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Pneumatique – les manufacturiers, futurs rois de la distribution ?
Publié le 20/06/2017
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Logistique et réseaux captifs: les armes des manufacturiers sur le marché du pneumatique.
Le phénomène de concentration à marche forcée observé dans le secteur de la distribution des pneumatiques mène-t-il inéluctablement à une mainmise de l’ensemble de la chaîne par les manufacturiers ? Tel était le thème d’une table ronde organisée le 15 juin dernier par notre confrère Le Pneumatique et où les indépendants, malheureusement pas (assez) présents, ont des cartes à jouer...
Voilà qui doit rendre jaloux les équipementiers de la pièce confrontés au pouvoir grandissant de la distribution : une table ronde organisée le 15 juin dernier par notre confrère Le Pneumatique et ayant pour thème «Le poids des manufacturiers dans la distribution des pneumatiques» a mis en lumière l’importance grandissante des manufacturiers du pneu dans l’aval de la chaîne de distribution. Réunissant les directeurs généraux des grands manufacturiers Michelin, Continental, Goodyear Dunlop, un acteur du web -Allopneus- en la personne de Dominique Stempfel, Régis Audugé directeur général du Syndicat des Professionnels du Pneu et la directrice France de Gipa Odette Dantas, cette table ronde est revenue sur ce poids devenu dominant face aux historiques acteurs indépendants du secteur. Ne serait-ce que sur un simple plan comptable, au regard du nombre de points de vente qu’ils agrègent chez les négociants de pneumatiques. Un poids qui est allé grandissant ces derniers mois, les fabricants de "boudins" faisant preuve d’une véritable boulimie de rachats de points de vente. Et un poids qui pourrait encore s’alourdir alors que la profession doit faire face à des modifications profondes du marché.Pour ne pas dire des ruptures, qui risquent d’imposer de lourds investissements : entre l’évolution galopante des technologies des pneus, un nombre de références en pleine explosion et, en aval, une logistique qui s’apparente à un véritable casse-tête, une concurrence exacerbée entre acteurs sur un marché mature, la digitalisation et (bientôt ?) l’arrivée des véhicules connectés... les manufacturiers semblent a priori les mieux chaussés pour négocier au mieux ces dangereux virages sans sortir de la route.
L’ère des rachats… et de la concentration
A priori seulement…Sans refaire un historique exhaustif de la distribution de pneumatiques en France, le monde de la distribution a longtemps été exclusivement occupé par des acteurs indépendants. Ce n’est en effet que dans les années 90 que Michelin, champion national de la fabrication de pneumatiques, commence à prendre conscience qu’un réseau en propre ne serait pas inutile afin de sécuriser –au moins en partie – des volumes de ventes, face à des manufacturiers concurrents de plus en plus présents. Euromaster est ainsi apparu, avec un modèle inédit sur le marché : les points de vente étaient succursalisés.Il faudra attendre les années 90 et 2000 pour que les manufacturiers étrangers imitent Michelin : Goodyear Dunlop mettait en place l’enseigne Vulco en France en 1996 ; deux ans tard, le géant japonais Bridgestone jetait son dévolu sur le marché hexagonal avec son enseigne First Stop, déjà déployée dans plusieurs autres pays en Europe. En 2006, il réalisait un (premier) grand coup en rachetant le groupe Métifiot. Et ce n’est que dans le début des années 2010 que le manufacturier allemand Continental se manifeste en mettant la main sur Eurotyre. Ce même manufacturier importera en France un second réseau, BestDrive, après avoir racheté les sites du réseau Massa Pneus… et emmené dans ses bagages une centaine de sites du réseau indépendant Profil Plus via le rachat des points de vente des groupes Saci et Alençon Pneu !En face, les indépendants ne peuvent que constater un éclaircissement dans leurs rangs : Bridgestone obtenait en mai dernier le feu vert de l’Autorité de la concurrence pour reprendre le groupe Ayme (enseigne Côté Route)… soit un an à peine après avoir mis la main sur l’enseigne de réparation rapide Speedy. Plus récemment, Euromaster musclait sa présence dans le quart Sud-Ouest de la France en se rapprochant de Taquipneu.L’«outil» du manufacturier
La première raison à ce que les industriels mettent (si volontiers) la main à la poche au niveau de la distribution est bien évidemment la sécurisation des volumes. A tout le moins d’un certain volume. Une logique qui est née d’une situation d’un marché arrivé à maturité et où tous les acteurs cherchent des leviers de progression.«Nous étions arrivés à un plafond de verre en ne nous appuyant que sur des réseaux indépendants», considère ainsi Serge Bonnel, directeur général de Continental France. Aussi n’est-il pas anodin de constater que nombre de ces réseaux sont apparus dans des formes juridiques autorisant une "verticalité" (entendre une facilité dans le déploiement des outils et services mis à la disposition du réseau), que ne possèdent pas les réseaux d’indépendants : succursales pour Euromaster (certes converti depuis à la franchise), franchise pour l’enseigne First Stop ; seuls les réseaux Vulco et Eurotyre agrègent des indépendants. Encore que, pour le premier, ses débuts s’étaient opérés avec des sites en propre…Mark Thys, directeur général France du manufacturier américain Goodyear Dunlop (enseigne Vulco), tempère toutefois et estime que «si les réseaux permettent d’assurer une certaine volumétrie pour un industriel, ceux-ci ne représentent que 30% du marché». Ce qui n’enlève rien à leur importance : «un réseau de distribution représente pour le manufacturier un outil pour mieux comprendre les besoins de la distribution et, en aval, du consommateur final», précise-t-il.Et cette compréhension va, selon le directeur général de Goodyear Dunlop France, prendre une importance grandissante dans les années à venir. Un outil par ailleurs utile pour "pousser" les services digitaux qui prennent une importance déterminante dans le processus d’achat des pneus, estime le directeur général de Continental France. «Les réseaux de manufacturiers sont devenus pilotes sur ce point», ajoute-t-il.Coûteuse logistique
«La mise en place des réseaux de distribution procède d’une double volonté, estime pour sa part Odette Dantas, directrice France de Gipa : outre s’assurer certes des volumes et donc des parts de marché, ces structures permettent aussi de mieux contrôler la logistique et la gestion des stocks ; et donc in fine de mieux contrôler les marges sur toute la chaîne de valeur.»Car à l’heure où le nombre de références explose littéralement -avec notamment l’émergence de l’offre pneus toutes saisons et l’arrivée en 2015 sur le marché du Michelin CrossClimate-, il existe une référence de pneumatique pour un nouveau modèle de véhicule ! Egalement intervenant à cette table ronde, Dominique Stempfel, en charge du marketing et de la communication chez Allopneus, ne peut que confirmer. Il rappelle ainsi que «sur un modèle de grande vente comme le nouveau Renault Scénic, il existe pas moins de 7 références différentes, tandis que les constructeurs premium font développer une référence de pneu ou presque par modèle de véhicule» ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le site marchand avait investi dans un site logistique à Valenciennes deux fois plus grand que sa plateforme de Oignies : 84 000 m² pour le premier cité contre 41 000 m² pour le site implanté dans le Nord…Pour Serge Bonnel (Continental), la logistique va radicalement changer : «La distribution comme on la connaît aujourd’hui va avoir un rôle impossible à tenir au regard de l’augmentation du nombre de références. Le distributeur ne pourra pas continuer à travailler avec 10 marques de pneus. Étant en amont de la chaîne, Continental observe que l’on se dirige vers un schéma où c’est le consommateur qui va générer la production de telle ou telle référence de pneumatique.»Sur ce point, les reins financièrement solides d'un industriel semblent un avantage déterminant face à la concurrence...Indépendants : la résistance s’organise…
Cette capacité financière semble donc permettre aux manufacturiers d’être on ne peut mieux positionnés pour affronter les enjeux présents et à venir du métier. En face, les indépendants feraient presque figure de petites choses fragiles. Presque, car si les réseaux éponymes ne se comptent plus aujourd’hui que sur trois doigts de la main (Point S, Siligom et Profil+), certains estiment que la valse des rachats n’est pas encore terminée. «Il reste encore quelques gros faiseurs chez les négociants en pneumatiques, mais on voit bien que leurs cibles potentielles dépassent aujourd’hui cette seule population», estime ainsi Christophe Rollet, directeur général de Point S, faisant référence au rachat de Speedy par Bridgestone (non présent à cette table ronde mais contacté par la rédaction).Loin d’être effrayé par les appétits manifestés par les manufacturiers, il considère au contraire que cela devrait in fine remettre l’église au centre du village : «nous nous positionnons comme un levier aux volumes qu’ils recherchent. Lorsque tous les indépendants auront été rachetés, ils devront, pour trouver des débouchés supplémentaires sur le marché, se tourner à nouveau vers… les indépendants que nous sommes !»...et la diversification aussi
Autre point : la diversification. La survie des réseaux de négociants spécialistes et de leurs points de vente passe nécessairement par un élargissement de leurs prestations qui ne peuvent, pour assurer la rentabilité des sites, se cantonner aux interventions autour de la roue du véhicule. Quand bien même le pneu demeure un produit d’appel.C’est en substance ce que déclare Régis Audugé (SPP) : «Le pneu représente 15% des entrées atelier et figure parmi les pièces qui s’usent le plus vite ; à cet égard, le négociant spécialiste a une carte à jouer dès lors qu’il se repositionne sur l’entretien courant du véhicule». «Nous avons entamé un virage stratégique il y a 11 ans maintenant pour maintenir voire augmenter les marges de nos adhérents, et limiter le poids des manufacturier dans notre CA», rappelle à ce titre Christophe Rollet. Une diversification sur l’entretien courant et une gamme de pièces à la marque du réseau qui permettent d’ailleurs à l’enseigne de surnager dans un marché de l’entretien “flat”, Point S ayant enregistré +13% en 2016.Surtout, la tendance de fond à la concentration les a poussés à se rapprocher. Pour mieux peser, au moins sur les achats. Tel a été le cas en septembre 2016 lorsque les deux enseignes Point S et Siligom ont annoncé leur association via la structure Viasso. Et à l’échelon international, l’enseigne avait auparavant fait de même avec Mobivia Group pour peser un peu plus dans les négociations avec les fournisseurs.La marge est une obsession pour la tête de réseau, ce qui n’est pas forcément le cas pour les réseaux de manufacturiers. Un point de différenciation fondamental selon Christophe Rollet : «Lorsqu’un manufacturier va avant tout rechercher à vendre sa marque, nous travaillons avec tous les acteurs du marché avec une seule priorité : la rentabilité de nos adhérents», insiste le directeur général de Point S.Serge Bonnel (Continental), qui "compose" avec deux réseaux -l’un succursaliste (BestDrive), l’autre reposant sur des entrepreneurs indépendants (Eurotyre)- reconnaît bien l’avantage du deuxième : «les deux sont selon moi complémentaires ; lorsque les réseaux de manufacturier auront l’avantage dans leur capacité à communiquer ou à mettre en place des process et des technologies nouvelles, le réseau indépendant aura pour lui l’avantage dans la dimension commerciale et les services».Sur le même sujet
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