Bruno Le Maire appelle à la « reconquête industrielle française et européenne »

Muriel Blancheton
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Bruno Lemaire

Invité au Paris Automotive Summit, en marge du Mondial, le ministre de l'Économie et des Finances a martelé qu’il n’abandonnerait jamais l’industrie automobile, même au cœur de la tempête. Mais sous conditions : l’Etat, les constructeurs et l’Europe doivent être plus soudés et armés face à des acteurs plus agressifs et décomplexés, désignant du regard la Chine et les Etats-Unis… 

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Pénurie de carburant, crise énergétique et transition électrique : un climat anxiogène s’est installé sur le marché et l’automobile patine avec des immatriculations en souffrance. Sauf que la voiture reste un instrument de travail et de liberté, voire une nécessité pour des millions de Français. Et les files d’attente aux stations-service l’ont  bien rappelé, n’en déplaise à certains. « Aucune industrie aussi capitalistique n’est aussi chahutée. Et Bruxelles n’a pas écouté les préconisations de la France (sur une transition plus raisonnée, mutualisant les technologies entre électrique et thermique, ndlr). Alors agissons, vite et clairement ! Stop aux tergiversations et travaillons en commun vers l’électrique, les batteries, la pile à combustible, l’hydrogène vert », a lancé Bruno Le Maire. Mais pour le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chacun doit tenir son rôle. Réussir dans le véhicule électrique (VE) suppose que les pouvoirs publics, les constructeurs et l’Union européenne assument leurs responsabilités. Ainsi, il a annoncé le lancement du deuxième plan automobile, couvrant 2022 à 2026, avec une enveloppe de 2,6 Md€ pour favoriser l’innovation et accompagner la révolution électrique d’ici 2030. Objectif : rendre de l’attractivité au territoire français. L’élan sera donné selon le ministre dans le projet de loi de finances 2023. « Depuis cinq ans, nous ouvrons plus d’usines que nous n'en fermons, nous créons plus d’emplois que nous n'en supprimons. Nous continuerons le maintien de la baisse d’impôt et du crédit impôt recherche, ainsi que la baisse de 25 % de l’impôt sur les sociétés. Nous sommes en reconquête industrielle. » Les constructeurs sont aussi appelés à être responsables avec leurs fournisseurs et sous-traitants. 

Il ne coûte pas plus cher de produire en France qu’ailleurs.

« Si l’Etat relocalise et rend plus attractif le territoire, nous sommes en droits d’attendre la même chose des constructeurs. Il ne coûte pas plus cher de produire en France qu’ailleurs. Ce n’est plus vrai et plus rien ne le justifie ! En cinq ans, nous avons rattrapé les écarts de coûts et l’avantage social de produire en France », a rappelé Bruno Le Maire qui a salué le rapatriement de certaines de leurs productions. « Mais ce ne sont que les premières ! Je ne vois pas pourquoi un véhicule de segment B ne pourrait toujours pas être produit en France. » Les constructeurs sont également appelés à accompagner les PME dans un principe de solidarité, qualifié de « principe cardinal de la filière auto française. La compétition est certes mondiale, mais on peut quand même rester solidaire avec ses fournisseurs et ses sous-traitants. Je rappelle que nous prévoyons la production de deux millions de véhicules électriques dans les années à venir. »

L'Europe doit changer de logiciel

Mais tous ces efforts seront vains si l’Europe ne se montre pas plus protectionniste pour défendre ses intérêts industriels, face à des pays comme les Etats-Unis et la Chine, nettement plus enclins à défendre leur propre souveraineté. Joe Biden, par exemple, a ainsi annoncé des aides à l'achat de véhicules électriques pour les modèles américains, avec des batteries dont 40 % sont composées de matières premières locales. « L’Europe doit changer de logiciel et maintenir la préférence industrielle comme instrument économique. Nous devons accélérer sur l’innovation », a martelé le ministre, estimant que l’Europe est trop lente dans ses prises de décisions, « quand les autres pays mettent seulement quelques trimestres voire semestres pour se décider (sur le véhicule autonome, PAC, hydrogène…). Chaque jour perdu est un marché perdu. » Dans le viseur du ministre, la Chine avec ses véhicules électriques moins chers mais carbonés, une problématique majeure à l’encontre de la politique initiée depuis quatre ans et qui a freiné la dépendance chinoise en lançant un programme européen de Gigafactories ou encore des centres R&D. « Pourquoi laisser inonder le territoire avec ces véhicules ? Il faut protéger notre marché même avec des batteries plus chères mais propres. »

Muriel Blancheton
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