Malus sur les VO: fin de polémique et polémique de fin
Est-ce la fin de la problématique du malus calculé sur la base de la puissance administrative et non sur celle du CO2 qui, selon le projet de loi de finance 2020, allait s'imposer aux seuls véhicules importés, qu'ils soient concernés ou non par la norme d'homologation WLTP ?
Deux barèmes pour tout un poème
Le problème émergeait au grand jour quand la FNA sonnait l'alerte le 28 janvier dernier. Mobilisant parallèlement les députés, elle rendait alors public un courrier adressé à Bruno le Maire, le ministre de l'Économie. La missive relatait que la veille, l'organisation professionnelle avait suscité une réunion à la Direction de la Sécurité Routière (DSR) en présence des représentants du ministère de la Transition Écologique en charge de la réglementation concernée.
La FNA obtenait alors confirmation qu'à compter du 1er mars prochain, le projet de Loi de Finance 2020 instaurerait 2 régimes : les VN immatriculés en France par les constructeurs et leurs réseaux seraient logiquement taxés sur leurs émissions de CO2, pendant que les véhicules importés, même rigoureusement similaires, seraient, eux, taxés... sur leur puissance fiscale.
La FNA soulignait alors l'aberration des deux barèmes avec un exemple à l'appui : le destin fiscal aléatoire, à partir du 1er mars 2020, d'un Renault Kadjar DCI 115 EDC Intens dont la valeur CO2 WLTP est de 135 g/km et la puissance administrative 6 CV. Le malus serait pour lui de 0 € s'il est immatriculé pour la première fois en France (en vertu de son taux de CO2 inférieur à 138 g). Pendant que ce même véhicule, immatriculé à la même date mais provenant d’un autre État membre de l’UE, subirait dès lors un malus de... 3 125 € en vertu de sa seule puissance fiscale.
Faire au plus court
La raison de cette injuste dualité reposait sur une difficulté technique hâtivement expédié par l'administration. Quand le véhicule est immatriculé en France, le constructeur ou son réseau transmet alors le e-COC (certificat de conformité électronique) au SIV qui est programmé pour le lire et relever automatiquement son taux officiel de CO2 qui définit son bonus ou son malus.
Mais ce “pont” informatique n'existe pas pour un véhicule venant d'autres pays européens et a fortiori hors UE. Dès lors, l'administration a fait au plus simple : pour ne pas avoir à traiter manuellement ces flux de véhicules importés ni remettre à plus tard une approche plus logique mais plus coûteuse, la prise en compte de la puissance fiscale se devait d'être adoptée en l'état.
Demi-mesure inacceptable
Pour la FNA, cette solution simpliste aboutissant à une surtaxe injustifiée allait évidemment posé un problème vital aux artisans comme aux plus grosses entreprises dites mandataires qui vivent de ces importations de VO récents.
Suite à cette réunion du 27 janvier, le ministère de la Transition Écologique faisait un premier pas début février. Il annonçait que tous les VO dit WLTP, qu'ils viennent de France ou d'UE, serait dorénavant tous concernés par un même bonus-malus calculé sur le CO2. Mais un premier pas seulement : la taxation calculée sur la puissance administrative resterait toujours de rigueur pour les autres VO importés sous le régime dit NDEC (la norme homologation précédent celle dite WLTP).
Une demi-mesure toujours inacceptable pour la FNA, qui rappelait alors dans un second communiqué que «d’après [ses] estimations, 60 % des stocks de véhicules importés sont homologués sous l’ancienne norme NEDC», s'agaçait alors Aliou Sow, secrétaire général de la FNA, mettant toujours selon lui les acteurs de ce marché en danger de mort programmée. La FNA menaçait alors une nouvelle fois les ministères concernés : «s’ils n’entendent pas revenir explicitement sur cette mesure, la FNA sera contrainte de saisir la Commission européenne.»
Retour au bon sens
Le 13 février enfin, le bon sens concurrentiel revenait à Bercy à l'occasion d'une ultime réunion. Elle s'est cette fois déroulée en présence des deux organisations professionnelles directement concernées (CNPA et FNA).
La rencontre se déroulait autour d'une note préparée par le ministère. Elle confirmait que «la piste consistant à recourir au barème en puissance administrative, normalement réservé aux véhicules pour lesquels l’information des émissions n’est pas disponible, a été écartée. Elle restera réservée aux situations où les émissions de CO2 ne sont pas connues». Cette situation s’appliquera «à compter du 1er mars pour une période transitoire de 6 à 9 mois, détaille l'administration, «selon une méthode qui ne doit pas conduire à avantager ou à désavantager les négociants de véhicules importés. [...] Un point se fera en avril pour que les professionnels fassent état de leurs observations sur la meilleure durée».
Guerre de communiqués
S'ensuivait alors une rare guerre de communiqués entre les deux fédérations. Le CNPA dégainait le premier pour revendiquer l'initiative de cette ultime réunion. Il expliquait en introduction que, «contrairement à certaines informations alarmistes et erronées diffusées ces derniers jours dans la précipitation, la concertation entre les ministères et les acteurs concernés s’est poursuivie à [son] initiative».
La FNA, elle, répondait qu'elle s'est battue «seule face aux incohérences», soulignant «qu'il est certain qu’une erreur a été commise lors de concertations avec les constructeurs et leurs représentants n'incluant pas l'ensemble des acteurs autour de la table notamment la FNA». Elle concluait que, «sans [son] intervention, cette écriture de la loi de finances aurait été découverte avec stupeur par les professionnels et les consommateurs au 1er mars 2020».
Mais au final, qu'importe la baston, pourvu que les professionnels concernés aient l'ivresse de la victoire...