Défaillances d’entreprises : la fin de la trêve du « quoi qu’il en coûte »
Regain de défaillances d’entreprises au T2 2024. Heurtées par le remboursement de leur PGE et la vague inflationniste, les TPE-PME ont affiché des niveaux record de défaillances, selon les chiffres de l’Observatoire BPCE.
Au 2e trimestre 2024, 16 405 défaillances d’entreprises ont été dénombrées, soit près de 63 000 au cours des 12 derniers mois, un niveau supérieur de 21 % vs 2019. « Depuis le 4e trimestre 2023, le rythme de défauts est supérieur à la période 2010-2015, historiquement la plus dégradée depuis le début de notre suivi en 2009 », insiste Alain Tourdjman, directeur des Études et Prospective, Groupe BPCE. Des disparités se font cependant en fonction de la taille des entreprises. Ainsi, les PME-ETI ont vu leurs défaillances grossir de 56 % (T3 2023 à T2 2024) vs 2019, tandis que les « moins de 3 salariés » n’affichent que +16 %. Faisant dire aux analystes que ce seront les prochains à finaliser le rattrapage de la « trêve » du sauvetage post-Covid qui avait permis d’éviter 93 % des défaillances ! Somme toute, un retour à la normal, sauf que note, Alain Tourdjman, ce sont les entreprises plus anciennes, solides et bien ancrées dans leur environnement qui ont le plus souffert, tandis qu’à peine 18 % des défaillances ont touché les plus récentes. Un signe d’alerte « car ce sont ces entreprises anciennes qui ont le plus fort impact sur le tissu productif et de l’emploi ».
Les garages fragilisés
Le secteur automobile est en phase avec cette dégradation générale. Et de fait, sur le terrain, on sent monter les tensions pour les garages avec des fermetures du jour au lendemain sans alerte préalable, des retards ou défauts de paiement en forte croissance... L’Observatoire BPCE confirme ces remontées terrain avec une situation qui s’aggrave au T2 début 2024, avec une hausse de 23 % (vs 2019,) soit 2 points de plus que tous secteurs confondus.
Sur les douze derniers mois glissants, BPCE relève un niveau record de défaillances pour le secteur du "Commerce et entretien-réparation automobile". Et cela, alors même que sur 2024 « les chiffres macroéconomiques sont plutôt bons, avec 1 % de croissance anticipée par l’Insee. Pourtant, certaines entreprises sont en difficulté, tous secteurs confondus », note Julien Laugier économiste du BPCE. « Le secteur auto affiche bien des progressions plus élevées que la moyenne, mais nous ne sommes pas non plus dans un scénario catastrophe », poursuit t-il. À noter également un taux de liquidations judiciaires sur cette période de 73,8 % pour notre écosystème, contre 68 % pour la moyenne nationale, toutes activités confondues. « Ce secteur a aussi subi aussi de façon indirecte le changement de comportement des consommateurs qui, depuis le début de l’année, ont réduit de 5 % (vs 2019) leurs achats en matériel de transport (dont l’achat et l’entretien automobile) », analyse Julien Laugier.
Facteurs aggravants
Comment expliquer cette montée de fièvre dans l'auto ? Effet rattrapage de la période « sans risque client de la sortie de crise Covid » ? Certainement, pour un tiers des défaillances suspendues par le soutien étatique de la crise pandémique, estime BPCE. Assèchement des trésoreries par une inflation impactant les coûts et difficile à répercuter sur un consommateur « qui a fait 0 % de gain de pouvoir d’achat depuis 2022 » ?
Sans doute aussi, mais il faut également tenir compte de l’impact "remboursement du PGE". Sur 2024, on peut estimer à 2 Md€ les sommes à rembourser par les garagistes. « De fait, cela est compliqué pour ceux qui n’avaient pas anticipé, mais aussi pour les pros qui avaient mis de l’argent de côté mais ont été rattrapés par l’inflation sur les coûts d’exploitation. Mais ce sont souvent des profils de sociétés qui allaient déjà mal avant la pandémie », observe un distributeur de pièces de rechange.
65 000 défauts attendus sur 2024
À noter que selon les régions, l’intensité du nombre des défaillances de garages n’est pas la même : + 49 % en Bourgogne- Franche-Comté, + 47 % pour Paca et + 44 % en Ile-de-France ; quand l’Auvergne-Rhône-Alpes (+ 7 %) et l’Occitanie(+ 6 %) ferment la marche.
Combien de temps va donc durer cette “purge“ ? Sur 2024 et jusqu’en 2025, les défaillances vont rester sur un taux élevé. « On ne peut pas parler de tsunami, mais une marée haute qui va purger une partie des entreprises en difficulté. » BPCE anticipe 65 000 défaillances sur 2024 avec un risque accru sur « les petites entités, jusque-là assez épargnées par le rattrapage ».