Electromobilité : Tenez-vous prêts
Un parc mini mais qui gonfle vite, des véhicules encore peu présents dans les ateliers, des paniers de pièces dédiées qui se constituer… La montée en puissance de l’électromobilité s’accélère à bas bruit… Les réparateurs doivent se préparer doucement à ne pas refuser d’entrées atelier liées à l’électrification du parc.
« Le métier va changer avec les véhicules électriques. Aujourd’hui, le concessionnaire assure l’entretien des VE et le MRA n’est pas encore prêt à recevoir ce type de véhicule. Si celui qui est en fin de carrière ne sera pas intéressé, le jeune pro devra appréhender l’électrique, pas comme un diéséliste ou un carburologue, mais comme un électromécanicien. Il devra savoir se servir d’un diag, un multimètre, un oscilloscope, etc. tout en s’habituant à porter des outils de protection individuelle (gants, chaussures, masques) protégés (pour éviter les arcs électriques) », insiste Michel Métral, responsable technique chez NTN Europe. Ce professionnel pose une problématique au cœur de la mutation actuelle du marché : se préparer à l’électrification du parc qui s’accélère tout en conservant encore pour au moins une décennie la suprématie du thermique. « L'électrique est un acquis. Cela veut dire qu’il faut aborder ce nouveau mode d'utilisation des véhicules. Et cela dès maintenant, mais graduellement », assurait Christophe Rollet, président de Point S Holding, lors du grand Forum présenté par Zepros sur Equip Auto Lyon.
Qui va piano va sano
Pour Stéphane Antiglio, président de Parts Holding Europe (Autodistribution), qui voit encore un avenir pour l’entretien sur les véhicules thermiques jusqu’en 2060, il faut « faire les choses dans le bon ordre et dans le bon timing ». « La montée en puissance de ce parc électrifié va être graduelle. Nous avons donc tout le temps pour former les équipes. Nous allons donc rester basiques : former les bonnes personnes et répondre aux attentes de nos clients », décrit très pragmatique Guy-Olivier Ducamp, directeur Monde de l’activité IAM Motrio. « Une enseigne permet au réparateur d'anticiper le mouvement qui se présente mais qui est encore aujourd'hui trop faible pour qu'il investisse lourdement », recadre Christophe Rollet. Tous sont cependant d’accord pour reconnaître la nécessité de disposer d’ateliers formés et équipés pour l’accueil des véhicules électrifiés, « mais sur des zones dédiées ou la demande est suffisante pour que cela fasse sens ».
Principal mot clé : anticipation
Sauf que pour l’ANFA, il ne faut pas tarder à généraliser la sensibilisation avec un parc électrique certes faible mais qui pourrait peser la moitié du parc global dès 2036. « Il est donc primordial d’anticiper les besoins en compétences qui sont et seront à l’œuvre pour vendre, louer, maintenir, réparer, contrôler et recycler ces véhicules, en toute sécurité. » Délicat ajustement auquel sont également confrontés les équipementiers fournisseurs de l’après-vente. Comment fournir le plus rapidement possible les organes de première monte en aftermarket, pour répondre aux demandes des distributeurs indépendants, sans gonfler des stocks de pièces encore peu demandées (et donc laisser la main à la rechange constructeur) ? En y allant pas à pas. Ainsi, si les équipementiers commencent sérieusement à étoffer leur catalogue « rechange » d’organes, solutions et services dédiés à l’e-mobilité, reste encore beaucoup d’inconnus sur ces pièces qui seront à changer demain. Work in progress.
« À l'ère de l'électromobilité, le service des batteries prendra une nouvelle signification pour les ateliers indépendants ouvrant de nouvelles opportunités d’activité grâce aux nouvelles solutions de diagnostic. »
Georges Mourad, directeur Services et Solutions Mahle Aftermarket.
