Analyse – Décret pièces « vertes » (suite) : ce qu’il faut retenir…

Romain Thirion
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Le décret relatif à l’utilisation de pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire dans le cadre de l’entretien et de la réparation des véhicules est paru le 31 mai au Journal Officiel. L’occasion pour les organisations professionnelles de réparateurs de se dire soulagées d’avoir pu faire sauter les contraintes initialement promises à leurs ouailles, bien que le texte reste flou sur la façon dont les garages devront s’acquitter de l’obligation de proposer à leurs clients d’opter pour une réparation à partir desdites pièces. Et sur les modalités d'application des lourdes sanctions qui, elles, restent dans la loi...
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Il est paru le 31 mai dernier. “Il”, c’est le fameux décret relatif à l’utilisation de pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire (PEC). Celui-ci entrera en vigueur le 1er janvier 2017 après avoir fait l’objet, pendant plus de six mois, de débats animés entre les hauts fonctionnaires du ministère de l’Écologie et du Développement durable, les représentants des compagnies et mutuelles d’assurances, les fédérations de professionnels du recyclage automobile, ceux des réparateurs, les représentants des constructeurs et enfin ceux de la sécurité routière.Pour mémoire, le décret devait fixer «les modalités et conditions selon lesquelles les professionnels commercialisant des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules doivent mettre les consommateurs à même d’opter pour l’utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l’économie circulaire, à la place de pièces neuves», selon l’expression consacrée et rappelée par l’édition du 31 mai du Journal Officiel (JO). Telle est l’essence du contenu de l’article R. 121-26 du Code de la Consommation. Les véhicules retenus sont uniquement les véhicules particuliers et les camionnettes, en aucun cas les poids lourds.
Trois exceptions au décret
Un article R. 121-27 du même code précise tout de même trois exceptions aux dispositions de l’article précité, qui ne s’applique pas :
  • «lorsque le véhicule fait l’objet de prestations d’entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles (NdlR : VN comme VO), ou dans le cadre d’actions de rappel» ;
  • «lorsque les pièces issues de l’économie circulaire ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d’immobilisation du véhicule qui est mentionné sur le document contractuel signé entre le professionnel et son client relatif à la nature des prestations d’entretien ou de réparation à réaliser» (NdR : il faudra donc préciser expressément le déli d'immobilisation en question) ;
  • «lorsque le professionnel mentionné à l’article R. 121-26 estime que les pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire sont susceptibles de présenter un risque important pour l’environnement, la santé publique ou la sécurité routière».
Ces deux dernières exceptions ont suscité le soulagement des principales organisations professionnelles de réparateurs, qui se sont battues pour les obtenir. «Le gouvernement a […] tenu compte de la réalité du terrain en permettant au professionnel et à son client d’être exonérés de toute obligation d’utiliser des PRE (NdlR : pièces de réemploi) lorsque les difficultés d’approvisionnement ne permettent pas le respect d’un délai compatible avec le délai d’immobilisation mentionné sur l’ordre de réparation ou le devis», s’est immédiatement félicitée la FNAA dans un communiqué. «La préservation a minima d’une liberté d’appréciation était essentielle pour que le réparateur puisse pleinement assumer son obligation de résultat, indissociable de la qualité et de la performance des composants qu’il est appelé à remplacer dans l’exercice quotidien de son activité», ajoute le syndicat.De même, «le gouvernement a heureusement reconnu au professionnel la possibilité de refuser l’utilisation d’une PRE quand il estime que son utilisation peut présenter un risque pour l’environnement, la santé ou la sécurité routière», ajoute la FNAA. Cette dernière limite au décret a également été saluée par le CNPA le jour même de la parution du décret au JO.
Moins de paperasse, plus de garanties
Par ailleurs, la FNAA se félicite aussi que «le gouvernement [ait] fini par renoncer au projet d’arrêté qui souhaitait initialement accompagner cette obligation [de proposer des pièces issues de l’économie circulaire] d’une cohorte de contraintes administratives insupportables pour les réparateurs. Il n’est donc heureusement plus question d’obtenir et conserver la pléthore de documents, traces écrites et autres preuves de procédures lourdes et inutiles que ce texte voulait initialement imposer aux professionnels de l’entretien-réparation», souffle donc la FNAA.Le CNPA, de son côté, est heureux de ce que le gouvernement a retenu comme «définition de la PEC, dont la pièce de réemploi produite exclusivement par les centres VHU agréés», balayant ainsi toute provenance exotique de la PRE et valorisant le travail effectué par les professionnels de la filière VHU (véhicules hors d’usage), notamment au travers des outils Global PRE et Global Crossing.En effet, comme le stipule le nouvel article R. 121-28 du Code de la Consommation, sont acceptées comme PRE dans le périmètre des pièces d’économie circulaire «les composants et éléments qui sont commercialisés par les centres de traitement de véhicules hors d’usage (VHU) agréés mentionnés au 3° de l’article R. 543-155 du Code de l’environnement ou par des installations autorisées conformément aux dispositions de l’article R. 543-162 du même code, après avoir été préparés en vue de leur réutilisation au sens des dispositions de l’article L. 541-1-1 de ce code». Et le décret de préciser que «les composants et éléments énumérés [ci-dessus] sont commercialisés sous réserve de respecter la réglementation spécifique les régissant, ainsi que l’obligation générale de sécurité définie par l’article L. 221-1 ».
