Défaillances d'entreprises : entre normalisation et rattrapage
Deux études pour une tendance : à l’instar de 2022, les faillites d’entreprises ont continué de grimper en 2023, selon les chiffres concordants publiés par le cabinet Altares et l’Observatoire BPCE. Et les défaillances du secteur « Commerce et réparation automobile » ont progressé plus vite que la moyenne par rapport à 2019.
Après les « années blanches » 2020-2021 avec des entreprises sous le bouclier protecteur du « quoi qu’il en coûte », la fin de la parenthèse « Covid » s’est confirmée en 2023.
Altares annonce près de 58 000 procédures de défaillances enregistrées sur l’année, soit un bond de 35,8 %. Impressionnant mais à relativiser versus les + 49 % de 2022, bien que cette accélération reste « la deuxième plus rapide de l’histoire », précise le cabinet. Et plus inquiétant, le 4e trimestre a été particulièrement sévère avec 16 820 procédures ouvertes, « soit le pire chiffre sur trente ans ».
De son côté, BPCE, l'organe commun de la Banque Populaire et la Caisse d'épargne, qui vient également de publier son Observatoire, annonce un flux de défaillances supérieur de 8 % par rapport à 2019 (repère pré-crise Covid).
Un environnement économique tendu en 2023
Outre une croissance limitée sur l’année (autour de + 0,8 %), « mais sans être en récession », insiste Alain Tourdjman, directeur des études économiques de BPCE, les entreprises ont fait face au choc de l’inflation qui n’a certes pas impacté négativement les marges pour tous, mais a tout de même eu des effets sur les coûts de fonctionnement (énergies et salariaux), que les plus petites entreprises ont eu plus de mal à répercuter. S’y ajoutent les Urssaf « jusque là plus tolérantes » qui ont repris sérieusement en main le recouvrement ainsi que le remboursement des PGE qui a pesé sur la trésorerie des entreprises. Car si « 20 % des TPE-PME qui avaient souscrit un PGE l'ont remboursé, il reste les trois quarts d'entre elles qui sont aujourd'hui en phase de remboursement », note Alain Tourdjman. Un cocktail explosif pour des entreprises déjà fragilisées.
Commerce et réparation auto fragilisés
En zoomant sur les services « commerce et réparation automobile », BPCE souligne une avec un rebond de 12% des défaillances comparé au niveau de 2019, 2344 entreprises en procédures. Dans le détail, ce sont 1 022 défaillances pour les garages indépendants, (+15% vs 2019) et 1 322 pour les entreprises du commerce de véhicules (+10% vs 2019).
En complément, les chiffres d’Altares confirment cette accélération des défaillances du secteur à + 26% comparé à N-1. Le plus inquiétant est que la majorité de ces procédures concernent des liquidations (1749 cas, +25% vs 2022), quand les « sauvegardes reculent de 6%. Une tendance que BPCE relève sur l’ensemble des secteurs. Ainsi, les liquidations judiciaires (cas de défauts les plus extrêmes) sont beaucoup plus fréquentes en 2023 (73% des défaillances contre 71% historiquement). « Ce retour des procédures de liquidation judiciaire au niveau de 2019 s’est manifesté dès le 1er trimestre 2023, alors que celui des procédures de redressement est plus récent (4e trimestre 2023). Ainsi, la situation d’une part croissante d’entreprises était donc dégradée au-delà du point de non-retour », commente BPCE.
Les PME plus touchées en 2023
Autre signal préoccupant relevé par BPCE : la remontée des défaillances concerne plutôt les PME-ETI du commerce/réparation de véhicules (défaillances 2023 supérieures de 32% versus 2019) même si les plus petites structures ne sont pas épargnées (+ 8% versus 2019).
Une tendance lourde que l’on retrouve dans les autres secteurs. Avec des microentreprises et les plus petites TPE (sans salarié, ou employant 1 ou 2 salariés) en normalisation des défaillances sur 2023 (+2% par rapport à 2019), tandis que plus de 4 700 PME-ETI (10 salariés et plus) ont défailli en 2023 (+ 37% par rapport à 2019) ce qui « correspond à un rattrapage d’environ la moitié des défaillances évitées entre 2020 et 2022 ». D’où naturellement un impact plus important sur l’emploi menacé de l’ordre de 240 000 emplois contre environ 150 000 en 2022.
Et pour 2024 ?
Dans un environnement macroéconomique proche de 2023 avec une prévision de croissance de l’ordre de 0,7-0,8 % tirée cette fois par le retour à la consommation des ménages plutôt favorable aux TPE-PME, la tendance devrait rester la même. Sur 2024, BPCE anticipe des défaillances d’entreprises qui devraient à nouveau progresser de l’ordre de 10 % pour atteindre 62 000 cas. Sachant que ce scénario médian pourrait être soumis à de multiples aléas économiques, mais aussi du degré de rattrapage déjà amorcé en 2023. « En effet, les défaillances s’accélèreraient sur les plus petites entités qui n’amorceraient leur rattrapage qu’en 2024, alors qu’elles se stabiliseraient côté PME et ETI. Ainsi, le nombre d’emplois menacés par les 62 000 défaillances attendues en 2024 ne devrait pas déraper très au-delà du niveau déjà très élevé de 2023 (autour de 250 000 emplois menacés en 2024) », analyse-t-on chez BPCE.