Recours direct : les ACM tombent à Antibes

Romain Thirion
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Le Tribunal d’Instance d’Antibes a condamné, dans le cadre d’un recours direct, les Assurances du Crédit Mutuel (ACM) à indemniser la victime d’un accident à hauteur des 5 500 euros ayant été nécessaires pour réparer son véhicule, alors que sa valeur avant sinistre était évaluée à “seulement” 3 400 euros. Il a aussi jugé de la primauté d'un véhicule techniquement réparable sur la décision initiale de l'assureur qui l'avait classé économiquement irréparable...

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C’est le couronnement du bon droit à l’indemnisation totale du préjudice que représente cette décision du Tribunal d’Instance d’Antibes du 17 décembre 2015 (document téléchargeable en cliquant sur l’image ci-dessus).En effet, malgré le fait que la victime ait saisi son assureur Autofirst après son accident, et qu’elle ait reçu de sa part une indemnité relevant de la différence entre la valeur du véhicule avant l’accident –3 400 euros– et sa valeur résiduelle –1 042 euros selon BCA Expertise– le juge a donné raison à la victime, qui réclamait la somme engagée pour les réparations, soient 5 502,71 euros, établie selon le rapport de l’expert auquel elle avait fait appel après une première expertise réalisée par le BCA. En l’occurrence, si le véhicule n’était pas réparable économiquement, selon les critères assurantiels, il l’était techniquement, selon les critères purement techniques soulevés par les experts.Et c’est ce que le TI d’Antibes a retenu, validant ainsi cette procédure de recours direct intentée par la victime sur le conseil de cet expert. Résultat : au lieu de toucher, de la part de son assureur, les seuls 2 358 euros d’écart entre la valeur de son véhicule avant sinistre et sa valeur résiduelle, elle a touché de la part des Assurances du Crédit Mutuel (ACM), l’assureur du conducteur responsable de l’accident, et de celui-ci, la somme de 5 129,71 euros. Soit le montant du préjudice matériel subi (5 987,71 euros) moins les fameux 2 358 euros déjà indemnisés par Autofirst, augmentés de la somme de 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance subi par la victime, celle-ci ayant dû recourir à l’usage d’un véhicule de location auprès de la société ADA.
Le véhicule techniquement réparable
Entrons un peu plus dans les détails de l’affaire ici présentée. La victime, propriétaire d’une Renault Clio Sport dynamique 1.5 et assurée chez Autofirst, est percutée le 24 mai 2014 par un automobiliste assuré chez ACM IARD. Après constat amiable entre les deux conducteurs, l’assureur mandate un cabinet BCA Expertise qui, le 7 juillet 2014, conclut « que si le véhicule était techniquement réparable, il ne l’était pas économiquement » et « a chiffré la valeur résiduelle du véhicule après accident à une somme de 1 042 euros alors que la valeur avant sinistre était de 3 400 euros, soit un différentiel de 2 358 euros ». Insatisfaite par ce rapport et ce chiffrage, la victime sollicite donc les services d’un cabinet d’expertise libéral qui, six semaines plus tard, confirme que le véhicule est réparable techniquement pour la somme de 5 502,71 euros, auxquels s’ajoutent ses frais d’intervention de 485 euros.Mais « dans le cadre de sa relation contractuelle avec son assureur, la compagnie Autofirst, [la victime] s’est vue opposer une limite d’indemnisation correspondant à la valeur de son véhicule au jour de l’accident, soit une somme de 2 358 euros ». Faisant fi de cette limite et « sur la base du rapport d’expertise déclarant le véhicule réparable, elle a fait le choix de cette réparation ». Plus loin, l’extrait des minutes du greffe du TI d’Antibes souligne que « le dommage subi par [la victime] résulte d’un accident de la circulation dont la réparation relève des dispositions de la loi Badinter du 5 juillet 1985 intégrée dans le Code des assurances » et qu’il « n’est pas contestable qu’en matière de responsabilité civile, la victime d’un dommage a droit à la réparation intégrale de celui-ci, réparation qui doit avoir pour effet de la replacer dans la situation qui était la sienne avant le sinistre ».
Chiffrage inadéquat de la valeur du préjudice
« Si les expertises ont chiffré la valeur du véhicule de [la victime] avant l’accident à une somme de 3 400 euros, ce montant ne correspond pas ipso facto à la valeur du préjudice de [la victime], poursuit l’extrait des minutes. En effet, les deux experts ont déclaré le véhicule de [la victime] réparable techniquement. Le fait que la réparation dépasse la valeur vénale fait que cette réparation n’était pas économiquement judicieuse mais [la victime] compte tenu que son véhicule n’était pas déclaré irréparable était parfaitement en droit de le faire réparer. »Ainsi, comme le rappelle également l’extrait, « après cette réparation, [la victime] dispose d’un véhicule Clio Sport en état de fonctionnement. En aucun cas la réparation effectuée n’a augmenté la valeur de ce véhicule, cette réparation a simplement placé [la victime] dans la situation dans laquelle elle se trouvait avec son véhicule avant le sinistre ».C’est donc dans son bon droit que la victime a mis en demeure les ACM le 20 août 2014 afin de l’indemniser des frais de réparation et d’expertise. Et toujours dans son bon droit, suite au refus de la compagnie d’assurance, qu’elle a fait le choix de poursuivre ce recours en assignant les ACM, par acte d’huissier de justice, devant le TI d’Antibes le 5 décembre 2014. « En application des principes légaux […], l’assureur de [l’auteur de l’accident] ainsi que [celui-ci] ne peuvent objecter le refus d’indemniser la réparation du véhicule qui correspond au préjudice subi par [la victime], le choix de la victime ne peut être contesté par les défendeurs », appuie le texte des minutes.Et d’ajouter que « en conséquence, [la victime] est bien fondée de solliciter de la compagnie [ACM IARD] et de [son client] le paiement de la réparation de son véhicule ainsi que des frais d’expertise ».
« Préjudice de jouissance incontestable »
La victime ayant dû parer à l’immobilisation de son véhicule par la location d’un autre auprès de la société de location de courte durée ADA, elle a tenté d’obtenir des défendeurs des dommages et intérêts à ce titre. « À l’appui de sa demande, elle fournit un devis de la société ADA chiffrant le montant de la location d’un véhicule pour un mois, confirme l’extrait des minutes du greffe. Ce document n’est qu’un devis et non une facture, il n’établit donc pas que [la victime] a effectivement opté pour une location de véhicule. »Cependant, et « en tout état de cause, il n’est pas contestable qu’elle a néanmoins été privée de son véhicule durant de nombreux mois compte tenu de la résistance de l’assureur à l’indemniser pour lui permettre de faire réparer son véhicule, ajoute l’extrait. Ce principe de préjudice de jouissance est incontestable et [la victime] quelle que soit la solution qu’elle ait trouvée a subi un préjudice indemnisable, étant rappelé que le préjudice de jouissance est difficile à démontrer mais incontestable en son principe. Son évaluation se fait en ce cas forfaitairement ».Raison pour laquelle le TI d’Antibes a fixé ce préjudice de jouissance à 1 500 euros, lesquels sont venus s’ajouter aux 5 987,71 euros moins les 2 358 euros déjà versés par Autofirst. Ainsi, les ACM et leur client ont été condamnés à verser, in solidum, à la victime la somme de 5 129,71 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 20 novembre 2014. De plus, les défendeurs ont été condamnés à payer à la victime la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Romain Thirion
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