L’échange standard consacré
Membre éminent de cette filière, qui s’est particulièrement battue pour ce décret, le réseau Caréco a évidemment reconnu les efforts de définition du texte. «Nous nous réjouissons de l’application de ce décret qui va fortement limiter la surconsommation de pièces détachées, prolonger leur durée de vie et ainsi réduire les émissions de CO2, a déclaré Didier Richaud, président de Caréco. Chaque année ce sont plus de 150 000 véhicules hors d’usage qui transitent dans nos centres de recyclage automobile. Nous disposons aujourd’hui d’un réseau de 80 centres agréés, d’ores et déjà prêts à répondre à cette future demande. Nos points de ventes, partout en France, ouverts au public comme aux professionnels, disposent de 30 millions de pièces de réemploi tracées et garanties.»Bien sûr, la notion de pièce d’économie circulaire définie par le décret inclut également «les composants et éléments remis en état conformément aux spécifications du fabricant commercialisés sous la mention “échange standard” telle que définie à l’article 4 du décret no 78-993 du 4 octobre 1978 […]», en faveur de quoi une organisation professionnelle comme la Feda s’était aussi prononcée. Lesquels doivent eux aussi être «commercialisés sous réserve de respecter la réglementation spécifique les régissant, ainsi que l’obligation générale de sécurité définie par l’article L. 221-1». la fédération des distributeurs-stockistes regrette toutefois e que les pièces «échange réparation» n’aient pu être intégrées dans le décret faute de définition légale...
Une liste de pièces fixe qui, elle, divise
Ce qui divise les fédérations professionnelles, en revanche, c’est qu’une liste plutôt précise des PEC éligibles au titre de ce décret ait été fixée. Celui-ci définit en effet la liste suivante : les pièces de carrosserie amovibles, les pièces de garnissage intérieur et de la sellerie, les vitrages non collés, les pièces optiques, les pièces mécaniques ou électroniques, à l’exception de celles faisant partie des trains roulants, des éléments de la direction, des organes de freinage et des éléments de liaison au sol qui sont assemblés, soumis à usure mécanique et non démontables.En ce qui concerne «notamment les pièces mécaniques ou électroniques, la FNAA se félicite de voir le texte élargir leur liste au-delà des seules pièces faisant partie du train roulant, pour tenir compte de fonctions essentielles à la sécurité telles que les éléments de liaison au sol, de direction ou freinage», a déclaré la Fédération nationale de l’artisanat automobile. En revanche, cette rigidité relative n’est pas forcément du goût du CNPA, qui «regrette de ne pas avoir été entendu […] sur la liste de catégories de pièces, qu'il n'était pas souhaitable de figer réglementairement».Ledit CNPA est, en effet, un peu pris entre deux feux sur cette question, au cœur de sa propre maison. Entre des recycleurs favorables à une acceptation large des pièces concernées par le décret, celui-ci boostant naturellement le commerce des PRE, et des réparateurs plutôt partisans d’une liste restrictive pour des questions de responsabilité évidentes concernant la prescription et le montage des pièces, cette déception quant aux catégories de pièces retenues trahit un certain malaise.
Comment mettre le client au courant ?
Ce sur quoi CNPA et FNAA sont d’accord, en revanche, c’est bien sur le flou qui persiste quant à la façon dont les professionnels de l’entretien et de la réparation devront s’acquitter de leur obligation d’information de leur droit auprès de leurs clients. Car le décret ne le précise tout simplement pas. «La FNAA reste évidemment vigilante [car] elle est consciente que ce texte, même adouci par rapport à ses versions précédentes, impose encore aux réparateurs des contraintes dans des proportions qu’elle juge toujours inutilement contraignantes et coercitives.» Quoi qu’il en soit, la FNAA affirme d’ores et déjà qu’elle «mettra à la disposition de ses adhérents tous les outils adéquats pour leur permettre de satisfaire leur obligation en pleine connaissance de cause».De son côté, le CNPA «regrette de ne pas avoir été entendu sur les incohérences soulevées entre les dispositions réglementaires et la réalité du terrain, notamment sur l'information préalable systématique du délai d'immobilisation du véhicule». Et l’organisation professionnelle d’espérer que «ses dernières propositions seront reprises dans l'arrêté que la DGCCRF doit désormais rédiger pour rendre le dispositif opérationnel».Un arrêté que nous surveillons également comme le lait sur le feu pour pouvoir vous en délivrer l’analyse dès sa publication.
Romain Thirion
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