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Recrutement : comment reconnecter l’offre à la demande

Muriel Blancheton
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Sébastien Van Dyk

Covid planétaire et guerre(s) aux portes de l’Europe, transition écologique et augmentation tous azimuts des coûts (matières premières, énergie, transport), digitalisation des métiers… Au cœur de ces révolutions aussi multiples que tumultueuses, la question cruciale des ressources humaines se pose.

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Car cette huile dans les rouages des économies est mise à contribution – et à rude épreuve – dans ces crises mutantes qui se superposent. Et l’automobile fait bien partie des secteurs en pleine crise existentielle, quand les investissements massifs en R&D pour produire des véhicules décarbonés obligent à mettre des milliards d’euros sur la table tout en prévenant d’un laminage social en amont, sur les chaînes de production (trois personnes sont nécessaires pour un véhicule électrique contre cinq pour un thermique).
Une problématique schizophrénique quand vient se heurter la pénurie de main-d’œuvre généralisée en aval et qui n’épargne personne. Délaissée par les jeunes, tous éduqués depuis plus de vingt ans dans le même schéma scolaire qui prône le cursus général plutôt que la filière pro ou attirés par les sirènes du digital, l’automobile et ce qu’elle incarne pour certains (métiers trop traditionnels, produit polluant) pâtissent aujourd’hui, comme les autres secteurs d’ailleurs, de cette désertion générationnelle pour les métiers manuels. Le résultat est logique : il n’y a plus personne dans les ateliers ni même dans les concessions, en mécanique ou en carrosserie peinture, ni chez les indépendants ni dans les réseaux de marque, ni chez les distributeurs de pièces ou les monteurs de pneumatiques…Ce n’est pas exagéré, c’est un constat criant dans toute la profession et à tous les niveaux.

Mieux communiquer pour embaucher

Le manque de communication des pros sur l’attractivité de leur secteur ajoute à la méconnaissance des métiers proposés – le digital et sa floppée de start up font partie intégrante de monde de l’auto aujourd’hui – et aux rémunérations proposées : des concessions recherchent des peintres pour 3000 € TTC par mois, quand d’autres en mécanique proposent des plans de carrière motivants, du bien-être au travail (horaires assouplis, espaces détentes...)... Tout est fait pour attirer le talent manquant. Le léger regain des filières CAP et BEP annonce peut-être une remontada de ce secteur… mais encore faudrait-il les mettre beaucoup plus en avant dans les écoles et jouer sur la marque employeur des entreprises. Et encore faudrait-il souligner tous les dispositifs d’état dont peuvent disposer les personnes dans leur transition professionnelle (Conseil en Évolution Professionnelle pour un salarié, via Pôle Emploi pour les demandeurs, France Compétences…). Car peu de personnes connaissent toutes les subtilités auxquelles elles peuvent prétendre. 

Formations ou (re)conversions

Dans ce contexte où l'offre et la demande semblent bien avoir du mal à se connecter, Sébastien Van Dyk, le directeur général de ManpowerGroup Talent Solutions estime avoir « un rôle social : fournir des ressources et participer à la montée en compétences des salariés sur des métiers actuels et à venir. Mais où placer à bon escient nos énergies et nos investissements ? », questionne-t-il. Pour ce dernier, la difficulté repose sur l’anticipation des besoins, en « référentiel métier » et « référentiel compétence », pour accompagner les personnes en transition ou former des collaborateurs sur de nouvelles technologies, aussi bien dans les métiers industriels que dans le secteur aval. Des propos que l’on retrouve dans le Livre Blanc édité par ManpowerGroup (cf. encadré). D’où la nécessité d’être associé aux décisions gouvernementales. « L’anticipation des besoins est primordiale voire absolue car elle permet de gagner du temps et de la compétitivité. Prenons l’exemple des gigafactories, lancées officiellement par le gouvernement. Un secteur totalement nouveau avec de la création de compétences. À nous de trouver des milliers de personnes pour alimenter ces nouvelles usines, les former et les fidéliser, sur un secteur qui n’existe pas ! Un vrai challenge », indique S. Van Dyk. Et si l’enjeu réside bien dans la bonne correspondance entre les besoins des entreprises et des candidats qui se font rares, « il réside également dans notre capacité à faire monter à bord tout le monde, sans exception…»

La filière doit se réinventer

Deux leviers sont mis en avant dans le Livre Blanc de ManpowerGroup* : l’innovation liée à la décarbonation des véhicules et la formation pour accompagner les salariés dans leur propre transition. Le premier suggère la réindustrialisation du territoire – avec des investissements conséquents – pour voir émerger de nouvelles usines dédiées aux véhicules électriques couplées avec les gigafactories qui sortiront enfin le pays de sa dépendance asiatique. Le second cible les nouvelles compétences nécessaires autour de l’intelligence artificielle et la data. Les termes « polyvalence et polycompétence » entrent en jeu, tandis que de nouveaux métiers apparaissent : installation de bornes de recharge, économie circulaire sur les batteries, logiciels et services associés aux véhicules connectés, maintenance en électromécanique… suggérant différents niveaux d’autorisation (certification ASE pour les techniciens encadrant l’ensemble de la maintenance d’un véhicule par exemple). Ce qui fait dire aux experts de ManpowerGroup que « le secteur auto fait davantage face à un défi d’accompagnement dans la transformation des métiers qu’à un manque d’attractivité. Pour certains d’entre eux, c’est plus une transition professionnelle à engager qu’une montée en compétences. ».
*Secteur automobile : l’innovation et la formation, deux leviers majeurs pour relever le défi de la plus grande transformation de son histoire

Muriel Blancheton
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