Warning : « Le décalage s’est accru entre le niveau technique des véhicules et les compétences des réparateurs »
Des garagistes dépassés techniquement à bas bruit par l’arrivée des nouvelles technologies sur les véhicules thermiques. Signal d’alerte de DAF Conseil, le spécialiste de la formation et de l’assistance technique. Décryptage de son président, Jacques de Leissegues.
Sur Equip Auto, vous avez alerté sur le niveau de formation inadéquat de nombreux garagistes. Est-ce si préoccupant ?
Jacques de Leissegues : Le décalage entre le niveau technique des véhicules et les compétences des réparateurs multimarques s'est accru particulièrement ces cinq dernières années. Cela est dû à l'évolution du parc. Avant 2019, le parc – au-dessus de 5-6 ans d’âge – était encore largement constitué de véhicules Euro 4 ; le segment cible traité par les garages multimarques. Depuis 5 ans, les véhicules Euro 5 et 6, équipés des dernières technologies, arrivent chez les réparateurs multimarques. Or, ils ne les maîtrisent pas. Non seulement ils ne se sont pas suffisamment formés, mais ils se forment beaucoup moins qu'avant sur le thermique. C’est ainsi que le décalage s’est créé.
Avez-vous constaté une baisse des demandes de formation ?
J. de L. : Non. Notre volume de formation reste stable, de l’ordre d’un millier de jours de formation (8 stagiaires/jour). Sauf que c'est l'arbre qui cache la forêt. Les réseaux et les distributeurs affirment, à juste titre, continuer de former leurs partenaires réparateurs. Mais avant 2019, 80-90 % de formations concernaient la maintenance des véhicules thermiques et 10-20 % les habilitations électriques et les interventions sur la climatisation. Aujourd’hui, le ratio s’est inversé pour passer sur un 30/70 !
Ils ont donc adhéré massivement aux multiples campagnes de communication organisées par l’ensemble des acteurs du marché !
J. de L. : Effectivement ! Et DAF Conseil était de ceux-là. Mais depuis deux ans, j’alertais en interne sur le risque de subir un contre-coup de cet engouement. Et de fait, aujourd’hui, l’essentiel des formations demandées touchent aux domaines estimés « obligatoires ». Certes nécessaires, ces deux compétences – habilitation électrique et attestation pour intervenir sur le circuit de climatisation – ne permettent pas au compagnon de mieux réparer la voiture qui arrive dans l’atelier !
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Concrètement, qu’est-ce qui leur manquerait pour être en phase avec les besoins d’un parc qui évolue ?
J. de L. : Ils doivent impérativement continuer de se former sur les technologies thermiques d'aujourd'hui et maîtriser les quatre fondamentaux. En premier lieu, les circuits électriques, essentiels pour faire un diagnostic correct. Ensuite, la maîtrise du diagnostic est cruciale avec la multiplication des systèmes électroniques. Viennent ensuite les systèmes de dépollution (SCR, pot catalytique, AdBlue, cerine…), qui représentent une partie importante des appels à notre hotline. Et enfin, la formation sur le recalibrage des ADAS aujourd’hui omniprésents. Si les spécialistes du vitrage sont équipés et formés, comme les carrossiers qui commencent, les ateliers mécaniques n’en sont qu’au balbutiement.
Mais est-ce vraiment un danger pour un réparateur multimarque à qui l’on dit en permanence que son parc n’arrête pas de vieillir… et dont le planning de rendez-vous est plein ?
J. de L. : En mobilisant tous les efforts de formation sur l’électrification du parc, ils ont arrêté de se former sur les technologies thermiques dont on leur annonce la mort en permanence ! Or aujourd’hui, 97 % du parc est thermique, et en zoomant sur les « 8 ans sur », on arrive à plus de 99 %. Et ce taux atteindra toujours 90 % en 2035. Sauf qu’alors le parc de 8 ans d’âge sera constitué des Euro 5 et 6. Ils peuvent donc se dire qu’il reste encore du temps pour se mettre à jour, sauf que s’ils n’ont pas acquis les fondamentaux, ils seront vite dépassés. Qu'ils aient aujourd'hui des lacunes sur les motorisations électriques, ce n'est pas encore très grave. Ils ont le temps d'y venir. Mais qu'ils en aient sur ce qui fait leur parc et leurs réparations d'aujourd'hui, c’est un vrai problème car alors ils se feront doubler par ceux qui auront pris la décision de se mettre à jour.
C’est pour bousculer ceux qui ne voient pas encore l’urgence que DAF Conseil a lancé son outil d’évaluation Skills ?
J. de L. : Nous avions des remontées inquiétantes de notre hotline. Et si nous avions déjà un outil d’évaluation, il fallait l’améliorer pour le rendre plus simple d’utilisation. En lançant Skills sur le salon Equip Auto, avec notre slogan « Êtes-vous prêts ? », nous avions déjà un début de réponse ! C’est aussi pourquoi notre animation tournait autour d’un jeu quiz sur les compétences techniques. Les résultats de cette simple prise de température ont tout de même montré une réalité et même éveillé la conscience de leurs lacunes chez certains réparateurs participant à notre jeu.
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