sécurité, pourtant exclus, en tout cas pour l’instant, de la filière des pièces de réemploi ? Et aussi faudrait-il s’assurer de la traçabilité desdites pièces, même si la filière du recyclage y travaille…Encore «un décret en Conseil d'État» devrait-il établir «la liste des catégories de pièces concernées» et préciser «la définition des pièces issues de l'économie circulaire au sens du présent article», que la noble institution semblerait bien en peine de définir sans consulter l’ensemble des acteurs concernés, professionnels de l’atelier comme du recyclage, voire même… l’ensemble de la filière automobile ! Un travail de titan que l’on ne souhaite à personne, en l’état, de se coltiner. D’autant que se pose, ensuite, la question de la main d’œuvre nécessaire à rendre la pièce de réemploi conforme à l’installation sur le véhicule à réparer, ce qui coûterait finalement au client et complique quelque peu l’équation économique de la PRE (pièce de réemploi).Les «motifs légitimes» en vertu desquels «le professionnel n'est pas tenu de proposer ces pièces» risquent d’être, certes, moins difficiles à définir mais colportent, elles aussi, leur lot d’écueils et ce, pour le législateur comme pour les professions concernées… Et considérer que la contrevenance audit article de loi pourrait conduire à des sanctions allant jusqu’à 15 000 euros pour une personne morale, voilà qui pourrait décourager plus d’un garagiste de faire son métier !
Quid des fédérations ?
Contactées, la FFC-Réparateurs et la branche Carrossiers du CNPA n’ont pas encore eu le temps de nous répondre, sans doute prises de vitesse par l’urgence de la situation comme nous avons, nous-mêmes, failli l’être. Mais la FNAA, elle, s’est déjà insurgée et prépare une contre-attaque devant les sénateurs, le projet de loi sur la Transition énergétique devant à présent être examiné par la Haute Chambre. «Cet amendement n’est pas acceptable et nous allons demander au Sénat de revenir sur le texte, affirme Aliou Sow, secrétaire général de la fédération. C’est créer du formalisme là où il n’y en avait pas besoin et mettre une responsabilité sur le dos de professionnels qui proposent déjà l’usage de pièces de réemploi en fonction des besoins de leurs clients.»En effet, il n’est plus rare, aujourd’hui et face à un parc roulant plutôt âgé et majoritairement hors garantie, de se voir proposer le remplacement d’une pièce mécanique ou de carrosserie usée ou endommagée par une pièce de réemploi issue de la filière consacrée. Certains assureurs, d’ailleurs, ont même expérimenté officiellement le concept en régions. Il ne serait, d’ailleurs, pas étonnant que leurs intérêts se retrouvent derrière ce fameux amendement. Mais là où la pilule ne passe pas, pour la FNAA, c’est que la proposition devienne obligatoire sans que soit précisés le type de véhicules et le type de pièces concernées…
« Privilégier le cas par cas »
«Les entreprises d’entretien et de réparation sont en grande majorité des TPE qui maintiennent des liens de proximité avec leurs clients, des liens humains. Leur préoccupation est de permettre de faire réparer leurs véhicules avec qualité et au meilleur prix, plaide Aliou Sow. Mais la proposition de pièces de réemploi ne peut se faire qu’au cas par cas, on ne peut pas dire “si j’interviens sur cette pièce, alors je dois proposer une pièce de réemploi” indifféremment du type de véhicule, de son âge, de ce que souhaite le client ! Le véhicule est son patrimoine, il est naturel qu’il veuille le préserver. Or, la pièce de réemploi, aussi vertueuse soit-elle, comporte trop d’inconnues pour s'adosser à une obligation.»Et le secrétaire général de la FNAA n’oublie pas de souligner la présence de professionnels de la démolition et du recyclage dans les rangs du syndicat patronal, ni la présence de la fédération elle-même au sein du Comité de suivi de la filière VHU (véhicule hors d’usage). C’est donc une organisation professionnelle au courant des enjeux économiques, environnementaux et sociaux qui entourent la pièce de réemploi. Et Aliou Sow de rappeler le pas en avant fait avec la Charte de bonnes pratiques experts en automobile-réparateurs : «nous avons signé, avec les experts, que le chiffrage avec pièces de réemploi soit obligatoirement proposé si toutes les parties concernées lors d’un sinistre sont d’accord».Une situation qui prend son sens en fonction du cas de chaque automobiliste et de chaque véhicule. Une solution amiable, en quelque sorte, qui ne comporte aucune sanction pécuniaire, comme le propose cet amendement n°798. Ce que déplore évidemment la FNAA. Et que devraient également déplorer, de concert, les autres fédérations de professionnels de l’entretien-réparation.
Romain Thirion
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