Mise en sécurité sanitaire et juste prix : <em>60 Millions</em> enflamme le débat

Jean-Marc Pierret
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Il fallait bien s'y attendre. Les consommateurs commencent à trouver hors de prix la mise en sécurité sanitaire de leur auto, de leurs cheveux, de leur visage ou de leurs dents. 60 Millions de Consommateurs vient de mettre en lumière cette incontournable conséquence du Covid : les automobilistes veulent bien une sécurité maximum, mais pour un prix minimum. Un dilemme insoluble aux possibles conséquences insalubres...
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Le 12 mai dernier, au vu des premières stratégies de déconfinement déployées par les professionnels de l'après-vente, nous titrions «la concurrence s’annonce plus sanitaire que tarifaire». Nous aurions visiblement dû l'annoncer sanitaire ET tarifaire. C'est le magazine consumériste 60 millions de Consommateurs qui vient de s'en émouvoir dans son article «ces commerçants qui vous font payer leurs mesures anti-Covid». Aux côtés des dentistes, des coiffeurs et des instituts de beauté, voilà les réparateurs dénoncés pour facturer leurs mesures anti-Covid sans préavis ou à des coûts jugés trop élevés.

L'article s'ouvre ainsi par le témoignage d'une automobiliste qui semble avoir découvert avec sa facture un «forfait désinfection» de 49 €. «Bien d’autres consommateurs nous ont écrit ces dernières semaines pour dénoncer les surcoûts qui leur sont imposés en raison de la lutte anti-Covid, poursuit le magazine ; les garagistes sont particulièrement cités, mais également des coiffeurs, des instituts de beauté ou encore des dentistes».

Le temps, c'est pourtant de l'argent

Le débat sur la facturation des prestations sanitaires n'est bien sûr pas nouveau. Dans la réparation-collision, il a été initié par les assureurs inquiets d'avoir à prendre en charge ce nouveau coût et par les experts qui demandent, via la CFEA (Confédération française des experts en automobile), un quasi-protocole de labo manipulant Ebola avant d'accepter de se pencher sur une voiture sinistrée. En mécanique, les logiques de tarification s'adaptent la plupart du temps selon des critères propres à chaque type de prestation, selon qu'il faille ou pas entrer dans l'habitacle, manipuler plus ou moins de parties du véhicule, etc, etc.

Dans la réalité post-confinement pourtant, tout le monde veut bien être protégé à condition qu'un tiers paie l'addition ou que cette dernière soit marginale. Hors, clairement, on ne va pas tarder à marcher sur la tête : la sécurité sanitaire, c'est du temps ; et le temps, c'est de l'argent.

Sécuriser le client, son portefeuille... et le collaborateur ?

Ce qui devait arriver arrive donc déjà. Les consommateurs exigent légitimement d'être pleinement rassurés, mais à condition bien sûr que le coût de cette sécurité soit minoré. Les assureurs veulent bien assurer, mais à condition que le réparateur mette principalement la main à la poche. Pourtant personne ne peut ignorer le prix d'une sécurité sanitaire. PSA, cité dans l'article de 60 Millions, précise à raison qu'un process renforcé de mise en sécurité sanitaire prend 40 minutes, soit les deux tiers d'une heure de main d’œuvre, hors consommables du type gel, masques, lingettes et autres.

Le consommateur est bien sûr a priori légitime à demander le meilleur prix. Mais comment lui faire comprendre le juste prix ? En exigeant une minoration de sa facture sanitaire, il oublie tout simplement que la personne qui vient de prendre en charge son véhicule doit aussi penser à sa propre sécurité, donc s'astreindre à décontaminer le véhicule à sa réception, puis bien sûr répéter l'opération lors de sa restitution.

Toujours trop cher pour le consommateur...

Tout à son argumentation légale, 60 Millions rappelle bien sûr que le prix de cette prestation anti-Covid est libre comme celui de toutes les autres, à condition bien sûr qu'il soit affiché clairement sur le lieu de vente et que son montant soit clairement indiqué sur le devis.

Mais une fois cela dit, on n'a guère avancé. Faut-il afficher le juste prix au risque de faire fuir le consommateur ? Afficher un prix attractif au risque de voir sa productivité s'effondrer ? Ou finalement se résoudre à réaliser un service sanitaire minimum, donc au résultat aussi incertain qu'inutile ?

Car le consommateur trouvera toujours la prestation trop chère. 60 Millions cite ainsi Émilie, pour qui les 2,50 € appliqués par une chaîne de coiffeurs passent mal : «Pourquoi ? Les peignoirs ne sont pas des jetables, une simple fiole de gel sur le comptoir, s'insurge-t-elle ; et un lavage des fauteuils au Sopalin et produit désinfectant, ce qui est le minimum ! Je trouve scandaleux que le consommateur fasse les frais de cette situation.»

Comment résoudre cette question insoluble sans rendre le contexte sanitaire insalubre ? Si vous avez des idées, nous sommes preneurs !

Jean-Marc Pierret
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