Pneus usagés sans éco-contribution : les premières sanctions tombent

Jérémie Morvan
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Pour la première fois, deux distributeurs de pneus ont été sanctionnés pour ne pas avoir réglé l'éco-contribution finançant la filière du recyclage des pneus usagés en France.  D'autres le seront prochainement, annonce Aliapur.  20 000 tonnes de pneus par an (l'équivalent de 2,5 millions de pneus VP) passent encore entre les mailles du filet, en posant au marché des problèmes économiques, écologiques... et concurrentiels.
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le 14 janvier, le Ministère de l’Écologie a pour la première fois sanctionné financièrement deux distributeurs ayant introduit des pneus sur le marché français sans verser l’éco-contribution qui en finance la collecte et le recyclage (1,25 € par pneu tourisme et 9,10 € par pneu PL).

Impossible d'identifier les entreprises concernées ou de connaître le montant exact des pénalités. Tout au plus le communiqué d'Aliapur nous informe-t-il de sanctions pécuniaires de «plusieurs milliers d’euros chacune» et de l'obligation, pour les deux contrevenants, de se mettre en conformité. Selon d'autres sources, il ne s'agirait pas en l’occurrence de sites internet mais bien d'acteurs “classiques”. Et ce n'est semble-t-il qu'un début : Aliapur annonce que «la chasse aux fraudeurs va s'accentuer dans les prochains mois».

Herve_Domas Hervé Domas (photo Michel Djaoui/DR)

Depuis la fameuse “crise de la collecte” de 2010 (voir les témoignages recueillis à cette occasion), la situation s'est certes progressivement normalisée. Sur les quelque 400 000 tonnes de pneus collectés cette année, “seulement” 20 000 tonnes passeraient encore entre les mailles du filet écologique, soit 5% du total des enveloppes usagées produites par le marché français. «La situation a radicalement changé depuis 2010», explique Hervé Domas, le directeur général d'Aliapur ; les commandes de pneus (entendre : qui règlent l'éco-contribution) sont en constante évolution. Et surtout, elle sont corrélées au marché. De plus en plus d'entreprises jouent le jeu». En ce qui concerne l'impact que peuvent avoir ces 20 000 tonnes sur la filière du recyclage, «il n'y a pas péril en la demeure», rassure donc H. Domas.

Beaucoup de questions encore à régler
Mais si la situation est donc gérable d'un point de vue économique et logistique, elle n'en reste pas moins agaçante et problématique. Si, pour simplifier le calcul, on convertit ces 400 000 tonnes en “équivalent pneus tourisme” (il y a aussi des pneus PL et spéciaux), ces 5% signifient tout de même que, sur 53 millions collectés, l'équivalent de 2,5 millions de pneus usagés ne règlent toujours pas l'éco-taxe ! Une jolie montagne de pneus hors-la-loi...En outre, cette situation pénalise aussi les distributeurs et les réparateurs eux-mêmes à qui ces 2,5 millions de pneus affranchis de l'éco-taxe posent un problème concurrentiel : «sur un marché du pneumatique très bataillé où les marges sont faibles, l'avantage pour ceux qui s'affranchissent d'ajouter 1,25 € au prix de vente d'un pneu VL ou 9,10 € à celui d'un pneu PL n'est pas anodin», souligne à raison Hervé Domas.

Sans compter qu'il reste aussi des trous dans la raquette réglementaire. «Le développement de la vente en ligne à partir de sites internet basés à l'étranger reste un sujet “touchy”», explique-t-il ; «d'un point de vue réglementaire, ce sont alors les particuliers qui sont considérés comme les metteurs sur le marché et donc eux qui doivent régler l'éco-contribution. En l’état actuel, il est impossible de les identifier». Aliapur réfléchit donc à des solutions avec le ministère de l'écologie. «La meilleure serait encore que ces sites, qui identifient clairement la localisation géographique de leurs clients finaux, deviennent les collecteurs de l'éco-contribution pour les pneus diffusés en France».

Travail pédagogique

Il faudra donc encore du temps avant que le marché soit quasi-intégralement converti à l'éco-contribution, reconnaît Hervé Domas. D'autant plus que beaucoup des contrevenant sont des acteurs qui font des “coups”, en important de temps en temps des lots qu'ils “oublient”, de bonne ou mauvaise foi, de déclarer.

Hervé Domas compte donc sur le constant travail pédagogique fait par Aliapur. Une sorte de rappel patient à la loi fait auprès de ceux qui sont débusqués et qui porte souvent ses fruits. Les deux récentes pénalités ont d'ailleurs suivi la même logique : elles ont été décidées par le ministère de l'écologie après plusieurs courriers d’avertissements restés lettres mortes. Une fois le bénéfice du doute ainsi clairement écarté, les sanctions sont donc tombées. Voilà les “sourdes oreilles” clairement averties...

Jérémie Morvan
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