Faux VO/vrais VGE (suite) : précisions sur le cas révélé début mai

Romain Thirion
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Après la révélation par Le Parisien/Aujourd’hui en France, début mai, d’une troisième affaire de faux VO/vrais VGE dans le scandale des épaves roulantes, plusieurs précisions sont de mise pour cerner un peu mieux ce dernier cas d’escroquerie mettant en cause au moins un expert...
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Le 5 mai dernier, dans la foulée de nos confrères du quotidien Le Parisien/Aujourd’hui en France, nous relayions la révélation d’une nouvelle affaire de faux VO/vrais VGE dans le cadre du tentaculaire scandale des épaves roulantes. Cette fois, le journal, très au fait de l’enquête menée par la gendarmerie dans l’Essonne, annonçait que 1 021 véhicules avaient été l’objet d’une escroquerie du type de celle qui avait concerné 5 014 autres véhicules à l’été 2015.Mais d’après des informations complémentaires diffusées par l’Agence France Presse (AFP), ce ne sont pas 1 021 automobilistes, mais 1 030 qui sont concernés par cette dernière affaire. Des véhicules qui, comme les autres, avaient fait l’objet d’une procédure VE, suivi d’une réparation à l’économie, sans le moindre respect des règles de l’art, et autorisées de nouveau à prendre la route suite à un rapport délivré par un expert malhonnête. En effet, un seul et même expert automobile de 37 ans, visé par une enquête préliminaire du parquet d'Evry (Essonne), était à l’origine de la fraude, et a écopé d'une interdiction administrative d'exercer.
Encore plus de 800 faux VO/vrais VGE à expertiser
L’homme travaillait dans le Val-de-Marne, mais ses méfaits font des victimes dans toute la France, avec la complicité d’un ou plusieurs réparateurs, lesquels avaient donc revendu les véhicules sur le marché du VO. Fin mai, 180 expertises avaient déjà été réalisées, à travers le même canal que celui proposé par le Ministère de l’Intérieur aux 5 014 véhicules suspects de 2015, en l’occurrence la Confédération française des experts en automobile (CFEA). Sur ces 180, plus d'un tiers des véhicules (66) sont classés "dangereux" et impropres à la circulation, selon la CFEA.Airbag absent ou non-conforme, trains roulants mal réglés provoquant une tenue de route aléatoire, soudures incorrectes sur des éléments de sécurité... autant d’exemples parlant de la potentielle dangerosité des véhicules incriminés. Bien sûr, les quelque 800 véhicules restant à expertiser doivent être soumis par leurs propriétaires à une expertise de sécurité. Les automobilistes concernés ont jusqu'au 30 juin pour faire examiner le leur, sous peine d'être frappés d’une interdiction de circuler, que leur formulera par courrier le Délégué interministériel à la sécurité et à la circulation routières (DSCR).
Une page Facebook pour les victimes
L’une des victimes de cette escroquerie aux 1 030 faux VO/vrais VGE, sur le conseil de la CFEA, a été mise en contact avec l’INAVEM, l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation – France Victimes, qui regroupe plusieurs associations d’aide aux victimes, tous crimes confondus. L’INAVEM entretient un réseau de correspondants partout en France, appuyé sur ses différentes associations adhérentes. Une page Facebook a donc été créée pour permettre aux autres victimes de se signaler et d’être mises en relation avec l’INAVEM, face à un scandale qui laisse d’ores et déjà beaucoup d’automobilistes sans véhicule, dans le cas où l’expertise de sécurité procédée par l’expert CFEA a reconnu ledit véhicule comme dangereux et donc impropre à la circulation.L’une des victimes, Sylvie Thirion, enseignante-chercheuse de l'université d'Aix-Marseille, dans les Bouches-du-Rhône (13), a raconté à l’AFP comment son « petit plaisir » de Twingo avec toit ouvrant, achetée au printemps 2016, s’était transformé en grosse galère suite à cette arnaque. Deux mois après son acquisition, elle ne peut plus rouler car l'expertise réclamée par l'Etat a révélé que sa voiture est tout simplement bonne pour la casse, car reconnue VEI (véhicule économiquement irréparable). « La faire réparer correctement me coûterait 7 000 euros, autant que ce que je l'ai achetée », s'insurge cette mère de famille de 49 ans, qui se dit « désespérée ».
« Pas de lien » avec les précédentes affaires
Selon un enquêteur en charge du dossier, l’expert incriminé, qui a remis à la route ces plus de 1 000 véhicules, « n'a pas de lien avec ceux des précédentes affaires, ce qui prouve que le système existe ailleurs : on se demande combien il y en a en France ». Selon Olivier Robert, porte-parole de la CFEA, la profession d’expert en automobile « est victime de brebis galeuses, impossibles à quantifier ». Et Florian Mourgues, directeur technique du Syndicat des experts en automobile indépendants (SEAI), de souligner que l’on peut trouver « deux ou trois experts de ce type par département », ne manquant pas de dénoncer la pression économique des compagnies d’assurance.Ces assureurs qui agréent nombre de cabinets d’expertises et jouent du trop fameux « coût moyen sinistre » comme variable d’ajustement pour différencier les « bons » experts, qui restent dans les clous économiques fixés par leurs mandants, des « mauvais », ceux qui dépassent un peu trop du cadre et risquent d’une année sur l’autre de se voir priver d’une partie de leurs mandats… et donc de leur gagne-pain, trop dépendant qu’ils sont des mandats des assureurs des véhicules victimes de collision. Pour Florian Mourgues, ces assureurs « abusent de leur position dominante pour agréer leurs propres experts et leur attribuent toutes leurs missions. Que reste-t-il aux autres pour manger ? Ce genre de procédures VGE, avec certains garagistes qui mettent la pression » sur l’expert pour valider un rapport contraire à toute déontologie, et destiné à remettre frauduleusement en circulation des véhicules dangereux pour tout le monde, experts et réparateurs compris.
Romain Thirion
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