<strong>Dernière Minute</strong>– Libre choix : l’arrêté d’application est paru… mais ne convainc pas

Romain Thirion
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Attendu pour l'automne mais finalement né le 31 décembre, l'arrêté d’application de l’article de la loi «Hamon» sur le libre choix du réparateur vient préciser les importantes modalités d'information de ce nouveau droit vers les automobilistes. Mais la formulation finale du texte, imparfaite selon les trois fédérations professionnelles du secteur, les laisse sur leur faim. Voire sur les dents...
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C’était une grossesse difficile mais qui a finalement été menée à son terme par la Direction générale du Trésor, éminent organe du ministère des Finances et des Comptes publics chargé de rédiger le texte. L’arrêté d’application de l’article 63 de la Loi sur la Consommation du 17 mars 2014, dite loi "Hamon", modifiant l’article L. 211-5-1 du Code des assurances, a finalement été rendu le 29 décembre et publié dans l’incontournable Journal Officiel le 31 décembre. Un cadeau de Noël tardif pour tous les professionnels de la réparation et leurs fédérations professionnelles qui attendaient avec impatience la version finale de ce fameux texte auquel elles ont activement participé.Mais à peine né, l’enfant est déjà veillé de près par les organisations professionnelles de carrossiers (CNPA, FNAA, FFC-Réparateurs), attentives à ses moindres tares et qui en ont déjà diagnostiqué certaines…
Information du libre choix : l’assureur clairement mentionné…
C’est dans les termes suivants que la DG Trésor a publié le 1er article de l’arrêté, consacré au libre choix : « La faculté pour l'assuré, prévue à l'article L. 211-5-1 [du Code des assurances], de choisir le réparateur professionnel auquel il souhaite recourir lui est rappelée de manière claire et objective par tout professionnel, y compris l'assureur (NdlR : en maigre dans le texte, mais précisé tout de même), dès la survenance du sinistre, notamment au moyen d'une mention visible et lisible dans le constat européen d'accident ». Un constat amiable que la FNAA et le CNPA, notamment, avaient déjà utilisé comme véhicule du rappel du libre choix. Le ministère, en revanche, n’a pas été aussi loin et n’a pas donné suite aux demandes des fédérations quant au rappel de ce droit «en première page et en caractères très apparents», comme l'avait proposé la FNAA dans une version alternative du texte, finalement non retenue.En revanche, et comme les fédérations l'ont également réclamé, l’information du libre choix, si donnée oralement par l’assureur à son client et non à travers le constat amiable, doit désormais faire l’objet d’une confirmation écrite immédiate, par texto, par exemple, afin d’assurer la traçabilité de la consigne. L’arrêté le précise en ces termes : «Si le moyen de communication est oral, un écrit, notamment un message électronique ou un message textuel interpersonnel (SMS) spécifique, confirme dans les plus brefs délais cette information».Mais tout est dans ce «Si» qui agace les fédérations. L’assureur ou son gestionnaire de sinistre est certes obligé de dire à l'assuré, dès son premier appel mais aussi au moment de la déclaration de sinistre, qu’il a le libre choix de son réparateur (notamment par e-mail ou SMS). Mais le «Si» exprimé dans l'arrêté dès le début de la phrase sous-entend que cette modalité d'information n'est que subsidiaire :  elle ne s'impose que dans le cas d'une seule déclaration de sinistre sans constat amiable.La FNAA le déplore fortement : «L'arrêté définitif ne rend pas systématiquement obligatoire l'information orale doublée d'un écrit traçable vers l'assuré en cas de constat amiable». Or souligne-t-elle à raison, il faudra du temps, beaucoup de temps, avant que tous lesdits constats amiables en circulation ne soient renouvelés et convertis à l'obligation de faire mention du libre choix...En outre, les associations professionnelles se méfient de la forme que peut prendre l'information envoyée sur le téléphone mobile ou le smartphone du client. Les assureurs vont évidemment exploiter toutes les ouvertures que l'arrêté n'a pas expressément fermées...
…et placé en première ligne
Même prudence côté CNPA. Il entend, selon son propre communiqué, rester prudent quant à la formulation écrite du message et à la préséance de l’assureur dans la mention du libre choix au moment de la déclaration de sinistre. «Il n’en demeure pas moins que le maintien d’une rédaction pouvant générer plusieurs interprétations possibles, quant aux obligations des multiples opérateurs, pourrait poser des difficultés en termes d’application de la loi», soutient l’organisation professionnelle.Ainsi l'intersyndicale va-t-elle relancer la DG Trésor pour «que le rappel du libre choix par téléphone [...] concerne tous les contacts téléphoniques lors de la déclaration de sinistre, et non pas exclusivement ceux n’ayant pas donné lieu à l’établissement d’un constat amiable». Une exigence que partage la FNAA, qui entend que l'assureur fasse expressément mention du droit au libre choix par un écrit traçable, même en cas de sinistre déclaré par constat amiable.
Affranchir le réparateur de l'obligation d'information
En outre, les fédérations professionnelles sont visiblement d'accord pour que «l’obligation de prouver le rappel du libre choix en le traçant [ne porte pas] indistinctement sur tous “les professionnels”, dès lors que cette obligation repose dans la loi en premier lieu sur les assureurs et leurs gestionnaires de sinistres et non sur les réparateurs».Hors de question, en effet, que la compagnie d'assurance, la mutuelle ou le gestionnaire de sinistre refile le bébé aux réparateurs alors qu'il lui revient de gérer le sinistre et l'obligation d'information, comme le souligne si bien la FFC-Réparateurs dans son dernier communiqué. «Désormais l’assureur est pointé nommément du doigt. Il ne peut donc pas s’exonérer de son obligation d’informer objectivement et clairement l’assuré», soutient-elle avec fermeté.Direction de tutelle de la profession d’assureur, la DG Trésor reste ainsi sous la vigilance des syndicats de réparateurs, qui entendent obtenir d’elle -et du législateur- les garanties nécessaires à ce que l’assureur prenne bel et bien sa pleine part de responsabilité dans la diffusion d’un message qu’il ne souhaite bien entendu pas trop voir formalisé dans une loi, mais qui désormais s’impose à lui comme à ses plateformes de gestion de sinistres.Reste à voir si l’information sera bel et bien donnée à tous les assurés sinistrés et si les confirmations écrites suivront bel et bien. Nous sommes d’ores et déjà preneurs des remontées terrain confirmant les bonnes... ou les mauvaises pratiques.
Romain Thirion
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