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RA1 monteurs de Mister-Auto (suite) : décision de PSA à « l’emporte-pièces » et corde pour se pendre?

Jean-Marc Pierret
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Veillée d'arme pour les réseaux de PSA qui ne décolèrent pas. Pour eux, la décision du constructeur de leur faire poser des pièces achetées sur Mister-Auto est, en l'état, une hérésie. Une corde pour se pendre qu'on leur tend car une menace, selon eux, pour tout le “business-model” de leurs ateliers. Une folle décision... à “l’emporte-pièces”, au sens propre comme au sens figuré. Car ils craignent une réaction en chaîne qui, en les privant déjà d’une vente et d'une marge pièce essentielles, tirerait surtout leur précieux référentiel “prix-constructeur” vers le bas. Et avec lui, les entreprises des réseaux PSA, voire de tout le marché de l'après-vente…
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Veillée d’arme dans les réseaux de PSA. La concomitance de la résiliation des contrats de DOPR avec l’arrivée d'un courrier voulant faire d’eux des “monteurs de pièces” pour Mister-Auto les ont tous ou presque mis sur le sentier de la guerre (voir «PSA : les RA1 refusent d’être centres de montage de Mister-Auto !»). Aussi dispersés soient-ils géographiquement ou même statutairement, l'adversité PSA/Mister auto les a brutalement unis comme un seul atelier pour protester contre cette décision à… “l’emporte-pièces”, au sens peut-être même propre du terme. Car à les lire au fil des quelque 25 commentaires qu’ils ont déposés sous notre premier article (un rare record en matière de réactions de lecteurs sur notre site), comme à les écouter au gré de nos multiples coups de fil, c’est bien de l'avenir de leur business pièces qu’il semble s’agir pour eux. Et donc, de l’avenir de leurs entreprises.
Prix Mister-Auto incompatibles...
PSA a-t-il effectivement et imp(r)udemment ouvert la “boîte de Pandore de la pièce de rechange” en France en voulant imposer à ses RA1 de monter de la “pièce Mister-Auto” et pire encore, de la pièce “Eurorepar/Mister-Auto” ? Oui, à en croire nos lecteurs membres des réseaux PSA, les “Euro repar Car Service” y compris, qui ont commencé à en observer les effets déjà pervers. «J’ai comparé le prix d’un jeu de plaquettes de freins Eurorepar vendu sur Mister-Auto (marque Eurorepar, ref. 16.118.388.80) par rapport au prix auquel nous les touchons chez notre DOPR» , calcule cet adhérent du réseau multimarque de PSA ; «Il est vendu 17,88 euros TTC au client sur Mister-Auto, alors que moi, garage Euro Repar Car Service, je le touche à 34,75 euros TTC. Cherchez l’erreur…». Même constat inquiet pour cet agent Peugeot : «Un disque de frein Eurorepar sur Mister-Auto est vendu deux fois moins cher que je ne l’achète chez Peugeot. Donc presque trois fois moins cher que je ne le facture à mes clients !»Eh oui : passée la déjà désagréable surprise du courrier leur annonçant unilatéralement qu’il leur faudrait devenir monteurs de pièces Mister-Auto, les réseaux de PSA commencent à faire fébrilement leurs comptes. Et ils ne sont visiblement pas bons. Surtout que les pièces qui génèrent pour eux l’essentiel de leurs marges atelier sont, en valeur et en volumes, les pièces d’usure les plus répandues. Précisément celles-là que le courrier de PSA annonce comme concernées par la stratégie voulant faire des RA1 des “monteurs” pour les ventes de Mister-Auto.Qu'on ne les caricature pas comme des conservateurs englués dans leurs certitudes historiques : à les écouter, les adhérents des réseaux PSA se disent sincèrement prêts à imaginer, nombreux, des stratégies internet permettant de partir à la chasse de leurs clients perdus. Cela suppose certes des alchimies compliquées mais que, malgré toutes leurs réserves, ils savent assurément nécessaires.Reste que la proposition de PSA est en l'état inacceptable pour eux. Faire voisiner aussi grossièrement, aussi ouvertement et aussi dangereusement leurs prix constructeur avec des prix internet, ce n'est plus de l'alchimie subtile, expliquent-ils en substance : c'est un mélange dangereux, détonnant et destructeur. C'est un peu comme si, quand les centres auto lançaient leurs linéaires à l'orée des années 80, les constructeurs avaient hâtivement décidé de faire de même au lieu de simplement faire évoluer leur offre pour la repositionner calmement et de façon pérenne. C'est ce qu'exprimait assez justement un concessionnaire Citroën dans notre précédent article : «alors que tout le monde sait que le marché de la pièce en ligne arrive à son maximum et que de toute façon, le do-it ne peut que reculer face à la complexité croissante des véhicules, ce n’est ni la bonne manière de réagir, ni le bon signal commercial à envoyer à nos clients».Voilà bien pourquoi cette décision de PSA est vécue par les réseaux comme incompréhensible car ressentie