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Fin du thermique, vers le tout électrique ? « Aucune vision stratégique ! »

Muriel Blancheton
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Moteur électrique Renault Cleon

C’est la position la plus sévère que le Parlement européen a émis sur la baisse des émissions de CO2 : en 2035, le moteur thermique neuf sera interdit pour laisser place aux seuls véhicules 100 % électriques sur les chaînes de production. Une décision devant répondre aux objectifs de décarbonation en 2050. Mais une décision unilatérale aux multiples conséquences. Et pas forcément celles que l’on croit…

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Idéologisme forcené sans fondement scientifique et industriellement risqué : la décision du Parlement européen d’imposer une voie unique, celle du véhicule 100 % électrique, est incompréhensible pour l’ensemble de la filière auto. Loin de se réfugier derrière l’argument social – 500 000 emplois supprimés rien que dans les usines européennes –, les acteurs du secteur pointent du doigt une prise de risque énorme de la part des parlementaires. Une voie unique donnant sur une impasse sociale, mais aussi économique et environnementale. 
Pourtant, tenir les engagements de la décarbonation était possible avec les solutions thermiques comme les hybrides, « mais cela est devenu inaudible à Bruxelles. Nous n’avons droit qu’à des débats dogmatiques irrationnels. Nous nous préparons à des désillusions générales cruelles pour toute la chaîne de valeur, dont les services dont on ne parle pas assez », regrette Xavier Horent, le délégué général de Mobilians*. Le tout sans prise en compte du client final qui pourrait fort bien siffler la fin du match. « Car quel sera le degré d’acceptation des citoyens pour acheter des VE à 45 000 € minimum ? De plus, les besoins des populations sont différents selon la géographie. Le mythe de la solution unique reste un mythe », estime Marc Mortureux, directeur de la PFA. 
 

Batterie : 40 % du coût total d'un VE

L'Europe sur un plateau pour la Chine

Le tarif élevé d’un véhicule électrique reste rebutant pour un foyer. « Et ce n’est pas en faisant du volume que le prix va diminuer », ajoute Claude Cham, le président d’honneur de la Fiev. Il faut des matières premières, essentiellement sourcées en Asie, avec des prix en pleine flambée – comme le cuivre – puisque la demande augmente, faisant augmenter deux fois plus vite le prix d’un électrique versus un thermique. Or, l’Europe ne sait pas fabriquer de VE à bas coût. Tout l’inverse de la Chine qui a dix ans d’avance sur le sujet. Et c’est bien là tout le paradoxe : en fermant la porte du thermique aux industriels européens, l’Europe a ouvert celle des véhicules électriques chinois, fabriqués en masse et à moindre coût. « Donc nous allons avoir des véhicules fabriqués hors Europe, avec de l’électricité carbonée ! Peut-on se poser les bonnes questions ? », demande Claude Cham.

Un million de bornes de recharge en attente 

L’argumentaire écologique du VE ne tient déjà plus la route avec des études ne prenant en compte que les émissions de CO2 à la sortie du pot d'échappement, et non sur la base du cycle de vie du véhicule. Le transfert de valeur ajoutée vers l’Asie alourdit le dossier, même si l'Europe met les bouchées doubles avec ses 40 "Gigafactory" prévues. « 60 % de la production mondiale est chinoise », indique Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’Observatoire Cetelem. Enfin, vient l’insuffisance des infrastructures en bornes de recharge. Il en faudrait sept millions en Europe et un million en France en 2035. L’Hexagone en totalise 60 000 (quand 100 000 étaient prévues fin 2021). Ce qui sous-entend non seulement des investissements de masse à hauteur de plusieurs milliards d'euros, mais aussi un sourcing en électricité pour arriver jusqu'aux bornes qu'aucun pays européen ne peut actuellement fournir... « Aucun autre pays ne s’impose de telles règles, ni les États-Unis ni la Chine, alors que ce sont les pays les plus émetteurs de CO2 ! Certains élus vont devoir rendre compte de telles décisions », conclut Claude Cham. 
* À l'occasion d'une interview sur Sud Radio le 10 juin 2022. 

Muriel Blancheton
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