PSA : les RA1 refusent d’être centres de montage de Mister-Auto !

Jean-Marc Pierret
Image
A peine les DOPR des réseaux Peugeot et Citroën résiliés pour faire place à la nouvelle organisation de distribution de pièces, les RA1 des deux réseaux apprenaient par un courrier de PSA qu'ils allaient bientôt pouvoir devenir... centres de montage pour Mister-Auto ! La pilule ne passe pas, sur la forme comme sur le fond. Un vent de fronde se lève contre l'offre de monter les pièces vendues par le site. Les réseaux de PSA oseront-ils la politique de la chaise vide qu'ils promettent pour dire leur refus ?
Partager sur
Le courrier que recevaient le 26 mai les RA1 Peugeot et Citroën les a tétanisés : PSA les invite officiellement à devenir “centres de montage” du site Mister-Auto.com récemment racheté par le constructeur. Comme de vulgaires réparateurs indépendants. Nous nous sommes ici souvent demandé si PSA avait un projet clair avec ce site nouvellement acquis et lequel : nous voilà donc fixés. Mais la fin de ce “Mystère-auto” est le début d'une autre histoire. Révélée par notre confrère L'Argus hier en fin d'après-midi, l'information fait déjà grand bruit dans le réseau depuis deux jours. Pour deux raisons évidentes.
Un courrier de trop ?
La première, parce que le courrier est arrivé peu de temps après une autre (mauvaise) nouvelle : la résiliation officielle de tous les DOPR (Distributeurs Officiels de Pièces de Rechange). Elle était certes annoncée depuis février (voir «“Back in the Race” : PSA révolutionne son après-vente !») ; mais avant d'être ainsi précipités dans la froidure d'une période de préavis de deux ans, les concessionnaires auraient bien aimé pouvoir finir les négociations en cours sur leur place et leur rentabilité dans la nouvelle organisation logistique annoncée. Le sentiment d'être ainsi mis volontairement en ballottage pour que la peur de l'inconnu les rendent moins revendicatifs va avoir du mal à s'effacer...Sur ce terrain déjà vilainement miné, le second courrier leur annonçant qu'ils seront bientôt invités à devenir centres de montage pour Mister-Auto a fait l'effet d'un détonateur. Et du coup, toutes les suspicions viennent empoisonner l'atmosphère. Comme cette déduction agacée d'un concessionnaire : «Regardez le courrier “Mister-Auto” : daté du 20 mai, il est arrivé le 26. Cela a laissé le temps aux recommandés de la résiliation DOPR de le précéder. On nous remet le couteau sous la gorge !»...
Rejet de Mister-Auto, sur la forme et le fond...
La seconde raison de la colère du réseau, c'est l'absence totale de préparation. «C'est... grossier», se retient un agent Citroën qui troque très vite ces mots choisis pour un plus lapidaire «C'est une grosse c...». Ce que les RA1 ne digèrent pas, c'est de ne pas avoir été consultés le moins du monde avant d'être conviés à monter des “pièces Mister-Auto”. Un sentiment surinfecté par cette étrange discrimination qui en font sourire jaune certains : «chez Citroën les concessionnaires et les agents sont tous RA1, donc tous concernés par l'offre, rappelle un concessionnaire excédé ; chez Peugeot, les agents sont RA2, donc pour l'instant écartés. Et étrangeté supplémentaire, les Euro Repar Car Service, qui ne sont ni l'un ni l'autre, sont pourtant concernés par le projet !» On fait effectivement plus cohérent... et plus consensuel : aucun groupement de concessionnaires ni d'agents des deux marques n'a été préalablement informé, encore moins consulté...Mais si la forme est ressentie comme particulièrement maladroite, le fond de la proposition ne passe pas mieux. En fait, il ne passe pas du tout. «Alors qu'on s'acharne à dialoguer sur la reconquête, le renouveau de la marque, les investissements en matériel, bâtiments, formation, on nous prend par surprise pour nous asséner une stratégie Mister-Auto qui pose plus de questions qu'elle n'en