Justice : nantissement et recours direct soumettent leurs adversaires

Romain Thirion
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Le Palais de Justice de Rouen, siège de la Cour d'appel du département.

Trois nouvelles décisions de justice viennent de réaffirmer le caractère légal et légitime des procédures de nantissement de créance et de recours direct promues par les carrossiers non agréés.

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Matmut, Pacifica, AIG… Une mutuelle et deux compagnies d’assurance viennent une nouvelle fois d’être rappelées à l’ordre par la justice pour leur opposition à ces deux types distincts de procédure. La première le 15 mars dernier, par la cour d’appel de Rouen (76), dans le cadre d’une série de nantissements de créances de la part d’un carrossier castelroussin. Débouté en première instance par le tribunal judiciaire de Rouen en 2021, après que le tribunal de commerce de Châteauroux se soit déclaré incompétent, BC Automobiles s’est donc appuyé sur les services de la FFC Mobilité Réparation & Services à laquelle il adhère pour obtenir gain de cause en appel.

Pour sa défense, la Matmut a soutenu en substance que « le mécanisme du nantissement de créance est frauduleux car il permet à l’assuré de se libérer, au bénéfice d’un réparateur non agréé, des stipulations contractuelles, notamment celles relatives au règlement des indemnités » et que « la fraude à la loi est constituée par la démonstration de la volonté du créancier nanti de se soustraire à la force obligatoire du contrat d’assurance passé entre l’assureur et l’assuré ». N’étant pas agréé, BC Automobiles n’aurait donc pas dû, selon la Matmut, recevoir directement les indemnités dues à ses assurés sinistrés sans solliciter auprès d’eux le paiement de la facture… En outre, le nantissement permettrait au réparateur d’imposer ses tarifs et de contourner l’expertise contradictoire prévue au contrat.

Libre choix rappelé et nantissement validé

Des arguments que les juges d’appel n’ont pas retenus, invoquant l’article L. 211-5-2 du Code des assurances et rappelant que « le libre choix du réparateur par l’assuré est consacré par des dispositions d’ordre public » et qu’il « implique notamment que l’assuré peut librement céder la créance qu’il détient contre l’assureur, ce qui lui évite, au moins partiellement, de faire l’avance des frais ». Plus loin, la cour précise en sus que « les dispositions contractuelles selon lesquelles le paiement doit intervenir entre les mains de l’assuré ne sont pas de nature à préjudicier frauduleusement aux intérêts de l’assureur. Elles ne sauraient davantage être opposées au créancier nanti qu’au cessionnaire. La solution inverse apporterait une restriction injustifiée au libre choix du réparateur par l’assuré. »

Enfin, la cour retient que la possibilité d’une expertise amiable n’est pas contestée par le réparateur puisqu’elle est même prévue par l’acte de nantissement conventionnel sur lequel elle s’est appuyée. Quant au soi-disant pouvoir du réparateur d’imposer ses tarifs, la cour souligne que le mécanisme de nantissement de créance n’implique en aucun cas que l’assureur soit tributaire du montant d’indemnisation déterminé par le garage non agréé. Et qu’il « peut contester les sommes qui lui sont réclamées au titre de la créance de réparation, au bénéfice des barèmes estimatifs dont il dispose et d’une expertise amiable le cas échéant ». D’où l’infirmation par la cour d’appel de Rouen du jugement initial, qui a donc condamné la Matmut à payer à BC Automobiles la somme de 8 177,34 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2019, ainsi que la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, en plus des dépens de première instance et d’appel.

La solidité du recours direct réaffirmée

Pacifica et AIG ont été respectivement condamnées par le tribunal de commerce d’Arras (62) et le tribunal judiciaire de Valenciennes (59) les 1er et 17 février derniers pour avoir fait obstacle à des procédures de recours direct. La première, assignée par une société d’auto-école, lui opposait l’irrecevabilité de son recours compte tenu du fait qu’elle n’était que locatrice du véhicule accidenté et non sa propriétaire. Or, le tribunal rappelle que « l’article L. 312-2 du Code de la consommation considère que la location-vente et la location avec option d’achat sont assimilées à des opérations de crédit, ainsi, s’il n’est pas le propriétaire, conformément à la loi, le locataire, en tant qu’utilisateur du véhicule loué, a l’obligation de s’assurer lui-même à ses frais : en cas de sinistre, il touche l’indemnité de la compagnie d’assurance ». Ce qui le place bel et bien en position d’agir contre un assureur adverse.

Ainsi, Pacifica a-t-il été condamné à payer à l’auto-école les sommes de 580 euros au titre des dommages matériels, 193 euros au titre des frais d’immobilisation et 559 euros au titre des frais d’expertise, le tout assorti des intérêts au taux légal à hauteur de 642 euros. Par ailleurs, s’appuyant sur un jugement d’avril 2022 du tribunal de proximité d’Abbeville (62), les juges ont reconnu la résistance abusive de l’assureur et l’ont condamné à régler au plaignant la somme de 4500 euros. Montants auxquels se sont ajoutés 1406 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et 120 euros au titre des dépens de l’instance. Soit plus de 7 000 euros de réparation pour le préjudice subi.

La résistance abusive condamnée au prix fort

Opposée de son côté à un particulier victime d’un choc arrière, AIG n’a même pas jugé bon de comparaître à l’audience devant le tribunal de Valenciennes, se sachant probablement déjà perdante. Mais dans ce cas encore, les juges ont retenu la résistance abusive contre AIG, au motif qu’elle n’a donné aucune suite aux différents courriers recommandé avec accusé de réception que l’automobiliste lésé lui a adressé. « La condamnation oblige ainsi l’assureur à payer à l’assuré les sommes de 2 442,76 euros au titre du dommage matériel, de 133 euros d’immobilisation du véhicule, de 800 euros au titre de la résistance abusive, de 1 206,12 euros au titre de l’article 700 et aux dépens qui comprendront les frais d’expertise. Soit un total d’environ 4 500 euros », se réjouit la FFC Mobilité Réparation & Services.

Romain Thirion
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