Tout le monde cherche son technicien
Attention, métiers de l’auto toujours en tension ! La réparation fait partie des secteurs où la main-d’œuvre est encore difficile à trouver. Si le vivier de l’apprentissage est l’une des solutions, une problématique RH s’est ancrée dans tous les réseaux qui multiplient les opérations séduction.
« La vie professionnelle dans l’atelier n’est pas si noire, à commencer par le salaire. Un jeune chez nous démarre à1 500 € nets par mois et, avec l’expérience, atteint 2 000 à 2 500 € lissés sur un an », confie un garage AD Expert qui a également réaménagé les horaires (fermeture à 16h30 de l’atelier). Et pourtant, nombreux sont les témoignages de pros en manque de mécaniciens et/ou de carrossiers. Sachant que cette pénurie touche aussi les monteurs de pneumatiques, les réceptionnaires, les magasiniers… en concession comme chez un indépendant. Entre le tarissement général des candidatures et les débauchages sauvages pour 1 € de plus, les entreprises subissent un effet ciseau plus que tranchant. Les plus impactés seraient les MRA car ils recrutent à eux seuls un tiers des métiers en maintenance auto, rapporte l’Anfa*. Viennent ensuite les agents (28 %), les concessions (22 %) et les centres autos (16 %). Et là où l’on comprend que la tâche est rude, c’est que 76 % des postes à combler en mécanicien sont considérés comme « difficiles à pourvoir » d’après une enquête Pôle Emploi BMO ! Ce serait l’un des métiers les plus difficiles à pourvoir toutes branches confondues. Paradoxalement, les réseaux constructeurs sont plus impactés que les réseaux indépendants : 51 % des agents et 52 % des concessions mentionnent des recrutements « difficiles » voire « assez difficiles », alors que les MRA ne sont que 36 % à considérer leurs recrutements comme « difficiles » ou « assez difficiles ».
La moitié des formations en alternance
Pourtant, les métiers uniquement en maintenance VP ont représenté 21 000 recrutements (alternants compris) en 2022, soit plus d’un tiers des recrutements généraux de la branche des services de l’auto. Les formations en maintenance auto font bien partie des secteurs les plus demandés auprès des jeunes (plus de trois demandes d’affectation pour une place en lycée pro par exemple). Ainsi, 41 453 jeunes sont formés à la maintenance VP, dont 54 % en alternance. Le dispositif « Un jeune, une solution » depuis 2020 a eu des effets bénéfiques. 55 % des apprentis sortant du CAP « Maintenance des véhicules option A » sont en emploi six mois après la formation et 63 % douze mois après avoir quitté la formation.
*Source ANFA enquête recrutement 2022
CHIFFRES
110 000 C’est le nombre de salariés (mécaniciens et techniciens, apprentis) répertoriés en 2022 (source : Insee).
3500 C’est le besoin annuel de la branche de l’auto en mécaniciens et techniciens (source : Anfa Autofocus 2021).
32% des recrutements en maintenance proviennent des MRA… contre 16 % des centres autos (source : Anfa 2022).
1405 inscrits pour une certification Vendeur auto… contre 695 pour devenir technicien expert après-vente et 308 pour la carrosserie peinture (source : Anfa 2022).
Centre de Reconditionnement VO : comment garder les confirmés ?
Les centres de reconditionnement de véhicules d’occasion sont également tous à la peine pour recruter et fidéliser leurs techniciens en mécanique et en carrosserie. « Nous engageons des jeunes qui se formeront dans nos CRVO, mais les confirmés vont partir assez vite par manque d’intérêt des prestations. Nous ne sommes pas dans l’expertise fine, donc le risque est d’avoir un turnover permanent. C’est un vrai sujet ! », témoigne ainsi Jean-François Cler, directeur des plaques CRVO au sein du groupe Emil Frey France. Des pistes de réflexion sont menées pour tisser des liens avec les experts référents (Mercedes, BMW…) en concession et bâtir des plans de formation avec eux.
L’insertion, un vrai problème de fond
L’équation n’est pas bonne : 12 000 jeunes sortent de formation CAP et Bac Pro en maintenance VP et carrosserie chaque année. Largement suffisant pour alimenter les besoins annuels en maintenance VP et carrosserie (3 à 5 000 jeunes) ! Mais les choses ne sont pas si simples… Sur les 12000 élèves formés, seuls 50 % ressortent avec un diplôme, 25 % ont abandonné la formation au cours de la première année, 29 % s’insèrent dans le métier qu’ils ont préparé six mois après être sorti de formation et 43 % sont au chômage à six mois*. Les 3 000 restants pourraient alimenter le secteur, mais ce dernier crée des emplois continuellement et tous les ans, créant un effet « tonneau des Danaïdes ».
