FIEV : plaidoyer pour une transition assouplie et pilotée

Caroline Ridet
Image
PECH Jean-Louis FIEV

Pas de remise en cause de l’échéance de sortie de production thermique pour 2035, en revanche les équipementiers font écho à leurs clients constructeurs pour demander un assouplissement du calendrier d’application des normes de la réglementation CAFE. Une question de survie pour une industrie automobile européenne fragilisée.

Partager sur

Pour sa première prise de parole publique comme président de la FIEV, Jean-Louis Pech a été très alarmiste sur la situation de la filière auto française et plus largement européenne, incluant constructeurs et équipementiers. « La situation est très grave. La succession de crises (crise sanitaire, rupture des chaînes d’approvisionnement des composants électroniques, puis inflation des coûts des matières premières) a largement fragilisé notre industrie. Et l’industrie n’a pas réussi à remonter la pente depuis la crise sanitaire », alerte le président de l’organisation qui regroupe 300 équipementiers implantés en France.  Une industrie européenne qui a en effet vu ses volumes de production de véhicules chuter drastiquement pour atteindre péniblement les 15,4 millions d’unités (- 14 % vs 2019) et même un inquiétant 1,5 million d’unités en France (- 31 % vs 2019). Avec comme conséquence directe le recul de l’activité des équipementiers en France de 10 % depuis 2019, pour s’établir à 16,4 Md€ en 2023.

Image
FIEV production VN 23

Transition énergétique à haut risque industrielle

Une déstabilisation conjoncturelle d’autant plus à haut risque que la filière doit aussi relever le défi “structurel“ de la transition énergétique. « Les industriels européens ont bien pris le virage de l'électrique en faisant de gros efforts d’investissement, mais nous jouons sur le terrain des constructeurs chinois qui ont actionné de longue date leur stratégie. Il est difficile de rivaliser », prévient le président. Et ce d’autant plus que les volumes de vente des véhicules électriques en Europe stagnent autour des 14 % de pdm, en deçà de la trajectoire fixée. Une panne de ces derniers mois générée notamment par l’arrêt du soutien des politiques publiques à l’achat. Résultat, les constructeurs commencent à tirer la sonnette d’alarme sur leur capacité à être en phase avec les exigences de baisse des émissions de CO2 programmée pour 2025 par la norme CAFE (émissions fixées en moyenne à 93,6 g de CO2/km). Un décrochage qui pourrait coûter aux constructeurs des pénalités montant jusqu’à 15 Md€, selon l’Association des constructeurs européens, par la voix de son président Luca de Meo (Groupe Renault). 

Et si les équipementiers sont solidaires avec leurs clients, c’est bien parce qu’ils considèrent que cette éventualité aurait un impact très négatif sur eux, qui réalisent 85 % de la valeur d’un véhicule. Le risque : que pour "entrer dans le clous" les constructeurs décident de réduire encore la production de modèles thermiques, et donc de réduire encore les commandes auprès de leur fournisseur ! « La filière alerte depuis des années et l’on voit invariablement les choses se dégrader, mais rien ne bouge. » Il serait encore temps de retourner la tendance mais il faut agir, sinon pourrait se faire réalité, dans la filière, la lente agonie de l’Europe décrite par Mario Draghi,  président de la Banque centrale européenne, dans un récent rapport sur la compétitivité remis à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. 

Arrêter le “pilotage“ à vue

Reste que la filière dispose de peu de leviers pour faire bouger les lignes. « Mais si on part battu, on ne gagnera pas », note Jean-Louis Pech, optimiste, bien que résolument réaliste. D’où la présentation d’une feuille de route permettant de s’engager sur la (re)construction d’une industrie automobile européenne compétitive. 

• Piloter la transition énergétique de façon soutenable : une demande qui passe par cet assouplissement de l’échéance 2025 et ainsi éviter de s’ajouter "un boulet au pied" avec des pénalités en cas de non-respect des nouvelles normes. Mais aussi par une prise en compte (réelle) du cycle de vie des véhicules. « Nous sommes en guerre économique. Nous, Européens, ne pouvons pas continuer à être naïfs ! » D’où la nécessité de créer des conditions de règles du jeu équitables et pérennes : soutien continu à la vente des véhicules électriques notamment, règles douanières, prise en compte des différentiels d’empreinte carbone… En clair, baliser le chemin avec des règles équilibrées et de la stabilité environnementale aux industriels. 

• Restaurer la compétitivité de la filière  avec une refonte des politiques européennes et soutenir les investissements importants. « En France, nous devons restaurer le tissu industriel et cela passe par un allègement des contraintes réglementaires et fiscales sur les entreprises ! » En clair, redonner de l’air pour favoriser les investissements dans les innovations. 

• Entrer dans l’aire du collaboratif. Jean-Louis Pech appelle de ses vœux un renforcement du dialogue avec les constructeurs en sortant des politiques de terres brûlées dans ces temps de tension sur les prix, allant chez certains constructeurs jusqu’à pratiquer des enchères à la baisse lors d’un appel d’offres. « Nous avons la nécessité de trouver des accords concertés et pour sauvegarder notre industrie. »  Changer de logiciel pour sortir de ces stratégies court-termistes destructrices de valeur qui, à terme, favoriseront la mainmise des constructeurs chinois sur l’industrie automobile mondiale ! 

Caroline Ridet
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire