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The Future Is NEUTRAL, la révolution copernicienne de Renault et Suez

Muriel Blancheton
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Renault et Suez

Partenaires dans le recyclage des VHU depuis 2008 avec Indra, les deux groupes intensifient encore leur coopération dans l’économie circulaire. Au cœur des enjeux : la plateforme de Renault, « The Future Is NEUTRAL », dans laquelle Suez prend 20 %. Une alliance devançant les injonctions réglementaires sur la revalorisation et le reconditionnement des véhicules. Une convergence ouvrant aussi la porte à toute l’industrie européenne afin de massifier les volumes et rentabiliser les investissements.

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The Future Is NEUTRAL en général et cet accord en particulier est qualifié par Luca de Meo de « révolution copernicienne », dans un contexte imposant une réorganisation structurelle en profondeur (norme CAFE, exigence des clients pour réduire l’impact carbone…), « impliquant de penser autrement pour agir durablement. Et c’est pourquoi NEUTRAL est une plateforme européenne unique d’approvisionnement en matériaux recyclés, ouverte à toute l’industrie, et pas uniquement Renault ! ». Le directeur général de Renault Group appelle donc les autres constructeurs, les équipementiers… à s’engouffrer dans la brèche ouverte de la revalorisation des matières et des pièces. Dans le viseur de la plateforme se profile ainsi l’obligation de massifier les flux pour être rentable. La réintroduction de matières recyclées en production VN et la quête d’un sourcing de qualité en pièces de réemploi sont clairement énoncées comme les leviers pour être « opérationnels ». Les protagonistes prévoient un CA de 2 Md€ d’ici 2030 (vs 1 Md€ en 2023, somme cumulée des quatre entités formant NEUTRAL), sur un marché européen global estimé dans six ans à 14 Md€, répartis en matériaux (5 Md€) et pièces de rechange (9 Md€), d’après les estimations de Suez. 

Dans tous les cas, pour Luca de Meo, cette approche horizontale qui veut embarquer l’industrie automobile européenne voudrait ne plus laisser une once de terrain à d’autres acteurs hors Europe. « Notre secteur a été le champion de la désintégration verticale pendant 30 ans, transférant du business et des compétences à d’autres. Je crois qu’il est temps d’agir autrement, en réintégrant cette partie de la chaîne de valeur, avec d’autres acteurs comme Suez aujourd’hui. Nous sommes ouverts à d’autres actionnaires. NEUTRAL ne s’appelle pas Renault », a conclu le directeur général. 

Ajustement du pacte d'actionnaires

Pour les deux groupes, cet accord anticipe une somme d’injonctions imposées par Bruxelles à tous les constructeurs : fabriquer en 2031 un VN avec 25 % de plastique et 16 % de cobalt recyclés (6 % de nickel et lithium) dans les batteries. La plateforme NEUTRAL doit donc servir le marché en étant déjà positionnée sur les solutions d’économie circulaire.   
Renault souligne que lui-même intégrera 33 % de matières premières recyclées dès 2030, sachant que sa R5 électrique contient déjà 26,5 % de matériaux de seconde main, dont 41 kg de plastiques recyclés. Sans oublier l'obligation de collecter les véhicules en fin de vie (VHU) pour les recycler à hauteur de 85 % minimum dès 2025 (ratio qui correspond à la part d'acier et des plastiques). La manne est à portée de bras avec un marché européen regorgeant de 11 millions de véhicules en fin de vie chaque année. Et la demande est croissante auprès des assureurs pour faire réduire les coûts de réparation dans les ateliers.   « Un déchet industriel n’est pas une ordure mais une ressource », rappelle d’ailleurs Sabrina Soussan, CEO du groupe Suez. 
 

Quatre entités composent The Future Is NEUTRAL

Concrètement, The Future Is NEUTRAL est composé de quatre entités, avec Renault Group majoritaire à 80 % (accord encore soumis à autorisation réglementaire préalable). 140 M€ sont consentis dans ce deal pour l'ajustement du pacte d'actionnaires. 
•    Indra (filière du véhicule hors d'usage), créée en 2008 par Renault avec une participation de Suez (qui monte aujourd’hui à hauteur de 50%). Indra annonce 350 centres sur le territoire qui en compte 1700 au total, tous acteurs confondus.
•    Boone Comenor Métalimpex (recyclage des déchets métalliques ferreux et non ferreux), apportée par le groupe Suez, avec une participation inchangée de Renault de 33 % (Stellantis et Toyota sont clients de Boone Comenor…). 
•    GAIA (recyclage de matières et réparation de batteries électriques de traction), soit 2500 unités recommercialisées en 2023. Renault reconnaît que des boucles courtes sur les batteries lithium-ion ne sont pas encore envisageables.
•    Et The Remakers (remanufacturing de pièces thermiques, mécatroniques et électriques), soit 350 000 unités par an, avec l’assurance de pièces alternatives aux neuves 30 % moins chères.

Questions à Jean-Philippe Bahaud, P-DG de The Future is NEUTRAL

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Jean-Philippe Bahaud

Comment définissez-vous The Future Is NEUTRAL ?

Nous sommes la première entreprise d’économie circulaire à servir de vecteur pour l’industrie automobile en Europe dans sa transition écologique (consommation énergétique, de matières naturelles, électrification…). La production automobile consomme énormément de ressources naturelles comme l’acier, le cobalt, le palladium que l’on retrouve dans les pots catalytiques par exemple… Autant de ressources que l’on va chercher loin (Afrique du Sud, Chine…), ce qui pose un problème non seulement environnemental (épuisement des matières et transport) mais aussi de souveraineté. Les cours de ces matières sont également volatils, ce qui alourdit les coûts (le lithium des batteries électriques a été multiplié par sept en deux ans). Produire des véhicules neufs à partir de matières recyclées et revalorisées est le seul moyen de diminuer la pression exercée sur l’industrie auto. 

 

Qui sont vos clients ? 

Via nos quatre entités, des constructeurs, des fournisseurs de rang 1 mais aussi des assureurs, des centres de démantèlement… Nous couvrons le spectre large de la vie d’un véhicule, de la production de VN avec des matériaux recyclés, de la phase d’usage avec des pièces réparées ou remanufacturées, jusqu’à la fin de vie pour collecter des VHU toutes marques ainsi que des batteries, où les opportunités sont nombreuses. 
Nous projetons un CA de 2 Md€ d’ici 2030 car chaque activité est en croissance. Un exemple avec The Remakers : nous servons déjà Renault et Mercedes-Benz, mais son intégration au sein de NEUTRAL va nous permettre de fournir d’autres constructeurs. De plus, chaque activité est complémentaire des autres, entre la matière récupérée via Indra et gérée par GAIA.

Combien de fois un véhicule peut-il être recyclé et remis à la route en passant dans la boucle NEUTRAL ?

Cela dépend des matières prélevées ! Le cuivre peut être recyclé à l’infini avec le même niveau de qualité par exemple. Idem pour le cobalt, le nickel et le lithium qui ont des taux de rendement important… À l’inverse, on note une perte de qualité à long terme pour le plastique. Progressivement, de nouvelles technologies arrivent et amélioreront les possibilités. Mais ce principe de remise à la route est le fondement de NEUTRAL. Chaque année, 11 millions de véhicules arrivent en fin de vie en Europe, ce qui signifie un gisement d’acier, de cuivre, de plastique… Notre but est que la plus grande partie de ces matières prélevées retourne in fine dans de nouveaux véhicules ! 

Muriel Blancheton
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