Plaidoyer pour l’Equip Auto d’hier et donc, de demain!

Jean-Marc Pierret
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Equip Auto 2015

Equip Auto 2015 a eu son visitorat, ses exposants et donc, son succès. Mais la fracture entre les exposants du hall 5 et du hall 6 s’est matérialisée comme jamais, du moins entre les exposants “d’en bas” majoritairement dans le premier et ceux “d’en haut”, majoritairement dans le second. Le premier était bondé, l’autre seulement “fréquenté”. Pourquoi ? Probablement d’abord et surtout parce que trop de stands d’exposants, ceinturés et bâillonnés par leurs règles de représentation stratosphériques, ne savent plus “faire envie” comme avant. Et si on changeait ça ?

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Va-t-on enfin pouvoir cesser de craindre la fin d’Equip Auto ? A peine ses portes 2015 refermées, le constat s’impose : les stands ont été suffisamment riches de ces fabricants d’équipements de garages, de sociétés de services, d’enseignes et même d’équipementiers qui font ensemble l’attraction plurielle du Salon. Et hormis le classique premier jour mollasson et le tout aussi habituel dernier jour de décompression, les allées ont été suffisamment pleines de ces distributeurs et de ces réparateurs qui font à la fois le thermomètre et la température de ce salon. Notre sondage de pré-salon n’a pas menti : ils étaient là. Claude Cham l’a d’ailleurs déjà presque confirmé sur le plateau télé de clôture du Salon, samedi dernier : «Nous n’avons pas encore tous les chiffres, mais je peux vous dire que nous avons atteint, voire même dépassé, la fréquentation de l’édition précédente».

Bien sûr, les esprits chagrins diront qu’à les avoir concentrés ainsi dans deux halls principaux, les visiteurs paraîtront toujours nombreux. Fâchés par les jours mornes, ces mêmes esprits chagrins demanderont à nouveau un autre calendrier, oubliant que toutes les formules ont déjà été tentées : ouverture le week-end, fermeture le dimanche, etc. etc.

Il faudra aussi entendre les critiques de ces équipementiers qui disent déjà, encore une fois, qu’on ne les y prendra plus, soit parce qu’ils doivent choisir, finances obligent, entre Automechanika et Equip Auto, soit parce qu’ils sont déçus par ce dernier. Ou qu’ils feront la prochaine fois comme ceux de leurs congénères qui n’ont pas pu (bien plus que pas voulu) exposer et qui s’en vantent parfois à l’envi avec ce mélange tellement humain de morgue affichée et de frustration rentrée : «Nous, du coup, on se balade dans les allées, on se pose de stands amis en stands clients, plus relax et pour moins cher, en attrapant au fil de l’eau les contacts que l’on se fait et entretient de toute façon»…

Savoir écouter et entendre

D’accord, mais ce discours n’est-il pas aussi la preuve en creux que les opportunités sont à Villepinte et bien à Villepinte ? Et qu’un stand, aussi coûteux soit-il ressenti (à hauteur de 200 000 € tout compris pour une présence dite “significative” sur 150/200 m2), vaut toujours mieux qu’un strapontin offert brièvement derrière la vitrine d’un autre ? Un autre qui d’ailleurs s’agace vite de ces visites opportunistes qui volent des sièges et du temps, puisque lui les a payés plein pot… Et d’ailleurs, pourquoi certains de ceux qui tenaient ce discours les éditions précédentes sont-ils donc revenus exposer, si le statut de visiteur est vraiment plus profitable que celui d’exposant ?