comme terriblement dangereuse. Voire même suicidaire : «Si cette décision n’est pas vite revisitée, le pire est inévitable : voir nos clients habituels revenir nous voir en nous traitant de voleurs puisque la pièce Eurepar est maintenant ouvertement disponible à -60% sur le site Mister-Auto du constructeur !» se désespère un concessionnaire du groupe ; «Et on leur dira quoi, à ces clients nous agitant nos factures sous le nez ? Que nous-mêmes nous achetons à PSA la pièce plus cher que le même PSA ne leur vend sur son site public ? Que l’on n’y peut rien ? Que c’est comme ça et pas autrement ? Vous croyez que ces arguments, aussi tristement vrais soient-ils, les calmeront ?».Et qu’on ne leur dise pas d’augmenter en conséquence leurs taux de main d’œuvre : «Nous sommes déjà considérés comme chers en la matière, nous qui payons encore les effets du blocage des taux de MO hérités des années 80 et qui subissons la concurrence de réseaux indépendants qui n'ont pas les mêmes coûts que nous, coûts d'ailleurs liés aux exigences de PSA. Si le prix de nos pièces devait baisser brutalement à cause de la stratégie absurde de notre constructeur, il nous faudrait des années avant de pouvoir la corriger par une augmentation des taux horaires. En attendant, la pièce, c’est 50% de notre activité atelier : qui peut augmenter de 30 à 50% son taux horaire sans prendre sur le coin de la figure la DGCCRF, l'Autorité de la concurrence, les assureurs, les associations de consommateurs... ou de toute façon, la désertion de ses clients fidèles et l'Omerta des autres ?»
Le silence avant la tempête ?
Comment les réseaux du constructeur comptent-ils donc contre-attaquer ? Personne ne veut plus rien dire, tellement le dossier devient chaud, pesant et lourd comme un cyclone en formation. Plus possible d’obtenir une quelconque information de la part des différents groupements de concessionnaires comme d’agents. Impossible d'obtenir une interview de la direction des pièces & services de PSA. Impossible a fortiori de savoir par qui –et donc surtout en vertu de quel(s) objectif(s)– cette décision a été prise, au risque pourtant avéré d'alimenter l’ire de tous les réseaux du constructeur. Privés même d'un responsable clairement identifié et au moins expiatoire, ils ne décompressent pas.Impossible donc de savoir quand, comment et si les réseaux vont entrer en mouvement pour combattre la décision. Tout au plus les devine-t-on rassemblant leurs forces et leurs arguments. Tout au plus entend-on “par la bande” qu’audience(s) auraient été exigée(s) et obtenue(s) par des représentants des réseaux auprès de la direction PR du groupe. Tout au plus obtient-on de cette direction Pièces & Services un «no comment» teinté d’un très “Corporate” vœu de silence afin de «laisser se poursuivre», sans perturbation médiatique malvenue, «des discussions» dites «“gagnant-gagnant” et déjà avancées autour du futur statut des DOPR». Un black-out total, comme seules en accouchent les veilles de grande offensive décidant du destin de toute une guerre. Car avant que les téléphones ne se coupent et les voix ne se taisent, c’était bien d'un enjeu de cette taille-là qu'il était question : la survie immédiate de tous les ateliers des marques de PSA et surtout, de toutes les entreprises qui en portent les panneaux.Côté CNPA, on se dit au courant mais «techniquement» sans avis officiel, car aucunement saisi de ces dossiers qui ne concernent pour l’heure que les groupements de concessionnaires et d’agents d'un constructeur. Christophe Maurel, président de la branche concessionnaires du CNPA, veut toutefois saisir l'occasion pour fermement souligner «que la résiliation unilatérale des DOPR est une preuve supplémentaire de l’insuffisant statut juridique des réseaux, une insuffisance contre laquelle nous nous battons. En règle générale, les contrats ne sont hélas pas assez “sécures”, pas assez équilibrés. Quant au courrier PSA/Mister-Auto, il prouve aussi que ces mêmes contrats devraient êtres conçus de sorte que les professionnels des réseaux concernés puissent être consultés et ne puissent de toute façon plus être exclus ainsi de sujets aussi importants que celui de la pièce et de son marché.»Côté FNAA, Gérard Polo, son président, se dit inquiet et à l'écoute : «Ce que les agents nous rapportent, à commencer par ceux de Citroën qui sont RA1 donc directement concernés, est très préoccupant pour toute la filière. En jouant ainsi à rapprocher trop brutalement les prix légitimes d'un circuit long avec ceux trop comprimés du circuit ultra-court d'internet, PSA semble vouloir jouer à l'apprenti-sorcier. Une telle déstabilisation du prix-marché de la pièce peut mettre en danger tous les acteurs de la filière, réseaux constructeurs comme réparateurs indépendants, distributeurs de pièces comme équipementiers. Et aucun d'entre eux n'a besoin de cela en ce moment»...
