Sauf à de très rares exceptions près, la révision comme le contrôle technique n'ont rien d'un sinistre immobilisant justifiant un dépannage sous assistance. A eux seuls, ces deux motifs pèsent plus du tiers des entrées-atelier en France quand la panne pure et dure n'en représente que 5%. Sans oublier les trois petits points de suspension qui suivent cette énumération dans le SMS et encouragent un peu plus l’automobiliste à appeler Allo Mécano à l'occasion de tout devis de réparation. Surtout s’il n’a pas regardé, là encore, les discrètes mentions légales précisant que la prestation de l’ange gardien AXA ne s’applique pas «
pour des réparations de carrosserie et/ou pneumatiques»
(*).Plus de doute : hormis le pneu donc, Allo Mécano peut et veut aussi superviser toute autre facturation mécanique.
Un succès annoncé
Le service Allo Mécano d’AXA aura-t-il du succès ? Probablement, puisqu’il est gratuit pour l’assuré et que l’entretien et la réparation d’une voiture sont toujours ressentis comme trop chers. Fera-t-il école auprès des autres compagnies et mutuelles ? Tout aussi probablement tant il est vrai que, depuis la possibilité qu’ont les consommateurs de résilier à tout moment leur contrat d’assurance grâce à la loi Hamon, tout service à valeur ajoutée pécuniaire est réputé stratégique car fidélisant. Maintenant que le parc stagne et que les parts de marché assurantiel ne peuvent progresser qu'au détriment des concurrents, les assureurs auront encore moins de raisons de laisser un tel avantage concurrentiel entre les seules mains d'AXA...AXA a donc toutes les bonnes raisons de “pousser” ce service et ses concurrents assureurs, de le cloner. D’autant qu’il va aussi permettre, en passant, d’avoir une idée plus claire des besoins des automobilistes en réparation mécanique. Et du pouvoir de négociation des assureurs en ce domaine potentiellement porteur pour eux.Si AXA maintient son service pour l'essentiel des interventions atelier et que les autres assureurs lui emboîtent le pas, l'onde de choc sera violente, en nombre de clients concernés comme en impact marché. AXA à lui seul revendiquait presque 4 millions de primes automobiles en portefeuille en 2010, dernière année où ces chiffres étaient accessibles. A la même époque, ses 4 principaux concurrents multipliaient alors le nombre de clients captifs par presque 4 : la Macif ajoutait 5 autres millions d'assurés auto, Groupama 4, la Maaf et la Maif chacun 3 millions. Ces seuls 19 millions d'automobilistes assurés par les seuls 5 premiers acteurs représentent plus de la moitié du parc VP roulant. Soit, arithmétiquement et une fois les pneus déduits, une petite moitié des quelque 38 millions d'entrées-atelier VP annuelles en entretien-réparation mécanique.plus de 15 millions de devis par an sont donc susceptibles d'être demain, même en partie, "revisités" par des mécaniciens-experts assurantiels façon Allo Mécano. Le panier moyen de l'entrée-atelier en France va vite commencer à dévisser. On entend déjà les réseaux sociaux bruisser plus ou moins spontanément de témoignages encourageants du type : «
grâce à mon assureur, j'ai fait baisser ma réparation de X%»...
Une arme anti-libre choix ?
Évidemment, on nous opposera que si un simple coup de fil suffit à faire baisser un devis de réparateur, c'est qu'il a tendance à abuser naturellement. C'est d'ailleurs là toute la malignité de l'offre. Mais ce serait alors mal connaître la vieille et efficace pratique du quasi-chantage de l'enchère inversée. Les assureurs ont bien rodé le concept dans la réparation-collision sur le thème du «
si tu restes plus cher que ton voisin carrossier, c'est donc lui qui profitera à l'avenir de mes belles autos cassées qui te font pourtant vivre». Et comme Allo Mécano intervient dès le devis, une réorientation vers un pro plus conciliant est toujours envisageable.D'accord encore, il y a le libre choix du réparateur qui interdit en théorie une telle pratique. Mais en théorie seulement. En cas de résistance du réparateur, l'assureur peut très bien décider de lancer, au nom de son client automobiliste et dans son environnement géographique, un véritable appel d'offres. Une vue de l'esprit ? En carrosserie, nos lecteurs le savent bien : c'est l'expert qui est maintenant sommé par l'assureur de faire des comparatifs tarifaires entre carrossiers en dépit du libre choix, au grand dam des fédérations professionnelles qui travaillent activement à contrer ce détournement de la loi Hamon. Un détournement
initié par la Matmut début 2014 et largement copié depuis.En mécanique, c'est encore plus simple à réaliser. Pas besoin de coûteuse plateforme de gestion de sinistres qui distribue le business aux moins-disants. Les comparateurs de devis en ligne sont matures en matière d'entretien-réparation, à commencer par le puissant
Reparmax.com ou son concurrent prédécesseur,
VA-France. Il suffira de les solliciter en juges de paix (en “marque blanche” ou même en toute transparence) pour ensuite laisser le consommateur choisir parmi les divers retours collectés. Eh oui : du coup, le libre choix sera (presque) respecté à la lettre...
C'est bel et bien parti
En attendant la très possible contagion et systématisation du service Allo Mécano, il s'annonce déjà en l'état comme un beau terrain d'expérimentation pour l'assureur. Ses “mécaniciens-experts” vont pouvoir “suggérer” de la pièce de réemploi, forts de
la menace d'amende fraîchement issue de la loi sur la transition énergétique. Ou remettre en question le temps facturé sur la foi de quelque sous-traitant de bases de données de réparation dont AXA a sûrement dû s'assurer les zélés services. Ou plus simple encore, “comparer” avec les devis que l'assureur a pu obtenir par ailleurs auprès de carrossiers, dociles qu'ils sont par obligation : dans pléthore de ces chocs avant qui dominent les entrées-atelier en carrosserie, il y a de la pure mécanique à faire...Cette fois, le doute n'est plus guère permis : les assureurs ont bel et bien l’intention d'investir le marché de l’entretien-réparation. Et s'ils s'y prennent d'aussi agressive et offensante manière, les fédérations professionnelles vont avoir du boulot. Il ne leur sera pas simple de trouver les mots justes qui feront comprendre aux consommateurs que ce superbe service d'AXA, immédiatement lucratif pour eux, n'est pas néfaste qu'au seul réparateur. Il le sera immanquablement pour l'automobiliste lui-même.Pourquoi ? Parce qu'une généralisation d'Allo Mécano, en forçant les réparateurs à baisser leurs tarifs, les conduira de fait à réduire leurs budgets équipement et formation, les premiers sacrifiés en cas de disette. Et à moyen terme, ils "taperont" malgré eux dans la qualité de leurs réparations pour pouvoir survivre, comme c'est de plus en plus souvent le cas chez les carrossiers.Mais ce n'est pas grave : AXA pourra toujours assurer la réparation de la réparation...
Voir aussi «DOCUMENT – Allo Mécano : le SMS d’AXA qui confirme le danger !» (*) Autres exclusions : le service est disponible pour les seuls contrats auto AXA avec garantie «Assistance au véhicule souscrite, sauf contrats Clic & Go, Assurance Véhicules de collection, Camping-cars et Caravanes».