Bernard Jullien prône des États-Généraux de l’Auto pour un plan de relance cet automne
« Le Covid-19 n’est pas qu’une crise sanitaire mettant le monde entre parenthèses quelques temps, sans impact sur l'économie ! Le déconfinement sera plus lent que prévu, la crise sera aigue en 2020 et 2021, avec des baisses de productions et d'activité durables dans l'ensemble de l'économie européenne », estime Bernard Jullien. Le maître de conférences en économie, ancien directeur du Gerpisa (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’Automobile), était invité à l’occasion d’un webinar organisé par la fondation européenne pour le climat. Au coeur des débats : les impacts du Covid 19 et les solutions à apporter dans le secteur automobile. Pour l'économiste, il faut attendre l'automne pour dégainer un plan de relance concerté par tous, « y compris avec nos homologues européens », et soutenir la demande des syndicats d’organiser de nouveaux États-Généraux de l'Automobile, « pour qu’un New Deal puisse se structurer rapidement ». En clair, pas de plan prématuré né dans la précipitation tant que les indices économiques restent plats. Il est évident que les soutiens actuels des États ne pourront durer éternellement. « Financer le chômage partiel sur quelques mois reste jouable. Ce n'est plus la même chose sur 12 à 18 mois. Constructeurs et équipementiers sont à l'aune d'un approfondissement de la crise à l'automne. Cela fait partie des équations qui se dessinent. » La filière va naturellement accumuler les demandes de soutiens actifs (primes à l'achat pour booster les ventes), étendus à l'ensemble des dernières motorisations dont le thermique (jusqu'à l'Euro 6d). Une logique industrielle, corrrespondant aux réalités économiques en termes de distribution et de réparation. Un soutien ne portant pas uniquement sur des primes à l'achat de véhicules décarbonés comme l'a suggéré le ministre de l'Économie Bruno Le Maire il y a quelques jours, et sur laquelle s'appuie la Fondation. « La PFA via son président Luc Chatel a répliqué que le soutien de l'activité globale ne pourra se contenter d'un seul segment qui ne représente que 10% du marché avec des volumes largement insuffisants pour relancer la machine. » Le débat est européen puisqu’en Allemagne, trois Landers viennent d’indiquer qu'un soutien unique dirigé vers le VE et le VHR n'était pas envisageable pour faire remonter les ventes sur leur marché domestique. Le pays envisage ainsi une prime de 3000€ pour l’achat d’un véhicule thermique et 4000€ sur le VE et le VHR. « En France, les concessionnaires sont plutôt orientés vers la vente de VO pour écouler leurs stocks. Les constructeurs sont quant à eux focalisés sur la production VN. Mais les organisations syndicales rechignent à soutenir cette dernière demande car cela revient à soutenir les importations. »
Pas de relance uniquement avec de l'électrique
L’économiste ne réfute pas l’idée d’un soutien à l’électrique mais il met en avant plusieurs écueils : tout d’abord, les délocalisations de fabrication sur les électriques, déjà évoquées sur les thermiques : « La Zoé de Renault est fabriquée en France, mais la 208 électrique est fabriquée en Slovaquie et l’Opel Corsa (PSA) en Espagne. Paradoxal. » Ensuite, la réalité d’un marché avec des catalogues constructeurs et des réseaux de distribution faiblement structurés, tout comme les capacités de production. Enfin, des acteurs de l’après-vente qui démarraient à peine leurs propres transitions technologiques (formations…) pour répondre aux exigences environnementales de 2030. La feuille de route était calée sans l’urgence de la situation économique que nous traversons actuellement. « Comment imaginer qu’ils puissent accélérer ce processus pour 2021 ? En amont comme en aval, trop d’entreprises resteraient sur le carreau (sous-traitants, distributeurs, réparateurs...). « Je vois mal comment l’État pourrait donner crédit à une option exclusivement orientée vers l’électrique. Cela peut être frustrant pour les militants, mais il ne faut pas tourner le dos aux territoires et aux milliers de salariés dont l’activité est liée de facto aux véhicules thermiques. S’il est vrai que l’électrique peut trouver une réelle opportunité, l’équilibre serait loin d‘être atteint même avec un doublement des ventes. »
Muriel Blancheton
Verbatims
- « Force est de constater pour l'économiste que je suis qu'aider l'achat de VN en France revient à soutenir les importations et pas le salarié français. C'est hautement problématique, considérant que les fonds publics vont se faire rares. Pourquoi ne pas dédier ces aides de l'État au prolongement du chômage partiel par exemple, puis au soutien des entreprises pour leurs investissements en R&D, notamment dans leur empreinte carbone ? »
- « L'épargne constituée par les français est estimée entre 50 à 80 Md€. Des réserves dont personne à ce jour ne peut dire si elles seront consommées, entre autres avec l'achat d’un véhicule, ou conservées en épargne de précaution. »
- « Il faut de la concertation, mais les débats divergent. L’Europe du Nord veut un plan de rigueur, l’Europe du Sud ne veut pas de hausses fiscales et évoque l’annulation de la dette Covid »
- « L'après crise dessinera-t-elle un monde différent ? Celle de 2008 n'a rien changé. Trois ans plus tard, la Chine, les Etats-Unis ou ailleurs, l'économie de l'automobile est repartie comme avant avec les mêmes inerties et résiliences qu'avant. »
Cliquez pour lire l'intégralité de la dernière publication de Zepros Auto Tenue de combat
Pour lire l'intégralité de la dernière publication de Zepros Carrosserie Révélez-vous
Abonnez vous aussi à la version digitale de Zepros Auto et Zepros Carrosserie