Problème d'orientation
Du coup, le secteur est en recherche permanente de profils… « Les problématiques de recrutement en maintenance VP ne sont pas dues à un manque d’attractivité des métiers mais plus des arrêts de formation, des ruptures de contrat de jeunes en formation, des réorientations professionnelles », note le GNFA. En clair, les mauvais choix d’orientation dès la 5e pour des élèves en difficulté scolaire – 45 % des jeunes sortis de CAP (maintenance et carrosserie) ont redoublé au collège ou en primaire – pour les engager contre leur gré dans une voie de garage qui ne les intéresse pas et par conséquent ne les motive pas. Il s’agit sans doute « et avant tout d’une responsabilité sociétale qui tient à la capacité de la société à intégrer des jeunes en situation sociale fragile », estime l’ANFA qui travaille avec cinq CFA pilotes pour définir un plan d’action et mieux accompagner les jeunes dans leur projet professionnel. L’organisme pointe aussi du doigt certaines entreprises qui auraient intérêt à renforcer leur tutorat et des organismes de formation qui ne créent pas de l’intérêt pour les métiers de l’auto.
Course aux compétences
Enfin, l’électrification et la technologie croissante des véhicules sont des points à ne pas négliger car paradoxalement, ils obligent les jeunes à monter en compétences, conduisant également les entreprises à courtiser les plus diplômés… mais qui sont plus rares. D’où une multiplication des débauchages dans les entreprises et une tension exacerbée sur le marché.
*Sources : Céreq Génération 2017, InserJeunes et IVA-IPA.
Ils font tout pour plaire !
Posts sur LinkedIn, Instagram et Facebook, annonces sur Pole Emploi, Indeed ou Meteojob, avantages tous azimuts… Objectif visibilité et opération séduction pour les garages en mal de mécaniciens et de carrossiers. Sur le terrain, les garages sont en ordre de bataille pour recruter et surtout fidéliser ! Ainsi, Paul Hurelle, dirigeant d’ADB Automobiles (Échirolles, 38), a mis l'accent sur le tutorat et l'alternance et augmente le nombre d'apprentis chaque année. Cet AD Expert participe aux Journées portes ouvertes de l'IMT de Grenoble (école partenaire), ou encore à la Nuit de l'Orientation. « Ces occasions sont un moyen d'exposer nos métiers, notre savoir-faire, et d’échanger avec les jeunes sur leur orientation professionnelle. Notre objectif est de former et de fidéliser nos futurs talents dès leur entrée en alternance. Ensuite, nous accordons une grande importance à la progression professionnelle et proposons des rémunérations attractives », explique le dirigeant (gagnant de nos Ze Awards de l’Auto 2023 « Réparateur de plus de 1,5 M€ de CA »), qui mise aussi sur le bouche-à-oreille, la cooptation et le parrainage parmi ses employés. Plus rare, le garage Espace Auto DMO 63 (Bosch Car Service à Cébazat, 63) a donné 10 % de ses parts sociales à son chef d’atelier. « Nous avons un management très participatif, permettant ainsi à tous de s’investir dans l’entreprise. Pour chacun, nous misons sur des rémunérations fixes au-dessus du marché, car nous voulons des collaborateurs efficaces. Enfin, nous nous assurons de leur montée en compétences avec des formations en électronique (KTS, Passthru, ADAS…) », indique Stéphane Grenier, le dirigeant.
Bien-être au travail
Atypique, Franck Busnel (Eurorepar Car Service à Falaise, 14) a recruté l’an passé une cliente pour en faire sa mécanicienne, désormais en CDI ! « Celle-ci nous a demandé un stage via la mission locale, n’avait aucune expérience dans le domaine, mais elle est passionnée et a toujours voulu travailler dans l’automobile ! » Notre gagnant des Ze Awards 2023 « Réparateur de moins de 2 M€ de CA » utilise Pôle Emploi et Facebook mais mise aussi sur sa bonne réputation qui attire les apprentis jusqu’à sa porte, spontanément. Enfin, il se dit « particulièrement attentif » au bien-être de ses salariés avec des avantages auxquels ils peuvent prétendre via l’IRP, l’adhésion à WiiSmile (un CSE qui permet aux salariés de bénéficier de réductions sur des événements culturels, les loisirs, le service à la personne) et l’organisation d’événements internes conviviaux pour fédérer l’équipe. Un mode RSE qui semble porter ses fruits et ralentir le turnover.
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