Pièces de réemploi : l’inacceptable projet de décret!

Jérémie Morvan
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L’actuel projet du décret d’application relatif à l’article 77 de la loi sur la transition énergétique inquiète la FNAA. Selon elle, le texte est à la fois irréaliste, ingérable administrativement et surtout presque insultant en ce qu'il semble surtout «inspiré par une méfiance à outrance vis-à-vis des professionnels». La fédération a donc transmis une lettre ouverte à Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, pour la prier instamment de revoir sa copie...
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On se souvient que la Loi Royal sur la transition énergétique et la croissance verte introduisait dans son article 77 l’obligation pour les professionnels de l’entretien-réparation de systématiquement proposer des pièces de rechange issues de l’économie circulaire. L’article L.121-117 dispose en effet que «tout professionnel qui commercialise des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d’opter pour l’utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves». Une obligation qui impose de nouvelles contraintes administratives aux professionnels et dont le manquement se verrait sanctionné par de lourdes amendes : jusqu’à 3 000€ pour une personne physique et 15 000€ pour une personne morale…
Une réunion pour rien ?
Censé intervenir en janvier dernier, le décret n’est toujours pas finalisé. Mais un projet de décret existe. Et il inquiète grandement la FNAA au nom de tous les réparateurs. Elle a décidé d’en appeler directement à la ministre de l’Écologie et du Développement Durable. Dans une lettre ouverte à Ségolène Royal, l’organisation professionnelle «tient  à [l’]alerter solennellement de l’impérieuse nécessité de lui (NdlR : la pièce de réemploi) donner un cadre à la fois simple et réaliste pour les usagers et les entreprises». Dénonçant l'inadaptation du projet de décret aux réalités du terrain, la FNAA demande aussi une nouvelle réunion avec les parties prenantes au dossier afin de trouver le juste équilibre entre les objectifs poursuivis par la loi et les contraintes des réparateurs ! Ce n’était pourtant pas faute d’avoir participé à une première réunion, le 2 décembre dernier ! Organisé par le ministère, ce tour de table avait en effet permis à chacun d’apporter des propositions. Mais «cette concertation semble avec le recul de pure forme puisque le projet final ne reprend aucun élément de nos discussion», s’agace la FNAA…Pire encore : l’organisation professionnelle soutient que ce projet de décret semble «davantage inspiré par une méfiance à outrance vis-vis des professionnels de l’automobile» ! La première réunion ayant eu lieu quelques semaines en effet après la diffusion des conclusions pour le moins maladroites d’une enquête diligentée par la DGCCRF sur le secteur de l’entretien-réparation auto, faut-il penser que l'injuste suspicion que cette enquête tronquée jetait sur les réparateurs a conduit le ministère à ne pas faire confiance aux professionnels ?En tout état de cause, le projet de décret soumet les professionnels à une série de lourdeurs administratives (la délivrance et la conservation d’attestations sur ses consultations de bases de données professionnelles par exemple) peu compatibles avec la réalité du métier. Et la FNAA de souligner au passage une situation pour le moins paradoxale à l’heure où le Gouvernement prône la simplification des procédures administratives...
Nécessaire évaluation au cas par cas
A travers cette lettre ouverte, la FNAA entend bien sûr réaffirmer sa volonté de promouvoir l’utilisation des pièces issues de l’économie circulaire rappelant d’ailleurs que, sur le terrain, les professionnels de l’entretien-réparation sont depuis toujours utilisateurs et préconisateurs de ce type de pièces (pièces de réemploi ou pièce en échange-standard).La fédération prône en revanche la nécessité de laisser le professionnel, sur qui repose toute la responsabilité de l’intervention sur le véhicule, de décider de l’emploi ou non de ces pièces de rechange. Elle conidèreque  l’actuel projet de décret ne permet de satisfaire ni l’obligation de résultat du réparateur (imposer l’emploi d’une pièce d’occasion peut s’avérer dangereux), ni pour ce dernier de répondre avec la latitude nécessaire aux attentes budgétaires de son client automobiliste. Monter en effet une pièce de réemploi sur un véhicule trop récent n’aurait aucun sens économique car cela grèverait le capital du client. La FNAA souligne aussi qu'il est illusoire de vouloir lister les pièces susceptible ou non d'être remplacées par des pièces de réemploi. Elle explique une nouvelle fois que l'évolution constante de la technologie des véhicules fait que des pièces aujourd'hui anodines peuvent avoir demain un impact direct sur la sécurité de fonctionnement du véhicule : «L'électronisation croissante des fonctions des véhicules ne permet pas, par exemple, de dresser une liste fixe. Comment savoir si tel ou tel nouveau composant a, aura, ou n'aura plus d'impact par exemple sur la sécurité d'utilisation», s'interroge Aliou Sow, secrétaire général de FNAA ?La lettre ouverte n'en démord donc pas : «Le professionnel doit pouvoir continuer à évaluer, au cas par cas, l’impact budgétaire, fonctionnel et surtout sécuritaire qu’une pièce de réemploi peut avoir sur un véhicule», résume ainsi l’organisation professionnelle. Au-delà, la FNAA estime qu’il est devenu essentiel «comme l’exige d’ailleurs la loi, d’identifier les motifs légitimes pour lesquels le réparateur n’est pas tenu de proposer de la pièce de réemploi dont a minima […] la sécurité de l’usager», ce que le projet de décret ne définit pas...Aussi la FNAA réitère-t-elle sa proposition d’exclure par principe du futur dispositif les véhicules de moins de 8 ans. Cela permettrait également d’orienter les flux de pièces de réemploi -qui ne couvrent actuellement que 3% des besoins en entretien-réparation- vers sa cible première : les véhicules âgés, à plus faible valeur vénale.La FNAA demande donc la suppression des obligations administratives prévues dans ce projet de loi, se rangeant du côté de la proposition de la DGCCRF qui consiste à créer une plus simple et plus logique obligation d’information du consommateur par voie d’affichage dans le garage. Et pour toutes ces raisons, elle réclame également une nouvelle réunion qui, espère-t-elle, entendra cette fois les propositions des professionnels de la réparation....
Jérémie Morvan
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