Atelier : Électrique un jour, mais thermique toujours
Quel impact va avoir l’électrification du parc pour le business de la maintenance auto ? Modéré et sur le long terme pour les réparateurs indépendants, mais plus violent pour les réseaux constructeurs. Regard à l’horizon 2036 avec deux études prospectives et une modélisation en différents scénarios pour y voir plus clair.
Le véhicule électrique n’est plus un fantasme de bobo-écolo, mais une nécessité pour les industriels sommés de décarboner drastiquement le transport. À cela s’ajoute que le « dieselgate » a été un accélérateur du désamour des clients pour le diesel. Dans cette période anxiogène où l’on prédit la fin du diesel et l’avènement du tout-électrique réputé destructeur de business après-vente, il était indispensable de faire une projection pour que l’après-vente auto se prépare au changement. Un exercice réalisé par l’Anfa avec TCG Conseil/cabinet Feria, mais aussi par la Feda dans le cadre d’un livre blanc s’appuyant sur l’étude prospective de Bernard Jullien, universitaire-chercheur expert de l’écosystème. Chacune a construit trois scénarios modélisant un ancrage progressif et plus ou moins actif des versions électriques dans le paysage.
Bonne nouvelle pour les réparateurs indépendants : ces deux études menées parallèlement arrivent à la même conclusion : l’électrification du parc ne sera pas le fossoyeur de l’activité des ateliers. En revanche, les réseaux constructeurs et les réparateurs indépendants ne seront pas impactés de la même manière. Car autre élément entrant dans l’équation d’un business qui bouge : le vieillissement du parc et en particulier diesel, très lucratif en après-vente. Un paysage qui devrait être porteur pour les indépendants champions des modèles plus âgés. Mais attention, cet appel d’air laissé aux indépendants doit être utilisé pour leur propre (re)conversion aux nouvelles motorisations et techniques de réparation… même s’ils ont une bonne quinzaine d’années pour se préparer à l’entrée de véhicules électriques dans leur atelier, « car quatre véhicules sur cinq seront encore thermiques d’ici là », assure Jocelyn Gombault, responsable projet au sein de l’Observatoire de l’Anfa. « Leur urgence est plutôt de se former sur les technologies diesel, dont ils récupéreront le business d’un parc vieillissant. Leur priorité sur les dix prochaines années : les réparations d’EGR, turbos, filtres à particules et injecteurs. « Dans une perspective de dix à quinze ans, le parc traité par les MRA devrait s’inverser et pourrait être majoritairement à motorisation essence », prévient l’Anfa.
Réseaux constructeurs : 5 ans pour muter
La mutation devrait être plus violente pour les réseaux constructeurs qui n’ont que cinq petites années pour adapter leur après-vente à un parc multi-motorisé et repenser leur business modèle. Le risque pour leur activité après-vente est non négligeable. Car selon les trois scénarios modélisés par l’Anfa, ils seront les premiers à prendre en charge les véhicules électrifiés. À l’horizon 2036, on estime entre – 6 et – 19 % la perte de leur CA après-vente, selon la réussite des VE et VHE à pénétrer le parc. Dans cette hypothèse haute, dès 2026, ils auront à traiter ces modèles à hauteur de 14 % du parc automobile VP entrant tandis que les véhicules diesel seront tombés à 26 % de leurs entrées atelier. Dans ce scénario, en 2036, 60 % des entrées atelier sont composées de ces véhicules, soit une perte de plus de 2,5 Md€ de CA. Sachant que dans la seconde étude (Bernard Jullien/Feda), l’hypothèse haute ferait chuter de 26 % le business atelier des réseaux de marques ! Il y a donc urgence pour eux à retrouver la voie des marges par la vente et surtout à creuser de nouvelles diversifications.
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Les MRA ont quinze ans pour s’adapter
En dégainant son étude prospective – trois scénarios sur l’ancrage progressif des véhicules électrifiés dans le parc en 2036 – l’Observatoire de l’Anfa souligne combien les indépendants (centres autos, MRA, agents) peuvent tirer profit de ces changements. Pour construire ces trois hypothèses, l’Anfa est parti d’un parc estimé à 40 millions de VP et 7 millions de VUL pour 12 ans d’âge moyen en 2036 (source : FFA et OTC).
• Premier scénario (haut) : le parc électrique croît et s’impose jusqu’à 70 % des immatriculations (30 % du parc). Déclin du véhicule hybride qui perd son statut de solution transitoire pour cause de baisse des tarifs des VE. Le chiffre d’affaires en SAV diminue de 10 % au global.
• Deuxième scénario (médian) : le marché est conforme aux exigences de CO2 avec 20 % du parc circulant électrifié, avec des immatriculations de VE en croissance régulière qui deviennent majoritaires aux alentours de 2036. Pas de rupture à l’horizon.
• Troisième scénario (bas) : le parc vieillit et le VE peine à séduire avec seulement 10 % du parc et des technologies progressant peu. Parallèlement, dans ce scénario, le diesel freine sa chute grâce aux VUL et autres véhicules d’entreprise.
De+ 3 à – 5 % pour les MRA en 3 scénarios
Pour sortir des fantasmes sur l’électrique tueur de business, la Feda s’est appuyée sur une vaste étude prospective pilotée par Bernard Jullien, universitaire-chercheur expert de l’écosystème. Là aussi, nous sommes sur trois scénarios pour une visibilité à l’horizon 2036. L’inertie du parc aura raison de la disruption avec un parc vieillissant évalué ici à 39,7 millions. • Les VE pèsent 80 % des ventes et pourtant le parc reste à 60 % thermique, mais avec un CA rogné de 15 % réalisé à 72 % sur le thermique et 17 % sur le VE.
• Les immatriculations VE grimpent à 42 % et les VH-VHR à 10 %. Le parc passe à 30 % d’électrifiés (dont 20 % de VE). Le business atelier chute de 10 % mais se fera toujours à 78 % sur les modèles thermiques, avec l’essence qui domine pour 22 % d’électrifiés dont 11 % en VE.
• Avec 22 % des ventes en VE et 15 % en VH-VHR, le parc restera à 75 % thermique avec un diesel toujours dominant. Le CA entretien-réparation recule de 3 % principalement réalisé sur le thermique (80 %) et très peu sur le VE (5 %).
Dans ces trois hypothèses, les MRA travaillant le parc ancien pourraient gagner 3 % de business et risquer d’en perdre jusqu’à 5 %.