Les fournisseurs dans les starting-blocks
Depuis plusieurs mois, les groupements de distributeurs réclamaient à leur fournisseurs équipementiers d’en savoir plus sur les organes dédiés aux VE qui seront disponibles en rechange. Mois après mois, ces derniers enrichissent donc leurs catalogues, tels que ZF et sa famille de freinage dédiée, Hella, ou encore les spécialistes PSD (lire page 44). Des gammes qui se construisent progressivement faute de retour structurée des PR à changer sur un VE encore complexifié par l’arrivée de modèles chinois dont les concepteurs n’ont pas réellement encore intégré la nécessité d’après-vente !
• Bosch a intégré en septembre à son catalogue « rechange » les premiers organes spécifiques à ces nouvelles technologies. Tels les capteurs ultrasoniques USS Gen6 qui font partie du système d’aide au stationnement (aide la manœuvre, freinage et stationnement automatisé) et déjà montés sur une cinquantaine de modèles. Ils s’ajoutent aux capteurs TPMS. Le composant eAxel, qui combiné au système de direction constitue le module d’essieu avant pour VE, n’est pas encore accessible en rechange « car pas de besoin », tandis que les inverters et converters qui ne sont pas encore au catalogue, mais « sont déjà prévus ».
• NTN Europe met déjà à disposition des pompes à eau électriques qui refroidissent le convertisseur et le chargeur. La gamme va s’étoffer progressivement et une filière de la rénovation des packs de batteries, réservée actuellement aux concessionnaires, devra se développer.
• Côté pneumatique, certains manufacturiers proposent également des pneus spécialement dédiés aux véhicules électrifiés, tels Michelin et son Pilot Sport EV, le Hankook iON, ou encore le Pirelli P Zéro Elect. « Nous ne sommes pas sur la même typologie de produits car un VE, en termes d’usure ou confort, a des contraintes différentes (20 % de surpoids, adhérence, distances de freinage…). Si on monte un pneu standard sur un VE, il s’usera plus vite à cause du surpoids et du couple », décrit Sébastien Roussilhe, Key Account Sales Manager chez Pirelli.
Au petit soin pour la batterie
Le défi pour les équipementiers est bien de se mobiliser sur la batterie, qui peut représenter jusqu’à 25 % du prix d’un VE. Dans le même temps, la proportion de véhicules équipés de systèmes de propulsion électrique (véhicules électriques à batterie et hybrides) augmentera jusqu'à 95 % en Europe d'ici 2035. Le service batterie pourrait donc bientôt représenter la moitié du total des prestations fournies par les ateliers. Être à même d’entretenir cet organe sera fondamental pour la rentabilité des ateliers « branchés ». « Si 70% des ateliers Bosch Car Service sont habilités (niveau 2) à l’intervention sur les VE, nous devons les accompagner vers l’habilitation permettant d’intervenir sur les batteries de traction (niveau 3) », décrit Daniel Berreby (Bosch). Avant cela et dès l’an prochain en France, l’équipementier va tester la réparation sur batterie (remplacement de cellules) « en s’appuyant sur les Bosch Diesel Center » pour construire les process de cette nouvelle prestation, « avant un déploiement sur l’ensemble du réseau ».
Même focus sur la batterie portée par Mahle Aftermerket, qui a construit une solution complète autour de la santé de l’organe avec son programme BatteryPro regroupant les modules nécessaires à l’entretien et au diagnostic : E-Scan (diagnostic) , E-Care (maintenance des circuits de refroidissement) et les deux dernières fonctions ajoutées au dispositif E-charge (liée aux bornes de recharge) et E-Health (primé sur Equip Auto Lyon) permettant d’entretenir mais aussi de sortir un état de santé précis de la batterie et même de générer une prévision de sa durée de vie restante.
Remote Diag : un soutien pour se familiariser avec l’intervention VE
Si à peine 1 % des demandes à la hotline DAF Conseil concerne des interventions sur les véhicules, très clairement la prise en main à distance par des experts sur ces nouvelles technologies complexes est l’avenir. Un moyen de monter en compétences mais aussi de ne pas se priver de cette clientèle. « Malgré la croissance rapide des ventes de véhicules électriques et hybrides [N.D.L.R. : + 34 % de ventes en septembre pour un parc à 1,4 million de véhicules], il existe encore une disproportion très nette entre le marché et les demandes que nous pouvons avoir sur les hotlines au diagnostic de panne pour ce type de véhicules. Nous encourageons vivement les réparateurs, à condition qu'ils aient l'habilitation B0L, et B2L pour au moins un compagnon dans l’atelier, à y faire davantage appel. C'est une opportunité pour eux de renforcer leur expertise et de s’adapter à l’évolution du marché », insiste Christophe de Leissègues, DGA de DAF Conseil, qui est prestataire de nombreux réseaux.
Encourager le diag à distance
Même insistance chez Bosch qui pousse sa solution de diagnostic à distance. « Aujourd’hui, on constate une montée en puissance exponentielle de ces demandes de remote diag pour des interventions qui demandent 20 à 90 minutes, mais qui permettent au garage d’accueillir ces nouvelles technologies », commente Daniel Berreby, directeur commercial Bosch Aftermarket France. Mais attention, les techniciens doivent déjà être capables d’identifier la faisabilité de la prestation à commander à la hotline. « On dépasse le niveau de mécatronicien pour entrer de plus pied dans l’informatique. » « J’ai reçu des clients sur le stand qui en ont assez d’amener les VE chez le concessionnaire », explique Jean-Pierre Deshayes, responsable technique pour le développement des nouvelles technologies Dinitrol France. Le distributeur spécialisé en solutions pour les carrossiers s’est associé au britannique Repairify pour le déploiement d’une plateforme de diagnostic à distance. « Nous lançons cette nouveauté au sein du réseau IDLP Altternative Autoparts. »
« Les VE ont des pannes électroniques communes avec les voitures thermiques et d’autres plus spécifiques liées par exemple aux câbles de recharge défectueux. À mon grand étonnement, nos statistiques prouvent que le coût de la réparation des pannes est équivalent à celui d’une voiture thermique. »
Christophe Paillet, responsable formation et méthodes chez Opteven.
Réseaux constructeurs : « Une impérative montée en compétences »
« Comme tous les VE se retrouvent dans le réseau, on forme d’abord les techniciens experts (quatre jours) sur les machines électriques et la gestion des batteries. Pour intervenir sur la partie haute tension, il faut ajouter cinq jours dans notre centre de formation de l’Essonne », indique Stéphane Gay, chef de service qualification et retail HR chez BMW Group France. La montée en compétences des techniciens sur la haute-tension est un enjeu pour le constructeur, qui vise 50 % de modèles VE dans son parc à l’horizon 2030. Le recrutement des techniciens de demain est aussi un défi de taille. « Il faut recruter différemment, chercher de nouveaux talents chez des gens formés aux systèmes automatisés. Les plus jeunes, qu’on souhaite convaincre en leur montrant ce qu’on sait faire, indiqueront la stratégie du futur. »
Une des attractions d’Equip Auto Lyon : une BMW i7 commandée depuis un smartphone pour une démonstration de pilotage autonome.
Point S : « Un réseau 100 % habilité en 2024 »
« Depuis quatre ans, nous avons accéléré la partie formation sur les VE, l’habilitation en France étant assez complexe. 50 % du réseau est habilité et notre objectif est d’atteindre 100 % en 2024 avec deux collaborateurs habilités dans les franchises les plus importantes », affirme Jean-Yves Berbas, directeur d’enseigne chez Point S. Et pour cause, en cas d’absence du technicien habilité, la moindre intervention est impossible. Si encore peu de VE entrent dans les ateliers, ceux y arrivant vont de la Renault ZOE à la Tesla. « 93 % des interventions sur les VE sont des prestations courantes (pneus, freins, balais d’essuie-glace). » Reste une part d’ombre sur le niveau de prestation sur ces véhicules lorsqu’ils seront vieillissants… « Que va-t-il se passer et combien coûtera le remplacement des batteries ? On voit aussi que de nombreux VE d’occasion restent sur les parcs ! Le consommateur n’est semble-t-il pas encore prêt à passer le pas. Il va falloir de la pédagogie. »
« 93 % des interventions sur les VE sont des prestations courantes (pneus, freins, balais d’essuie-glace), » note Jean-Yves Berbas (Point S).