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Menace d’État sur la filière des vitres teintées !

Romain Thirion
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1 800 emplois et toute une filière professionnelle menacés : telle est la conséquence prévisible du décret annoncé ce dimanche par le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe, qui vise à limiter à 70% le niveau de transmission de lumière visible sur les vitres avant des automobiles, soit… l’indice du vitrage d’origine à leur sortie d’usine ! Derrière des visées prétendument sécuritaires, c’est toute une filière professionnelle que l’État risque de condamner, filière dont le gros des films posés laisse pourtant le conducteur largement visible, y compris des forces de l’ordre.
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L’annonce est passée presque inaperçue, loin des heures de grande écoute, dans le magazine Turbo du dimanche 8 novembre dernier : Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière, a rendue publique la décision de l’État de mettre en place un décret visant à limiter à 70% minimum le niveau de transmission de lumière visible (TLV) sur les vitres avant des véhicules. Soit l’indice des vitres d’origine des automobiles à leur sortie de l’usine, qui ne filtrent donc que 30% des rayons UV. Ce qui condamne, de fait, la profession de poseurs de films pour vitrage, riche de plus de 1 800 emplois et prometteuse de centaines d’autres, car le sur-teintage de vitres avant représente 53% du chiffre d’affaires de la filière.L’Association sécurité et filtration des films pour vitrage (ASFFV) est donc naturellement sortie de ses gonds et dénonce cette décision totalement unilatérale de la part de l’Administration. «On annonce notre mort !, s’insurge son président, Nicolas Guiselin, également patron du réseau Glastint, numéro 1 du secteur. C’est un décret, donc la loi ne passera pas par le parlement : nous n’avons aucune possibilité de recours», déplore-t-il également. En effet, 811 entreprises, pour la plupart indépendantes de toute enseigne, risquent de devoir fermer boutique suite à ce décret, censé entrer en vigueur en janvier 2016. Car la pose de films pour vitrage est généralement la seule activité qu’elles exercent…
135 euros d’amende, retrait de 3 points
Dès janvier prochain, donc, la réglementation interdira aux véhicules automobiles de rouler équipés de vitres teintées à l’avant, côté conducteur comme côté passager. Les quelque 2 millions de véhicules qui en disposent déjà auront 6 mois pour se mettre en conformité. Passé ce délai, les contrevenants s’exposeront à une amende de 135 euros et à un retrait de trois points sur leur permis de conduire. Le motif avancé pour cette “réforme” ? La sécurité routière, selon le ministère de l’Intérieur.Le ministre Bernard Cazeneuve, suite aux mauvais chiffres de mortalité sur les routes en 2014, avait en effet déclaré, début 2015, vouloir «préciser la réglementation du sur-teintage des vitres à l’avant des véhicules pour garantir le bon contrôle de certains comportements dangereux». En l’occurrence l’absence de ceinture de sécurité, l’utilisation du téléphone mobile ou la consommation de cigarettes au volant, entre autres. Sauf qu’en interdisant purement et simplement tout film teinté filtrant plus de 30% des rayons UV, l’État a totalement balayé les appels à compromis des professionnels du sur-teintage. Et ce, «alors qu’aucune réglementation européenne ne limite la pose de vitrage : l’État a toute liberté de poser sa propre réglementation… mais il préfère interdire», déplore le patron de Glastint.
Propositions non retenues
Ce n’était pas faute pour l’ASFFV, en effet, de proposer au gouvernement des solutions en matière de teinte de vitrage. «On nous promet des réunions depuis le mois d’avril afin de discuter des limites du sur-teintage, mais nous n’avons jamais été reçus : nous n’avons pas vu venir ce décret», regrette Nicolas Guiselin. L’association, en effet, recommande déjà la limitation du niveau de TLV des vitres avant à 50% et 35%, indices qui permettent toujours de voir le conducteur et d’identifier aisément ce qu’il fait au volant. Les pros du secteur déconseillent également la pose de films à niveaux de TLV de 25%, 15% et 5%, qui tirent réellement vers le noir et privent les observateurs extérieurs, au premier rang desquels les forces de l’ordre, de la visibilité du conducteur.Car cela fait plusieurs années, déjà, que les vitres noires ne sont plus le cœur du marché du sur-teintage de vitrage. 76% des véhicules qui roulent avec des vitres teintées sont des citadines, des compactes ou des familiales, contrairement aux idées reçues qui associent automatiquement ce type de vitrage aux SUV, berlines de luxe, sportives et bolides tunés. 48% des utilisateurs de vitres teintées sont des femmes : logique lorsque l’on sait que les films utilisés permettent de réduire de 6 à 10°C la chaleur ambiante à l’intérieur du véhicule quand le soleil frappe fort, protégeant ainsi l’ensemble des occupants du véhicule, enfants compris, et limitant de fait l’usage de la climatisation. Résultat : moins d’émission de gaz à effet de serre due à la consommation de fluide réfrigérant, et aussi moins de rhumes et autres affections courantes lors d’un usage intensif de l’air conditionné…
Contre-argument sécuritaire
Comble de la décision de l’État, selon l’ASFFV : un tel décret va complètement à l’envers de la sécurité routière. Car si les films teintés autorisant un minimum de 35% de TLV laissent le conducteur visible, ils protègent celui-ci de l’éblouissement de jour comme de nuit, contribuant ainsi à éviter les risques d’écarts et de collision. «Ce sont des produits de haute qualité, inspirés de ce qui se fait dans l’aéronautique, où la lutte contre l’éblouissement est indispensable, soutient le président de l’association. Aucune statistique d’accidentologie n’est corrélée à l’usage de films teintés, rien en termes de sécurité ne justifie la mise en place de ce décret.»Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’Automobilistes, «qui ne prend jamais parti pour une corporation», a tenu à s’engager, cette fois, contre une instrumentalisation d’État de l’argument sécuritaire à simple visée pécuniaire : «l’objectif est bien de verbaliser», affirme-t-il. Ainsi, avec ce soutien moral et médiatique, ainsi que celui, plus professionnel, de l’European window films association (EFWA), qui représente les industriels du secteur comme 3M, Saint-Gobain ou Solar Gard, et de l’Association des professionnels du film pour vitrage (APFV), autre association professionnelle du secteur, l’ASFFV va saisir par courrier les parlementaires de chaque département pour soulever le risque pour l’emploi local que fait peser ce décret. Et lance le site pétitionnaire www.oui-aux-vitres-teintees.fr. Ce matin, plus de 19 000 personnes l'avaient déjà signée... 
Romain Thirion
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