L’atelier du futur... encore à inventer
Véhicules électriques, connectés, accès aux données, diagnostic avancé... Un éventail de défis techniques que doivent d’ores et déjà envisager les réparateurs. Pourtant, submergés par le quotidien et parfois aveuglés par des carnets de rendez-vous pleins, nombreux procrastinent, se considérant encore peu concernés. Néanmoins, pour assurer leur avenir, les ateliers indépendants devront faire évoluer leur offre de services et donc leurs compétences. ICDP et GiPA ont présenté sur l’édition rémoise d’Equip Auto On Tour deux éclairantes études. État des lieux.
Si les indépendants multimarques ont jusque-là gagné la bataille de l’après-vente (55 % de pdm), la galaxie des constructeurs développe de puissantes stratégies pour reprendre la main. L’électrification du parc et sa connectivité sont ressenties comme autant de leviers pour y parvenir. Dans cet environnement concurrentiel, les indépendants sont astreints à voir plus loin et à anticiper l’avenir pour ne pas un jour se réveiller dépassés.
Recruter, difficulté n° 1
On en est encore loin, avec une dictature du quotidien qui classe la difficulté de recrutement des techniciens en première préoccupation pour sept MRA sur dix interrogés par ICDP dans le cadre d’une vaste enquête réalisée en 2023 sur 1 250 garages indépendants européens (France, Italie, Pays-Bas et Espagne). Suit la question économique avec des surcoûts multiples – et notamment de main-d’œuvre pour 60 % des MRA – difficiles à répercuter sur la clientèle. L’évolution technologique des véhicules, qui préoccupe 45 % des répondants, arrive en troisième position des enjeux inquiétant les MRA, suivie du problème conjoncturel d’indisponibilité des pièces. L’accès aux données véhicules, qui mobilise actuellement les industriels et les organisations professionnelles, n’arrive qu’en cinquième position. Si cette liberté d’accès questionne 40 % des réparateurs sondés, elle n’est pas encore ressentie comme primordiale. Car les réparateurs font confiance à leurs partenaires pour les aider à maîtriser à terme ces données ! Ils sont d’ailleurs également nombreux à mettre en avant la gêne d’une concurrence accrue et des marges en repli.
Enjeu de la maîtrise du diagnostic avancé
Au cœur de cet enjeu, c’est bien la maîtrise vitale du diagnostic qui est interrogée. Car, selon une récente étude GiPA (1000 professionnels interrogés chaque année intégrant RA1, RA2, MRA, spécialistes...), le diagnostic est obligatoire pour 63 % des entrées atelier. Or, selon l’étude, la majorité est encore en phase 1 de simple maîtrise de leur outil, encore loin de l’utilisation optimale pour des opérations plus complexes ! Et justement, lorsque les choses se compliquent, si 64 % appellent une hotline, 27 % vont se débrouiller en cherchant de l’information en ligne, 21 % envoient directement leur client dans l’atelier d’un constructeur, 17 % se déplacent eux-mêmes et 9% font appel à l’aide d’un confrère ! Dommage, car ces astuces de contournement font au minimum perdre beaucoup de temps non facturable et génèrent une déperdition d’activité.
Solutions existantes encore trop ignorées
Pourtant, équipementiers et prestataires de services mettent à disposition des solutions afin de contourner cette difficulté, la plus opérationnelle étant la délégation à distance de la complexité d’un diagnostic (Remote Diag). Si aujourd’hui 40 % des réparateurs (tous secteurs confondus) sont utilisateurs de cette solution, ce taux tombe à 23 % pour les seuls MRA. Et lorsque GiPA a interrogé ceux qui ne sont pas équipés, un sur deux n’est pas intéressé à passer le pas! «Mais il ne faut pas trop attendre à se lancer car le changement se fait très vite et les technologies, elles, ne nous attendent pas», commente Odette Dantas, DGA chez GiPA.
Véhicules accessibles dans dix ans ?
Un attentisme en phase avec nos voisins européens. Ainsi, sur les 1 250 réparateurs indépendants européens interrogés par ICDP, à peine 15 % envisagent d’investir dans un outil de télémaintenance. Il faut dire que même à l’horizon dix ans, ils placent en queue de peloton de leur préoccupation l’avènement des véhicules connectés (45 %), l’accès aux données (35 %) ou la généralisation des équipements Adas. Car de fait, les changements d’usage automobile les inquiètent beaucoup plus, et notamment l’échéance 2035 de la fin annoncée de la commercialisation des véhicules thermiques qui pourrait assécher leur vivier d’interventions ! Suivent logiquement sur le podium de leurs craintes la montée en puissance des packages "tout compris" – SAV inclus – et les contraintes d’usage type ZFE ! Enfin, l’électrification du parc inquiète un MRA sur deux, lesquels parient cependant sur la puissance d’un parc vieillissant qui leur laissera encore longtemps des marges de manœuvre. Oui, mais à condition de maîtriser d’ici là la maintenance électronique !
Les Allemands plus branchés sur le véhicule connecté
Si l’électromobilité n’est pas encore d’actualité, les réparateurs allemands semblent davantage concernés par les enjeux de la maintenance des systèmes avancés. C’est ce qui ressort d’une étude menée auprès de 274 ateliers indépendants en Allemagne, Autriche et Suisse par l’équipementier Meyle au printemps dernier, en coopération avec l’institut d’études de marché Innofact. Ainsi, la maintenance des systèmes avancés d’aide à la conduite (Adas) est considérée comme la plus importante (83 %) pour l’activité future des ateliers. Les trois quarts des répon- dants parient également sur la montée en puissance des besoins d’intervention sur les systèmes d’infodivertissement. Ils misent aussi à terme sur l’enjeu de la durabilité, estimant à 77 % que le traitement des batteries pour les véhicules électriques sera le deuxième service le plus important fourni par les ateliers à l’avenir.
Les réparateurs comptent ainsi sur leurs partenaires pour les accompagner dans ces mutations. Les services plébiscités : outil de diagnostic (65 %), mise à disposition de formations et de certi- fications spécifiques (65 %) et hotline (60 %). Outre les formations sur les véhicules électriques et hybrides (70 %), les ateliers veulent être formés sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (60 %) et sur les nouvelles technologies de service et de communication (58 %). « Les résultats montrent que les ateliers indépendants ont besoin de solutions allant au-delà de la production de pièces pour pouvoir suivre le rythme à l’avenir. La plupart des acteurs indépendants sont bien trop petits pour faire la différence par eux-mêmes », explique Michael Grimm, responsable de l’innovation chez Meyle AG, qui a mis en place une plateforme de dialogue IAM/Connect pour identifier les besoins de ses clients.