D’accord encore, il faudra aussi tenter de faire revenir ceux des grands équipementiers qui ne sont pas venus et dont les noms participent indéfectiblement à la notoriété du Salon. Mais ces «équipementiers A» devront aussi finir par comprendre que leur absence a fait le bonheur avoué des «équipementiers B». Même à Villepinte, les absents peuvent avoir tort…

Equip Auto est évidemment conscient de l’hémorragie équipementière qui le déstabilise. De stands en stands, on nous a beaucoup parlé du binôme que Claude Cham, actuel président d’Equip Auto et Jacques Mauge, qui lui a succédé à la tête de la Fiev et découvrait son premier Equip Auto, ont constitué pour s’en aller quérir les avis d’exposants. Auront-ils tout écouté et surtout tout entendu des reproches récurrents, de ceux qui minent même les plus fidèles, comme les coûts grotesques de détails organisationnels et techniques, comme les valses obscures des stands qui, pour privilégier un nouveau venu, ont parfois grossièrement repoussé des “vieux de la vieille” ? Qui, pour servir celui qui promet plus de mètres carrés, ont fait migrer, parfois plusieurs fois, ceux qui n’ont pu maintenir leurs surfaces habituelles mais croient dur comme fer à Equip Auto et en constituent pourtant le socle ?

Hall 5 et Hall 6 : la triste frontière

Mais surtout, ces deux représentants de l’industrie équipementière que sont Claude Cham et Jacques Mauge auront-ils compris et dit que les stands des grands et moins grands systémiers qu’ils ont prioritairement visités ne sont peut-être plus non plus toujours adaptés aux réalités des attentes des acteurs de l’après-vente ? Auront-ils vu et surtout souffert de ce mur invisible qui sépare le hall 5 du hall 6, le premier grouillant de visiteurs happés par les démonstrations, les fêtes, les éclats de rire bonhommes et le second, si tristement parsemé de stands sentencieux, parfois même prétentieux ?

S’interrogeront-ils sur la criante et douloureuse dichotomie qui coupe ainsi leur salon en deux, aussi sûrement que l’huile repousse l’eau, aussi sûrement que grilles, barrières et gardes isolent ailleurs le quartier huppé du quartier populaire ? Auront-ils ressenti cet évident choc thermique qui fendille l’âme d’Equip Auto, ce coup de froid brutal que nous, les journalistes qui arpentons de long en large Equip Auto plusieurs fois par jour, avons vécu chaque fois que nous passions ainsi de l’après-vente “d’en bas” à l’après-vente “d’en haut” ?

Oh bien sûr, dans l’absolu, hall 5 comme hall 6, tous les stands tiennent leurs promesses : ils exposent consciencieusement les technologies qui irriguent les voitures d’aujourd’hui et annoncent les entrées-atelier de demain. Mais le font-ils bien ? Trop d’entre eux rebutent ces foules qui les contournent comme les petits poissons évitent les appâts prévus pour plus gros qu’eux. S’interrogeront-ils enfin, les actionnaires d’Equip Auto, sur la meilleure façon de leur faire re-susciter le désir et donc, de justifier définitivement leur événement biennal si nécessaire à toute la filière ? Et pour cela, sur la façon de le démocratiser enfin ?

Car soyons clairs : ils sont encore trop nombreux, ces stands prisonniers de leur Corporate et sa calamiteuse «Corporate Policy» (règles internes) qui s’imposent et emprisonnent les comportements, embourgeoisent les hommes, les femmes, les hôtes et hôtesses dans des «dress-codes» de multinationales intergalactiques, isolent les bars dans des salles fermées et interdisent même les contacts entre stands concurrents, fussent-ils voisins. Pourquoi s’étonneraient-ils dès lors de ne pas être visités par ceux que leur promet –et leur amène pourtant– Equip Auto ?

Nous avons fait l’expérience de prendre par la main des réparateurs pour les amener devant plusieurs de ces stands guindés. Tous nous ont dit ou fait comprendre un terrible «je n’ai rien à faire là» dans un mélange d’intimidation et de rejet. Et les rares qui ont osé monter quand même sur le stand (monter est le bon terme) étaient mal à l’aise, aussi mal à l’aise d’ailleurs que ceux qui les recevaient comme on accueille des cousins éloignés dont on ne sait plus rien des vies et des mœurs. On les sentaient déjà pressés, dans les deux camps, de repartir rejoindre leurs mondes respectifs. «Cette année, celui-là ne m’invite même plus à venir le voir – Ah oui tiens, t’as raison : moi non plus je n’ai pas reçu d’invitation cette année», vont d’ailleurs regretter si symptomatiquement deux de nos réparateurs-testeurs…

Ceux qui savent profiter d’Equip Auto

C’est comme ça, mon pauvre monsieur et ça ne changera plus ? Les contre-exemples sont pourtant là. Feront-ils enfin école, ces grands équipementiers allemands qui ouvrent leurs stands, troquent leur vitrine technologiques pour des démonstrations didactiques et des formations ludiques, s’en vont capter dans les allées les réparateurs, se localisent d’ailleurs volontairement dans les zones d’équipement de garage ? Là, le réparateur ne fait pas l’effort de “monter” les rencontrer. Là, il entre de plain pied y découvrir ce qui fait son quotidien : le diag, le geste technique, le problème de ce foutu détail qui conditionne «sa» bonne réparation et facilite «son» accès aux nouvelles technos.

Regardez Hella ; regardez Schaeffler, son désormais célèbre amphithéâtre et ses 3 200 contacts réparateurs durant le Salon ; souvenez-vous même de la ruche de Bosch qui n’est pas là cette année, probablement à son grand regret (et pour l’évident bonheur d’Autodistribution qui a pris sa si chaude place à l’entrée du hall 5). Avec leurs chemisettes logotées mais ouvertes, leurs jeans et baskets conviviaux, regardez-les s’affairer d’égal à égal, ces commerciaux mués en techniciens qui captent et captivent, expliquent, forment et informent. Oui : là, les réparateurs entrent, discutent et parlent comme ils vont voir un pont, une servante d’atelier, une équilibreuse, une clé dynamométrique. Sur ces stands, ils se sentent chez eux…

Claude Cham et Jacques Mauge ont déjà dit qu’ils tiendront compte des besoins d’améliorations constatés. Espérons qu’ils chercheront à réconcilier, dans les prochains Equip Auto, le monde très terrestre de la réparation avec la galaxie de l’industrie équipementière qui s’en éloigne si vite…

Et si on les mélangeait tous ?

Et si, bon sang de bois, on les mélangeait enfin tous, géographiquement mais surtout culturellement, ces stands qui tous ont évidemment besoin de chacun des autres ? Les nouvelles technologies équipementières ne sont-elles pas intimement liées à la façon de les réparer dans les garages ? Dès lors, Equip Auto mutualiserait les visiteurs et ferait définitivement comprendre aux équipementiers absents comme présents qu’ils ont tort de bouder leur plaisir ou leur présence. Tort au moins de ne pas savoir expliquer à leurs sièges mondiaux qui croient ne devoir parler que le «constructeur» en toutes occasions, même celle d’Equip Auto. Tort de ne pas remiser leurs stands claquemurés pour réapprendre le langage des réparateurs et des distributeurs…

Ce lundi va nous livrer le bilan officiel du Salon qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, se peaufine encore. Nous pourrions déjà l’écrire : il se félicitera évidemment du visitorat, de la qualité des contacts et du succès qui annonce la prochaine édition.

Notre plaidoyer, vous l’aurez compris : on aimerait tant que ce communiqué vienne aussi rendre un hommage appuyé et circonstancié à ceux des équipementiers qui ont réussi leur Equip Auto. Un hommage à ceux qui auront humblement compris que “s’abaisser” à parler après-vente, c’est surtout savoir se hisser au niveau des enjeux de ce marché où le plus petit des “destructeurs” de pièces (le terme savant pour réparateur) conditionne le plus grand des concepteurs de systèmes. Un hommage à ceux qui auront ainsi su exhumer et recycler, de l’Equip Auto festif, convivial et humain d’antan, tout ce qui pourra faire sa force de demain : le sens du contact, de la vulgarisation et surtout, du “toucher”. Et donc, susciter l’envie irrépressible et définitive d’y venir et revenir…

Jean-Marc Pierret
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