résout. Comment gèrera-t-on la garantie des pièces venues du site ? Comment le RA1 qui acceptera une pièce achetée ailleurs pourra-t-il se priver de la moitié de la marge d'une réparation ? Qui va expliquer au consommateur venu avec une pièce à -60% que oui, notre taux de main d’œuvre est élevé mais que non, il n'est pas négociable ? Ce sont des préalables essentiels à discuter avant de décréter une stratégie aussi lourde de sens pour nos affaires et notre image, vous ne croyez pas ?»Oh bien sûr, le courrier n'est pas comminatoire. PSA y loue la «reconnaissance de la technicité» des réseaux ; il y explique que cela s'inscrit dans le «plan Offensive Commerciale», dans le cadre de la «reconquête des plus de 5 ans», que cela permettra de faire revenir les véhicules «de plus de 8 ans» qui ont déserté les ateliers de la marque. Il y parle de «nouveaux clients», d'une «formidable opportunité» ; il se veut rassurant en précisant que seulement «certaines gammes» de pièces seront concernées (celles de l'entretien-usure classique) ; il allèche en évoquant «des études» menées auprès des réparateurs-centres de montage qui prouvent qu'avec un client sur deux venus avec leurs pièces, le réparateur réalise «une opération additionnelle»... Bref : que des bonnes et belles raisons de souscrire à cette offre qu'on leur fera bientôt parvenir...
Vent de fronde et chaises vides promises
Mais ça n'accroche pas plus. «Ça n'a pas de sens et si ça en a un, ce n'est pas le bon», raille, amer, un concessionnaire Citroën. «Est-ce le “jus de crâne” d'un marketeur fou ? Ou une façon un peu cynique de tester nos limites ?», s'interroge-t-il. D'accord, il y a un réel problème de concurrence avec la pièce en ligne, concède-t-il en substance. Mais «alors que tout le monde sait que le marché de la pièce en ligne arrive à son maximum et que de toute façon, le do-it ne peut que reculer face à la complexité croissante des véhicules, ce n'est ni la bonne manière de réagir, ni le bon signal commercial à envoyer à nos clients».Résultat : un vent de fronde se lève et un bras de fer s'ébauche. «Je vous le signe : personne des deux réseaux ne suivra. Aucun concessionnaire, aucun agent et même, aucun Euro Repar Car Service n'ira dans cette voie. Elle est aussi inutile que suicidaire !», s'emporte un autre «Citroën» : «On nous enlève la distribution des pièces et en même temps, on nous annonce qu'ils faudra monter des pièces que nous n'aurons même pas vendues ! PSA veut des contre-propositions plus intelligentes et plus urgentes ? J'en ai qu'aucun de mes confrères ne contredira : baisser le prix trop élevé des vannes EGR, des crémaillères de direction, des alternateurs ; de toutes ces pièces que nos clients trouvent à moitié prix chez les équipementiers qui les fabriquent, de toutes ces pièces que nous achetons plus cher chez PSA que nous ne les trouvons en prix public sur Mister-Auto...»Est-ce parce qu'il est agent Peugeot, donc pas (encore) concerné ? Parmi les rares interlocuteurs que nous avons pu joindre très tardivement hier, le seul qui ait bien voulu nous parler à découvert, c'est Jérôme Flachy, le président des agents du Lion : «Nous avons bien d'autres choses à nous dire et à imaginer ensemble avec le constructeur, des choses qui sont bien plus porteuses de sens pour nos affaires et nos clients. Ce projet excite inutilement les membres des réseaux, au pire moment, en posant des problèmes juridiques et économiques qui n'ont pas de sens»...Les réseaux résisteront-ils en opposant comme il le promettent leurs chaises vides face à l'offre Mister-Auto ? Contre-argumenteront-ils jusqu'à forcer le constructeur à se déjuger en tout ou au moins, en partie ? Tous ceux que nous avons eus au téléphone l'affirment.Comme d'habitude, on vous tiendra au courant...
Jean-Marc Pierret
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire