Relance : Pas de plan tiède ou trop politiquement correct
Un plan avec des mesures « coups de fouets » pour faire repartir la machine commerciale et regénérer les trésoreries suffocantes des PME ! Un plan incisif et pragmatique, basé sur du bon sens, et touchant aussi bien l’amont que l’aval. C’est ce que réclame le CNPA dans son plan R3. La fédération active tous ses leviers diplomatiques pour rallier à sa cause un maximum d'acteurs.
Sur la pile des dossiers urgents à traiter par le monde de l'auto, celui des 500 000 emplois de la filière aval, menacés par des faillites à la pelle au vu du moral en berne des chefs d’entreprises. Un moral bas, confirmé par l'enquête du CNPA auprès de 2000 patrons (lire plus bas*). Pour relancer la machine, il faut réactiver les ventes. Pour cela, il faut revitaminer la demande à grands renforts de primes. Parallèlement, les entreprises mises à mal par les pertes abyssales provoquées par le confinement doivent être soutenues financièrement via un vrai plan massif et surtout immédiat. Le CNPA rappelle quelques faits : actuellement, trois à quatre mois de stocks de véhicules sont en attente sur les parcs représentant une immobilisation de trésorerie de 10 Mds€. La priorité est donc de les écouler ! La fédération prône comme levier une prime à la conversion éphémère (6 mois), qui permettrait aux concessionnaires de construire des campagnes types "opérations coups de poings" pour vendre un maximum de VN. Et de demander une prime repositionnée sur les critères de 2018 sous conditions de ressources des foyers pour relancer massivement les ventes. Problème, cette idée vient à l’encontre du discours actuel porté uniquement sur des aides pour les véhicules électriques. « Sauf que 90% des véhicules en attente sur les parcs sont des thermiques, dont 51% sont des diesels neufs Euro 6, répondant aux normes environnementales requises. Nous parlons bien de renouveler le parc avec des véhicules moins polluants avec des aides financières pour les ménages modestes. Les politiques parlent beaucoup de relance décarbonée avec l’électrique et l’hybride, mais tous sont fabriqués en Asie. On est loin de la souveraineté nationale ! Et comment faire une relance massive avec 5% du marché ? Ce serait un coup d’épée dans l’eau ! Il n’est pas question de revenir sur la transition énergétique mais il ne faut pas oublier que le thermique en fait partie. Soyons pragmatique. Mais faisons vite », lance Francis Bartholomé, le président du CNPA. Un état de fait également présent chez les constructeurs (Lire également : « Le commerce tire l’industrie, pas l’inverse » (Jean-Philippe Imparato, Peugeot ). Pour obtenir les soutiens nécessaires à la légitimité de son plan, la fédération occupe le terrain en multipliant les contacts avec toutes les parties prenantes en aval comme en amont (PFA, présidents de régions, ministères, équipementiers et constructeurs). Un plan estimé à 1 Md€, « contre les 18 Mds€ du plan Tourisme », tient-elle à souligner. Mais le temps presse. Bruno Le Maire doit en effet présenter son propre plan dès le 25 mai pour une application dès juin. Viendra ensuite un second volet portant sur de nouvelles mesures en septembre.
Les points clé du plan R3 :
- Retour à l’ancienne prime à la conversion, avant sa réforme en juillet 2019, pour stimuler la demande des ménages et permettre l’écoulement des stocks de véhicules récents.
- Prorogation du chômage partiel jusqu’à l’automne, prenant en compte le niveau d’activité réel des entreprises. Sur 2000 entreprises sondées par le CNPA, 62 % demandent la poursuite de ces mesures d’urgence jusqu’à l’automne (chômage partiel, prêts garantis par l’Etat, Fonds de solidarité)
- Exonération de charges car pour certaines activités, les ouvertures des sites ont généré des charges supplémentaires venues s’ajouter à l’absence de clients (84 % des sondés y sont favorables).
- Soutien massif de l’alternance à la rentrée 2020 via un élargissement du régime d’exonération de charges sociales concernant les jeunes en alternance, ou un crédit d’impôt. Les services de l'automobile formaient et recrutaient jusqu'à 35 000 alternants chaque année
- Application de l’aide unique à l’embauche d’un jeune en alternance (contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation), pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, avec une prime annuelle de 4000€/jeune non dégressive
- Accès pour les métiers du service aux différents fonds de modernisation et de restructuration prévus pour accompagner en particulier la sous-traitance industrielle
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« Côté SAV, la réparation joue un rôle majeur et l’ensemble des ateliers ont de l’activité, pour l’instant. Pour créer du trafic en atelier, nous misons sur l’éco-entretien et demandons une baisse de la fiscalité sur la pièce de réemploi, sur les prestations du contrôle technique, nous demandons un chèque réparation de 100€ sans conditions de ressources pour les véhicules de plus de 5 ans… », indique Francis Bartholomé. Du côté des entreprises, est demandé le renforcement du bonus écologique pour les flottes (6 000€) élargi aux véhicules hybrides rechargeables, ou la déductibilité de la TVA pour les véhicules électriques (VE) et hybrides rechargeables (VHR) acquis dans l’année suivant la sortie du confinement…
Le CNPA a constaté qu’après une semaine de reprise, les commandes restent faibles en VN et VO. Et si l’activité est plus soutenue en SAV avec des carnets de commande remplis jusqu’à début juin, les règles sanitaires ralentissent le nombre d’entrées en atelier. Et son enquête auprès de 2000 chefs d’entreprises la conforte dans son idée que seule une relance « coups de fouets » permettra une reprise rapide :
- 30 % des chefs d’entreprises craignent la faillite
- 40 000 à 50 000 emplois des services de l’auto pourraient être impactés
- 64 % estiment que la reprise sera lente et progressive, en particulier dans le secteur du commerce automobile (76 %) et de la location de véhicules (92%)
- 60 % envisagent de prendre des mesures financières et sociales pour leur exploitation, en particulier les concessionnaires (70%) et les loueurs de courte durée (92 %).
- 51 % envisagent de reporter leurs investissements (annulation totale pour 39 %)
- 33% envisagent un plan de restructuration, un plan social, voire des licenciements (50% en distribution)
- 39% des Français comptent changer de voiture mais 51% reportent leur décision d’achat à plus de 12 mois
- 62 % estiment que la crise sanitaire favorise le retour en grâce de la voiture
Du bon sens et du pragmatisme, c’est ce que demandent les pros sur le terrain. Le plan de relance doit prendre en compte les contraintes économiques et sociales, teinté d'une politique écologique qui doit rester logique. "Et cela passe par une conversion des véhicules anciens vers des récents moins polluants, normés et accessibles à tous », revendique F. Bartholomé.
*Sondage AAA Data à l’institut OpinionWay