Quand pluralité technologique ne rime pas avec volonté politique
L’électrification de l’automobile condamne à mort le véhicule thermique. Le pacte Fit for 55 de la Commission européenne, qui impose dès 2030 le « tout électrique », condamne également l’hybride rechargeable. Fin de la pluralité technologique. Pourtant, il est évident que non seulement l’électrique à batterie ne répondra pas seule à tous les besoins mais que l’infrastructure de charge ne suit pas. Pourquoi ne pas reconsidérer les carburants synthétiques et l’hydrogène comme des alternatives ? Eléments de réponses avec le Club Auto de la Fiev...
Atteindre la neutralité carbone ! Le Graal de tous les pays depuis des années : en France, cette marche serait franchie en divisant par six les gaz à effets de serre, depuis 1990 jusqu’à 2050 ! Point d’étape : l’obligation des constructeurs en 2030 de réduire de 55% leurs émissions de CO2 en VL, avec une bataille rangée dans les pays qui réalisent 70% des ventes VN actuellement (Allemagne, France, Italie, Espagne).
Or, cette accélération a subi une nouvelle poussée de fièvre en juillet avec le pacte Fit for 55 de Bruxelles imposant le 100% électrique en 2030. « Il y a urgence à décarboner la société et à fortiori l’automobile. Le pacte n’est donc pas une surprise. Mais selon moi, supprimer la pluralité technologique n’aura pas l’effet escompté sur la neutralité carbone. Le moteur électrique seul est insuffisant », regrette Thierry Metais, le président de ZF France, lors du Club Auto de la Fiev.
En clair, le chemin de l’électrification doit respecter certaines étapes que sont en train de brûler les décideurs politiques. Trop vite enterrés, les derniers moteurs thermiques bénéficient pourtant de rendements supérieurs à 40% avec une meilleure utilisation des énergies fossiles. « Entre 1990 et 2020, le besoin en carbone pour les transports s’est réduit, soulignant les progrès technologiques des moteurs nettement plus efficaces et optimisés qu’il y a 20 ans », indique Béatrice Schmidt, Présidente d’EFI Automotive. Mais cette argumentation est devenue inaudible à Bruxelles.
Implications des orientations politiques environnementales
Fabriquer un VE suppose une batterie chargée en minerai (lithium, manganèse, cobalt, nickel et graphite). Dans tous les cas de figures, la hausse du nombre de VE vendus va faire exploser la demande en minerai : 13 fois plus de de lithium ou six fois plus de nickel par exemple dans le scenario Steps en 2040 (State Policies Scenario) … mais 42 fois plus de lithium dans le cadre d’un scenario encore plus sévère (Sustainable Development Scenario) ! Sans compter les besoins multipliés par 3 en électricité pour alimenter la planète, tous secteurs confondus !
Dommage car ce sont des moteurs sur lesquels les industriels ont plus de 100 ans d’expérience. Conséquence, les constructeurs prennent des décisions radicales dans l’arbitrage de leurs investissements en supprimant le moteur thermique de leurs catalogues.
Fin de la R&D sur les thermiques ? Les équipementiers tâtent le terrain du bio-carburant depuis 2000 avec l’E85, E10… et le carburant de synthèse basé sur l’hydrogène vert et du CO2 capté dans l’atmosphère. « Ces carburants alternatifs sont déjà en application sur les bateaux, les véhicules commerciaux lourds. Ne manque que le coup de pouce pour les étendre chez les particuliers avec des aides financières. Ce qui suppose une prise de conscience des décideurs », lance António Pires Da Cruz, Program Manager – Fuels and Emissions du centre de résultats transports d’ IFPN Energies nouvelles.
L’hydrogène vert fait également sa marche en avant ! Idéal pour les transports longue distance, avec une autonomie importante et un ravitaillement rapide, en alimentant la pile à combustible ou en étant directement injecté dans les moteurs thermiques. Ce qui supposerait des changements mineurs dans la technologie du moteur à combustion interne. L’intérêt des industriels est croissant car cela leur permettrait de garder leurs outils industriels.
Quoi qu’il en coute, ces derniers doivent se réinventer, investir et se mobiliser pour changer de périmètre, se diversifier…et surtout accepter cette mutation. Mais dans une ère où les décisions politiques imposent un calendrier strict sur la transition énergétique, est-ce pertinent de poursuivre des investissements dans des technologies, condamnées par Bruxelles sans autre forme de procès ?
« Soyons pragmatiques : nous allons faire face à certains freins sur la production électrique avec 25% issus des énergies renouvelables. Il faut donc multiplier par trois le parc d’éoliennes, mais un champ éolien est égal à quatre fois le département des Yvelines pour l’exemple ! Nous sommes pilotés par des élus qui prennent des décisions sur la foi d’associations, jamais sur une base scientifique… », regrette Thierry Métais.
C. Cham : « Parlons d’équilibre »
Constat du président de la Fiev, lors du Club Auto : la lutte contre le réchauffement climatique est un combat responsable à mener. « Mais je m’interroge sur les conséquences sur les entreprises et le consommateur. Il doit y avoir débat et non imposition réglementaire. Oui, la mutation est là. Oui, de nouveaux acteurs sont apparus. Mais si cette mutation n’est pas équilibrée et responsable, il en va de l’avenir de l’industrie française et de l’emploi. Je plaide pour le respect de la neutralité technologique, sans dogme. Je milite pour la mise en place d’une compétitivité saine dans un environnement industriel mondial qui, quelque fois, ne respecte pas les mêmes règles. Des principes simples et équilibrés. La mutation est une amélioration sociétale, pas une dégradation. L’électrification est une réponse à la décarbonation mais elle n’est pas la seule ! Et ce serait une erreur pour les gouvernants européens d’axer toute leur politique des transports sur une seule économie ». L’équilibre encore…