Pression des réseaux pour un report des échéances de contrôle technique

Romain Thirion
Image
Devant le faible nombre de véhicules à examiner depuis le début du confinement et, dans le même temps, l'absence de décision de l'Etat quant à la fermeture de leurs centres, les principaux réseaux de contrôle technique ont écrit un courrier commun au ministère de la Santé pour réclamer la suspension des agréments centre et contrôleur pendant toute la durée du confinement ainsi que le report de 40 jours des échéances de contrôle et de contre-visite.
Partager sur

Faisant face à une situation ubuesque dans laquelle les véhicules soumis à contrôle technique ou contre-visite restent sous le coup d'une amende s'ils ne se soumettent pas à leur obligation, ce qui contraint leurs propriétaires à se déplacer pour la visite biennale malgré les mesures de confinement et la présence accrue des forces de l'ordre, les centres de contrôle technique se trouvent face à un dilemme. Ouvrir ou ne pas ouvrir ? Ajouté à cela l'inquiétude qui saisit les personnels des centres, en particulier les contrôleurs, devant le risque d'infection au coronavirus Covid-19, et les principales enseignes du secteur se retrouvent, depuis ce 17 mars, confrontés à une problématique juridique compliquée.

Aussi, les dirigeants des groupes Dekra (Dekra, Norisko, Auto Control), SGS (Auto Sécurité et Sécuritest), Autovision et Secta (Autosur), ont-ils adressé une lettre ouverte au Ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, pour demander l’officialisation de la suspension des agréments centre et contrôleur pendant la période de confinement et le report des dates de contrôle technique et de contre-visite durant 40 jours. Relevant « l’ambiguïté d’ouverture ou de fermeture de leurs centres sur le territoire », les responsables des enseignes de contrôle technique précisent que « sans clarification de la part des autorités, de nombreux centres restent ouverts avec des contrôleurs qui effectuent leur travail la peur au ventre ».

L'article 223-1 du code du travail invoqué

En effet, si les réseaux ont fermé leurs centres en propre, qui ne représentent « qu'environ 10% des centres de France » selon Bernard Bourrier, patron d'Autovision, ceux opérés par des entrepreneurs indépendants sont laissés face à leur propre décision. Une décision qui engage leur responsabilité vis-à-vis de leurs salariés. «  Selon l’article 223-1 du code du travail : ʺLe fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amendeʺ », rappellent notamment Sébastien Danvel (Auto Sécurité) et Laurent Palmer (Sécuritest).

Et les deux directeurs généraux de poursuivre sur le même ton : «  Le rôle de l’employeur est de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de ses salariés. Selon l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des employés de sa société. » Ensemble, S. Danvel, L. Palmier, B. Bourrier, Karine Bonnet (présidente de Dekra) et Alexandra Herblet (directrice générale de Secta), que leurs centres de contrôle technique sont dépourvus de masques, de gants, de gel hydroalcoolique en quantité suffisante et que leurs collaborateurs doivent « contrôler des véhicules remplis de germes ».

Des centaines de centres de contrôle technique encore ouverts

Pourtant, les dirigeants des réseaux insistent : plusieurs centaines centres sont restés ouverts ce vendredi 20 mars, affichant leur volontarisme et leur civisme malgré l'absence de décision manifeste de leur ministère de tutelle, qui n'est pourtant pas celui des Solidarités et de la Santé. Pleinement conscients et fiers de leur statut de délégataires d'une mission de service public, les réseaux affirme qu'ils comprendraient « aisément que quelques centres par département soit réquisitionnés pour effectuer les contrôles des véhicules de santé et autres véhicules nécessaires pour faire appliquer les directives actuelles (gendarmerie, ambulance, pompier…) ».

Mais, plaident-ils à l'attention d'Olivier Véran, « aidez-nous à limiter le trafic dans nos centres en officialisant, via notre ministère de tutelle (ministère de la transition écologique et solidaire) la suspension des agréments centre et contrôleur pendant la période de confinement et le report des dates de contrôle technique et de contre-visite de 40 jours ». Un comble : voilà donc des enseignes dépendant du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire réclamer à un autre ministère de se positionner sur la suspension de leurs agréments et le délai à laisser aux automobilistes concernés. Un exemple des extrémités auxquelles conduit l'absence de décision en haut lieu pour une profession réglementée comme celle de contrôleur technique.

L'Italie et l'Espagne citées en exemple

Bien qu'étant les deux pays européens les plus touchés par l'épidémie de coronavirus Covid-19, pour avoir mis du temps à prendre en compte la contagiosité de ce dernier, l'Italie et l'Espagne sont citées en exemple par les dirigeants cosignataires du courrier au ministre Véran. « En Italie, en Belgique et en Espagne aujourd’hui des mesures ont été prises en ce sens, soulignent-ils. L’Etat a acté un report de des contrôles techniques et contre visite pour permettre aux centres de fermer et à leurs salariés de se protéger avec leurs familles et leurs clients. »

« En tant que chefs d’entreprise, nous soutenons cette position qui va à l’encontre de tous nos intérêts économiques et financiers, mais nous choisissons de faire passer avant ceux-ci la santé de toute une profession », conclut le courrier, en encourageant Olivier Véran à ne pas laisser ce dernier lettre morte.

Romain Thirion
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire