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Experts “véreux”: la CFEA s’insurge contre le JT de France 2

Romain Thirion
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Parce qu’à l’occasion d’un reportage du Journal de 20 heures de France 2, le 4 janvier, sur les arnaques aux faux VO/vrais VGE, la chaîne publique a attribué à la profession d’experts en automobile le chiffre de 5 à 7% d’experts « véreux », la CFEA a violemment réagi. Non, ce chiffre ne vient pas d’elle, et les fraudeurs qui font aujourd’hui l’objet de poursuites judiciaires ne seraient pas plus d’une dizaine, soient moins de 0,3%...
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En diffusant un sujet sur les escroqueries aux véhicules gravement endommagés (VGE) revendus comme véhicules d’occasion (VO) le 4 janvier dernier dans son JT de 20h, France 2 ne faisait qu’assurer le suivi d’affaires judiciaires qui courent depuis le mois de juillet 2015. C’est pourtant à propos de ce sujet que la Confédération française des experts en automobile (CFEA) s’est fendue d’un communiqué rageur et hautement critique, le 17 janvier dernier… France 2 ne faisait pourtant que passer après de nombreux autres médias dans le traitement du scandale des épaves roulantes.
Un expert « véreux » à plus de 3 500 remises en circulation frauduleuses
Après avoir rencontré une victime de l’arnaque, à Marseille, les journalistes de la chaîne publique sont allés rencontrer Bertrand Daillie, procureur adjoint du Tribunal d’Evry, en charge de l’enquête sur un expert du Val de Marne (94) ayant autorisé la remise en circulation de 1 024 VGE. Jusqu’ici, tout va bien… Mais ensuite, France 2 est allée plus loin, en allant suivre le travail d’un expert en automobile sur le terrain, expliquant clairement que la remise en circulation d’un VE nécessitait trois inspections, avant, pendant et après les travaux de remise en état.« Dans ces conditions, traiter plus d’une centaine de ces véhicules en un an, cela semble incompatible avec un travail bien fait », affirme la voix off. Ce que confirme d’emblée, face caméra, Pierre-Yves Debuisne, expert du cabinet Auto Expertises Conseils à Mennecy, dans l’Essonne (91), et adhérent de l’Alliance nationale des experts en automobile (ANEA). « Pourtant, en France, ils sont une quarantaine d’experts à remettre en circulation des véhicules accidentés, à tour de bras, poursuit la voix off. Dans les Yvelines (78), un expert serait à 3500 véhicules en 3 ans. » Un expert qui, contacté par les journalistes de la chaîne publique, a assuré avoir « évidemment » le temps de faire tous les rendez-vous, même s’il n’est « pas le seul pour les faire ».
La CFEA réfute les « 5 à 7% » d’experts « véreux »
C’est la suite du reportage qui va faire bondir la CFEA. « Sur les 3 300 experts en automobile, la profession estime qu’il y a 5 à 7% de fraudeurs », souligne en effet la voix off. Un chiffre totalement réfuté par la confédération, qui regroupe l’ANEA, BCA Expertise, le Syndicat des experts indépendants (SEI) et l’UPEAS (qui représente les experts salariés). Dans son communiqué du 17 janvier, la CFEA conteste que ces chiffres proviennent de la profession d’expert elle-même, qu’elle représente certes en majorité, en termes d’adhérents, mais pas en totalité.Selon le document, la CFEA « condamnera toujours avec la plus grande fermeté les agissements de cette infime minorité d’expert déviants », avant de rappeler qu’à ce jour, « que les actions judiciaires menées concernent moins de dix experts, soit 0,3%… » Loin des 5 à 7% évoqués dans le reportage, donc... « Nous nous inscrivons donc en faux contre cette information diffamatoire qui ne repose sur aucune réalité chiffrée et ne conduit qu’à jeter l’opprobre sur une profession totalement mobilisée depuis des années pour améliorer la sécurité routière au quotidien, en autorisant à circuler des véhicules parfaitement remis en état par des réparateurs compétents. »
7%, c’est trop, et 0,3%, pas assez…
Si le reportage de la rédaction de France 2 surestime peut-être la proportion d’experts fraudeurs parmi les 3 300 professionnels agréés par l’Etat qui, pour ceux qui pratique l’expertise VE, le font en majorité avec le souci de la légalité et des règles de l’art, la CFEA la sous-estime-t-elle sans doute aussi. Car, dans son communiqué, la confédération n’avance que le chiffre des experts concernés par des actions judiciaires, fatalement plus faible que le nombre d’experts potentiellement suspects de telles pratiques.Citant l’hebdomadaire L’Express, les journalistes de France 2 évoquent dans leur sujet le chiffre de 50 000 véhicules en mauvais état remis en circulation depuis trois ans. Des véhicules qui n’étaient pas forcément tous VGE, mais qui doivent tout de même en contenir une proportion certaine.Dans un numéro du magazine de M6 Enquête Exclusive, diffusé au mois de novembre 2016, les forces de l’ordre interrogées par les journalistes évaluaient entre 200 et 300 000 le nombre de véhicules potentiellement touchés par le scandale des faux VO/vrais VGE dans le parc roulant français.Et même si ces véhicules ont pu être remis à la route il y a des années, par des experts en automobile ayant quitté la profession depuis, combien de ces 200 à 300 000 véhicules –où même des 50 000 évoqués par L’Express– ont été remis en circulation par des experts peu scrupuleux encore en activité ? Une question à laquelle France 2 ne peut évidemment pas répondre, mais que la CFEA ne peut ignorer en citant uniquement la proportion d’experts poursuivis en justice.
Une réforme de la procédure VE à venir ?
« Nous rappelons que notre profession réglementée a su mettre en oeuvre des organes de contrôles de premier niveau et notamment, un conseil de discipline, une commission d’arbitrage, un Haut comité de déontologie et que notre ministère de tutelle a su se doter d’une Commission Nationale des Experts en Automobile, présidée par un Conseiller d’Etat à même d’instruire toute plainte argumentée, qui serait communiquée au Ministre de l’Intérieur », affirme la CFEA en conclusion de son communiqué.Ce qui ne semble pas tout à fait suffire au procureur adjoint d’Evry qui, dans le reportage de France 2, « demande à ce qu’il y ait un seuil légal [d’expertises VE] par expert, de renforcer les contrôles ou de contraindre les « épavistes » à détruire les véhicules endommagés ». Une dernière solution qui paraît difficilement réalisable, compte tenu du business –légal, celui-ci– que peut représenter un véhicule endommagé pour les centres VHU, les compagnies d’assurance et les professionnels de la pièce de réemploi.Toutefois, toujours selon France 2, le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, « promet un certain nombre de réformes dans les prochaines semaines ». Parmi lesquelles une réforme de la procédure VE ? Il serait temps…
Romain Thirion
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