La problématique du prix des “pièces constructeur”
Voilà aussi pourquoi les membres des réseaux ont cette fois bien l’intention de poser bruyamment la question des pièces dites d’origine sur le bureau de la direction des pièces et services du groupe, puisque c’est elle-même qui vient d’en lever le tabou ultime : celui du prix. «Puisque PSA a commis l’erreur de vouloir nous mettre dans une situation impossible, nous allons enfin oser poser la question des prix aberrants de nos pièces de rechange». Car à les écouter, aberrations tarifaires chroniques il y a.«C’est un vieux problème, jamais résolu, propre à tous les réseaux de marque : pourquoi “touche-t-on” si cher trop de pièces, alors même que nos clients, cultivés par les sites de ventes en ligne, nous le reprochent de façon croissante, relevés de prix à l'appui ? Puisque PSA a décidé maladroitement et dangereusement de mettre nos marges en péril en permettant à nos clients de comparer les prix de “l’Eurorepar, tarif réseaux” avec “l’Eurorepar, tarif Mister-Auto”, nous allons cette fois clairement expliquer à “notre” constructeur que ce sont SES marges trop élevées sur SES pièces qui nous empêchent d’abord de séduire et capter les clients aux voitures de 5 ans d’âge ou de 8 ans d’âge», menace un agent.
PSA condamné à reculer ?
Mais sera-t-il nécessaire d'aller jusqu'à l'affrontement ? «Vous voulez que je vous dise pourquoi PSA va faire machine arrière», croit pouvoir prédire un concessionnaire ? «Pas parce que nous allons lui expliquer qu’il met en danger le business-model de tous les réseaux de ses marques, non : visiblement, il ne veut pas de notre avis. S'il va reculer, c'est parce que les autres constructeurs vont venir lui expliquer que c’est aussi leur business-model que PSA menace. Car personne n’a intérêt à voir le référentiel des prix constructeur dévisser. Pas plus le plus gros des concessionnaires PSA que le plus petit des MRA ; pas plus PSA lui-même que n’importe quel autre constructeur. Et il n'y a pas d'alternative. En tout cas, pas celle du prix internet à tout crin». En gros, PSA aurait tellement tort que raison lui sera fait entendre par ses homologues constructeurs. Si elle s'avère, la prédiction est plutôt cocasse, non ?Reste qu'en attendant l'hypothétique recul de PSA, les plus excédés parmi les réseaux évoquent même une inédite «grève de la pièce» dont l'idée commence à se répandre, tant elle fleure bon cette réponse du mouton au berger dont ils rêvent : «Concessions et Agents, jouons sur notre stock car notre stock ne vaudra plus rien bientôt. Ne commandons plus pendant 1 à 2 mois à l’usine ; nous trouverons les pièces chez Autodistribution ou ailleurs», a écrit un de nos lecteurs. «Pour qu’il comprenne, il faut que PSA vende le double de pièces pour faire le même chiffre»…Bref : pour les réseaux de PSA, si le projet Mister-Auto devait rester en l'état, «le constructeur nous tend la corde pour nous pendre», résume un influent concessionnaire. Mais si ses réseaux ont raison, le constructeur pourrait aussi s'asphyxier lui-même en sapant ainsi les prix, donc les marges pièces qui fondent en partie sa rentabilité. Et peut-être même pendre haut et court tout le marché de l'après-vente, en risquant ainsi de faire s'effondrer le référentiel du “prix-constructeur” qui sert de base à tout l'écosystème de la réparation automobile en France...A suivre, évidemment... Pour les lecteurs intéressés, voir aussi la très intéressante analyse de Bernard Jullien chez notre confrère Autoactu.com : «PSA - Mister Auto : de la difficulté pour les constructeurs de revenir dans la course sur l’après-vente»...
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