Pneus d’occasion : un marché qui tient la route !
A l’occasion du bilan d’activité 2012 de l’éco-organisme Aliapur, présenté la semaine dernière, un chiffre lancé parmi d’autres a attiré l’attention : la part de pneus réutilisés –des pneus vendus d’occasion pour le VL et pneus rechapés pour une seconde vie dans le secteur du PL–. Elle a en effet atteint 18,32% en 2012 lorsque son niveau avait plutôt été de 15 à 16% ces dernières années. Selon le rapport d’activité 2012 d’Aliapur, sur les 18,32% de pneus réutilisés dans le cadre des collectes de pneus usagés, 35% le sont pour rechapage et pas moins de 65% partent à la revente en occasion.
Derrière la hausse, certes relative, de cette part de pneus réutilisés dans le volume total de pneus collectés, se dessine pourtant une activité qui n’était finalement que très peu visible sur le territoire national. Jusqu’ici… Mais une demande semble avoir significativement émergé l’année dernière. Au point que, selon le directeur général d’Aliapur, Eric Fabiew, certains de nos collecteurs se posent sérieusement la question de savoir s’il ne serait pas opportun de créer un centre de montage ! Il faut dire que, face à une demande croissante, l’offre s’organise. Et s’étoffe : «outre la professionnalisation du métier d’opérateur-trieur (NdlR : qui dispose depuis 2005 d’un CQP, ou certificat de qualification professionnelle), révèle ainsi le DG d’Aliapur, les centres de collecte disposent depuis 2011 de chaîne de tri des pneus usagés, plus confortables pour les opérateurs, lesquels effectuent un tri de plus en plus pointu». Résultat : une plus grande proportion de pneus collectés peut être dégagée pour le réemploi…
L’offre peine face à la demande
Et visiblement cela ne suffit pas à satisfaire la demande : deux témoignages concordants, l’un de Patrick Poincelet, membre du réseau Caréco et président de la Branche déconstruction au CNPA, l’autre de Nicolas Moriette, patron de l’entreprise Erric, collecteur de pneus usagés en Seine-et-Marne et vendeur de pneus d’occasion pour qui «le principal problème aujourd’hui est de trouver la marchandise», viennent en effet confirmer que le marché n’est pas naissant à proprement parler. En effet «le marché des pneus d’occasion n’est pas nouveau, il a toujours existé», martèle Patrick Poincelet ; reste qu’il est toujours demeuré embryonnaire car l’offre n’a jamais pu suffisamment se structurer pour satisfaire à la demande. De tout temps, les anciens ‘casseurs’ automobile ont été les plus importants pourvoyeurs de ces pneus ‘alternatifs’ : sur un VHU en effet, «au moins deux pneus repartent en moyenne sur le marché de l’occasion», précise-t-il…
Son de cloche identique chez le collecteur de pneus usagers, qui dispose aujourd’hui de pas moins de deux centres de montage pour écouler son (précieux) stock : «sur les 16 300 pneus vendus à des particuliers en 2012, les pneus d’occasion ont représenté 11 200 unités ; le complément est du négoce de pneus neufs». Et selon son dirigeant, si l’entreprise avait suffisamment de marchandise, le mix tournerait davantage autour de 85% des ventes en pneus d’occasion ! Mieux : le collecteur exporte même au Royaume-Unis où la demande est, là-aussi, en pleine effervescence…
Qui opte pour une telle alternative ? «Tous les profils de clients, dès lors qu’ils en ont connaissance», répond Nicolas Moriette. En clair, le marché ne se concentre pas seulement sur des petites dimensions… Sur des pneus de taille importante, les économies apparaissent en effet plus que significatives
Si le marché n’est donc pas « naissant », la demande semble s’être singulièrement accélérée depuis le début de la crise, surfant sur une tendance «à s'orienter vers des solutions économiques, dont les pneus», selon les mots de Patrick Poincelet.
Problématique absence de norme
Reste un point à éclaircir : si l’activité de rechapage est, au moins techniquement, encadrée, les pneus PL d’occasion restent quant à eux dans un flou artistique des plus complets… Il y a bien une garantie de 3 mois chez Caréco, qui n’est rien d’autre qu’une garantie contre les vices cachés ; mais Patrick Poincelet insiste sur le coup d’œil et l’expérience des déconstructeurs en la matière lors du démontage des véhicules, pour ne pas mettre sur le marché des pneus qui seraient trop dangereux.
C’est peut-être bien là la limite à l’exercice pour Nicolas Moriette (Erric), dont les opérateurs -trieurs se fient avant tout au taux d’usure du pneumatique. In fine, « les pneus d’occasion peuvent faire un peu peur aux automobilistes, avance-t-il ; c’est pour cela que notre second centre de montage n’est qu’à 20 km du premier. Il n’y a que dans notre zone de chalandise, où les gens nous connaissent, que nous avons de réels débouchés pour ces pneumatiques »…
« Bien souvent, complète-t-il, il y a quand même une réparation à effectuer pour le revendre ; or, aucun agrément ou texte ne vient encadrer cette opération de réparation. Il y a quelques années, il avait été question d’établir un process normé, mais c’est tombé à l’eau. »