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Libéralisation des pièces de carrosserie : les premières réactions

Jérémie Morvan
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Suite à l'annonce du Premier Ministre de mettre fin au monopole des pièces captives, la rédaction a contacté les organisations professionnelles afin de recueillir leur réactions. Entre craintes et espoir, Feda et FNA se veulent attentives et souhaitent que les paroles soient concrètement traduites en actes...
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L’annonce a fait du bruit. En déclarant à l’occasion des 10 ans de l’Autorité de la Concurrence que le gouvernement entendait ouvrir progressivement le marché des pièces de carrosserie, le premier ministre n’a pas seulement pris une décision hautement symbolique. Car si elles ont certes été jusqu’ici chasse gardée des constructeurs d’automobiles, les pièces dites de robe, bénéficiant en effet d’un statut à part (la protection des dessins et modèles, régie par le Code de la propriété intellectuelle), elles viennent gréver un budget pour les automobilistes qui constituent le deuxième poste de dépense des foyers.

Si d’aucun y voient une déclaration d’opportunité à l’heure où le Grand Débat National, né de la crise des gilets jaunes, doit permettre de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs, cette orientation inédite prise par un gouvernement a aussi été nourrie par la concertation actuellement ouverte à Bruxelles et concernant l’Eurodesign… Il convient aussi de ne pas négliger non plus le travail de fond opéré depuis des années par les organisations professionnelles, Feda et FNA en tête ; un travail incessant, ponctuellement repris par la puissante association de consommateurs UFC-Que Choisir, et tout dernièrement lors d’une série de propositions pour redonner du pouvoir d'achat aux Français dans le cadre du Grand débat National.

La première fut bien sûr la Feda. L’organisation professionnelle défendant les distributeurs indépendants lutte depuis plusieurs dizaines d’année afin de voir abolir le monopole des pièces captives. Alain Landec, son président, s’est donc réjoui dans un communiqué diffusé le jour même de cette déclaration que « le combat de la Feda aboutisse avec succès aujourd’hui ».

Vigilance…

Reste que ce bon accueil de la part des organisations professionnelles n’occulte pas le fait qu’il va désormais falloir traduire cette annonce en faits. « La Feda est ravie que le gouvernement adopte la même position que celle que nous défendons depuis des années », insiste Alain Landec. Mais la prudence est de mise : « Nous attendons toutefois de voir quelle forme va prendre cette déclaration, poursuit-il. On parle aujourd’hui de rétroviseurs et d’optiques de phare, mais quid des autres pièces de carrosserie ? Et dans quels délais ? ».

Du côté de la FNA, qui a elle aussi défendu depuis le début la fameuse clause de réparation, le discours est sensiblement le même : « La FNA est bien sûr favorable à une telle mesure, déclare Aliou Sow, secrétaire général de l’organisation professionnelle. La France en la matière était complètement isolée du reste de l’Europe car le dernier marché important en après-vente à se cacher derrière la protection des dessins et modèles. » Aliou Sow se montre également prudent après cette annonce : « Il faudra être vigilant car, au-delà de la déclaration d’intention, on n’en sait pas plus sur l’ouverture ‘progressive’ du marché… »

Au CNPA, l'annonce ne fut pas une surprise : « nous sommes en discussions régulières avec le gouvernement qui nous a saisi sur la question des coûts induits de la réparation et de l'entretien automobile », déclare Francis Bartholomé, président national du CNPA. « Avec les bouleversements socio-économiques que nous connaissons, des industriels de l'automobile à la santé financière retrouvée, un cadre juridique européen préexistant (mais actuellement en discussion), tout était réuni pour que les choses évoluent sur ce monopole », estime le président du CNPA.

Aller plus loin

Pour certains, l’écrin juridique pour la fin monopole sur les pièces de carrosserie devrait être le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Actuellement discuté (et abondamment amendé) au Sénat, le texte devrait revenir à l’Assemblée Nationale au mois de juin pour une parution avant l’été. Feda et FNA souhaitent voir le texte aller le plus loin possible. Et entendent donc sensibiliser la classe politique au bienfondé de cette décision pour une mobilité préservée et un pouvoir d’achat amélioré des automobilistes-électeurs…

Ainsi la Feda, pour s’assurer que la libéralisation annoncée n’accouche pas d’une souris, et craignant que les constructeurs ne fourbissent d’autres armes qui pourraient entraver la fin de leur monopole sur les pièces de carrosserie, entend agir au plus vite. « Nous avons un rendez-vous en ce sens le 15 avril prochain au ministère de l’industrie », annonce Alain Landec.

« La FNA sera auditionnée par l’Assemblée Nationale dans le cadre du projet de LOM, précise le secrétaire général de la FNA. Dans ce cadre, nous ne manquerons pas d’aborder le sujet de la libéralisation des pièces captives – une meilleure réparabilité des véhicules étant un des vecteurs de la mobilité des français. La seule chose sur laquelle nous souhaitons avoir des garanties, c’est sur la qualité de la pièce car, in fine, celui à qui incombe l’obligation de résultat c’est bien le réparateur ! » Et d’ajouter : « La FNA a également sollicité un rendez-vous avec un conseiller d’Edouard Philippe afin de sensibiliser le premier ministre sur tous ces sujets. »

Francis Bartholomé, qui rejoint la FNA sur la question de la sécurité des pièces, souhaite désormais deux choses : « d'une part, que la concurrence en fait sur le marché des optiques et du vitrage soit reconnu dans les textes; d'autres part, de respecter certains délais pour les pièces de carrosserie afin de ne pas mettre en péril l'industrie ». Soit une libéralisation progressive, raisonnable et raisonnée.

Point de départ ?

Si la Feda évoque un « aboutissement » dans son communiqué du 5 mars, il pourrait tout aussi bien s’agir d’un point de départ. Car cette volonté affichée par le gouvernement de libéraliser le marché des pièces captives afin de redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs automobilistes pourrait s’avérer une clé d’entrée à d’autres revendications pour la filière indépendante.

« Pouvoir faire réparer son véhicule chez le professionnel de son choix est certes déjà inscrit dans la loi, rappelle le président de la Feda. Reste cependant que les réparateurs indépendants continuent de rencontrer ici ou là des difficultés d’accès à l’information technique des constructeurs. Le libre accès plein et entier aux données techniques des véhicules ne se vérifie toujours pas dans les faits. » Or, il prend une importance d’autant plus cruciale que les récents sont bardés d’électronique et de nouvelles technologies…

Par ailleurs, pour peu que la notion de pièce captive soit appréhendée de manière extensive, les seules pièces visibles ne sont pas concernées. En effet, l’ALDC notait dès 2012 dans son étude sectorielle que les contrats liant constructeurs et équipementiers de rang pouvaient amener ces derniers à ne pas pouvoir commercialiser pour la rechange des pièces (carrosserie et mécanique) pourtant fabriquées par eux.

Autant de chantier que le gouvernement va devoir défricher avec les professionnels du secteur...

Jérémie Morvan
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