[Atlas Europe] Les plateformes pneumatiques attaquent la pièce

Le Français Mister-Auto est devenu l’un des fournisseurs de pièces de l’Allemand Tyre24. Des tests ont été réalisés pendant quelques mois pour adresser les clients professionnels de la plateforme de pneumatiques, soit quelques dizaines de milliers de comptes actifs sur huit pays, dont des réparateurs français connectés quotidiennement. Il n’y a plus aucun frein ni psychologique ni technologique pour connecter ces deux mondes : une interface développée en marque blanche suffit et le tour est joué. Tout est automatisé : gestion des stocks, traitement des commandes et disponibilité. Derrière son écran, le MRA – qui n’est pas forcément spécialiste du pneu mais commande déjà sur Tyre24 – voit s’ouvrir devant lui une vitrine digitale lui proposant le catalogue d’une entité qui, pour rappel, appartient à PSA depuis cinq ans. Pas anodin, car Mister-Auto est le poste avancé d’un dispositif puissant. Il est au cœur du réacteur de PSA, totalement intégré à la logistique de son centre européen de Vesoul. Pour l’instant, le site de pièces et la place de marché de pneus prennent la température en jaugeant les besoins des clients pros, avant d'élargir très vite les gammes de produits. Il n’y a d’ailleurs aucune ambiguïté de la part de Miste-Auto qui veut se placer à l'international pour devenir le « leader du commerce en ligne de pièces », d’après Endika Villasol, responsable des places de marché (aussi présent sur eBay et Daparto). Tyre24 est un galop d’essai pour le site PR qui prévoit d'étendre ses activités à d'autres en France, Italie et Autriche. De son côté, la plateforme de pneus continue d’élargir son portefeuille de produits et de fournisseurs, lentement mais sûrement.

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A l’heure où tout le monde est connecté avec tout le monde, ce partenariat devrait peut-être alerter les distributeurs traditionnels de pièces sur ce grignotage en règle de leur territoire. Car ces plateformes détiennent déjà une base de données solide de centaines de milliers de comptes pros derrière lesquels, à l’autre bout de la chaîne, figurent des réparateurs de tous bords, qu’ils soient adhérents ou non d’un groupement.

Oui, mais voilà, « La pièce de rechange en Europe n’a pas encore vécu sa crise du Web en BtoB. Il y a eu comme un tressaillement en 2013 avec Originauto, mais il n’y a pas eu d’explosion véritable. Le pneu l’a vécu avec l’arrivée d’acteurs comme 07ZR il y a déjà plus de dix ans... Il a déjà fait sa révolution », indique un observateur du marché. Doit-on comprendre que les distributeurs sont encore les rois de la pièce mais que cette souveraineté s’amenuise en même temps que les outils technologiques s’amplifient ? « Cette crise est inéluctable car tous les jours de nouvelles solutions digitales apparaissent et sont déployées plus ou moins officiellement en mode « test », avec des levées de fonds phénoménales. Le monopole historique des grossistes sur la pièce peut leur échapper par le Web s’ils ne font aucun verrouillage pour se préserver », prévient cet autre acteur. Car lorsqu’elles ont émergé, ces plateformes ont mixé le meilleur des deux mondes dans leur composition : la connaissance d’une filière traditionnelle comme le pneumatique et la pièce, cumulée à l’expertise technologique d’un ingénieur IT. Nos deux témoins soulignent le même danger : les spécialistes du pneu que sont les plateformes BtoB lorgnent bien du côté de la pièce et ont l’agilité pour le faire, à l’opposé de groupes PR qui doivent encore lever des armées pour développer le moindre service digital en dépensant des fortunes avec des consultants… pour n’aboutir qu’à un ersatz de projet. Il ne faudra pas longtemps à ces plateformes avant qu’elles n’aillent voir les réparateurs en direct avec une offre crédible en pièces et pneus.

« Tyre24 connaît un vrai succès en Allemagne et ailleurs avec son offre dédiée, et se renforce en France. 07ZR est dans les starting-blocks. Et toutes commencent à obtenir l’écoute des équipementiers. Normal, elles sont devenues des méga-plateformes européennes frisant les 600 M€ de CA, avec des fournisseurs à discrétion. Et elles proposent des connexions multiples vers le réparateur. » Dans le contexte actuel, y a-t-il un seul acteur qui puisse refuser d’en faire partie et de les fournir avec ses gammes PR ? « Surtout les tradis, présents depuis cinquante ans, auront-ils préparé la riposte à temps, face à des usines à gaz qui en dix ans les ont dépassés en chiffre d’affaires et avec une rentabilité inégalée ? », rétorque cet autre pro qui voit peut-être une issue de secours dans l’achat de savoir-faire et de compétences digitales, « plutôt que de continuer à racheter son voisin juste pour mailler son territoire ». A suivre.

Muriel Blancheton

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