Post-confinement: la FNA dévoile son plan de relance
Qui dit sortie de confinement, dit plan de relance. La FNA vient de publier le sien. Elle demande une série de mesures favorisant un accompagnement plus long et plus conséquent des petites structures qu'elle représente, et essaie au passage de pousser plusieurs dossiers qui lui sont chers : les stations-service des territoires, les agréments des assisteurs et des assureurs et l'allègement des conditions d'accès aux formations...
Maintenant qu'une date a été fixée pour un début au moins de confinement, l'heure est à l'élaboration des plans de relance. Les organisations professionnelles, CNPA et FNA en tête en ce qui concerne des activités multimétiers, à n'en pas douter la Feda pour les distributeurs, les professionnels du pneu pour les pneumaticiens ou la FFC-réparateurs pour les carrossiers, travaillent aussi de leurs côtés.
Toutes vont évidemment souhaiter mettre toutes les chances du coté d'une reprise en "V" (on rebondit le plus vite possible vers un retour à la normale), plutôt qu'en "W" (fausse reprise, puis rechute avant le "bon rebond"). En tout cas, toutes veulent éviter une reprise en "U" (longue période d'atonie avant la reprise) ou pire, en "L" qui symboliserait une chute suivie d'une interminable crise mortifère pour les entreprises et les emplois. L'enjeu est donc de choisir les bons chiffres et les bonnes mesures pour tirer la bonne lettre.
Pour obtenir le "V" d'une victoire rapide, on sait le CNPA occupé à coordonner son plan R3 entre l'amont industriel et l'aval des service de toute la filière automobile. La FNA vient de tirer la première en se concentrant sur l'aval au nom de ses artisans réparateurs et vendeurs VO, carrossiers, stations-service ou auto-écoles.
Son plan diffusé aujourd'hui tient compte de l'ensemble des paramètres évoqués au fil des presque 6 semaines du confinement. Il s'agit d'allonger et d'élargir les divers soutiens étatiques, d'autant que personne ne croit sérieusement que la magie consumériste et le retour de la mobilité vont se conjuguer immédiatement après le 11 mai. Et la FNA s'inquiète du fait que 95% des entreprises de la filière sont des TPE aux trésoreries structurellement fragiles et aux emplois majoritaires en nombre. Elle organise donc son plan selon 4 axes :
- Garantir la sécurité sanitaire des salariés de la branche comme de leurs clients «afin de reprendre sereinement l'activité et accueillir à nouveau le public», souligne son communiqué.
- définir un plan d'accompagnement dédié aux petites entreprises, prioritairement donc pour leur permettre de reconstituer leurs trésoreries.
- déployer des mesures sectorielles par activités, tant il est vrai que tous les métiers ne vivent pas les mêmes impacts, n'ont pas les mêmes priorités ou ne disposent pas des mêmes leviers de rebond. Une auto-école par exemple n'a pas grand chose de commun avec un MRA, en matière de charges, de personnels, d'immobilisations ou de clientèle.
- booster au plus vite la conversion au numérique (le confinement a mis en lumière les atouts de la digitalisation en matière de communication, mais aussi son intérêt -paradoxal mais réel- en tant qu'outil de “distanciation sociale”, donc de sécurité sanitaire) et la formation professionnelle, outil d'appropriation de l'ensemble des potentialités du marché, surtout quand ce dernier risque de vaciller en volume...
Contrôler l'accès aux protections et tester les personnels
La FNA souligne la nécessité de déployer les moyens de la confiance, c'est-à-dire de toutes ces protections sanitaires qui permettront de rassurer les “déconfinés”. «Cela implique d’avoir accès aux équipements de protection à des coûts raisonnables, et sécuriser leur approvisionnement», souligne le communiqué.
Elle demande donc que la fourniture des éléments (masques, protections, produits désinfectants, etc.) soit gérée par une plateforme développée par la DGE (Direction Générale des Entreprises), afin de contrôler les prix, la qualité et la répartition des dotation. Bref, pour se mettre à l'abri d'une loi de marché qui ferait qu'évidemment les plus gros, les plus puissants et les plus riches seraient les premiers et les mieux servis.
Protéger les salariés comme les chefs d'entreprises
L'organisation professionnelle souhaite aussi, d'une façon ou d'une autre (dans l'entreprise ou des centres identifiés), la généralisation des tests Covid-19 auprès des collaborateurs symptomatiques comme des salariés qui ont eu contact avec eux.
La FNA souhaite bien sûr ainsi susciter le retour des salariés dans une entreprise capable d'assurer leur sécurité. Mais elle n'oublie pas non plus cette autre peur des chefs d'entreprises : pouvoir être poursuivis en responsabilité pénale si un drame sanitaire devait se produire sur le lieu de travail. Elle demande donc au gouvernement de «réaffirmer la doctrine administrative sur l’absence de responsabilité du chef d’entreprise lorsque ce dernier a correctement appliqué les consignes de sécurité validées par le gouvernement».
Exonérations sur les salaires et les heures sup'
Si l'on veut que les trésoreries résistent, voire se renforcent, la FNA met l'exonération des charges sociales et de fiscalité directe comme préalable durant toute la période de confinement mais aussi «jusqu'en août», inclus évidemment, puisque la reprise ne sera vraisemblablement amorcée qu'en septembre. Elle demande aussi «la suspension immédiate jusqu’à un retour à la normale des poursuites contre les entreprises en difficultés par les organismes publics». Un peu de tranquillité ne peut faire de mal quand on se bat sur plusieurs autres fronts...
Elle redemande l'exonération des charges sociales, à laquelle elle ajoute celles de la fiscalité, au chapitre des heures supplémentaires. L'idée est évidemment de favoriser le déploiement du “coût de collier” à consentir par les salariés pour pouvoir rattraper le temps, le CA et les portions de salaires perdues.
Un fonds de solidarité élargi
On s'attendait aussi que la FNA, proche des très petites entreprises artisanales du secteur, demande un élargissement du fonds de solidarité. C'est chose faite : elle veut notamment voir le seuil d'éligibilité à ce fonds porté aux structures de moins de 20 personnes et non plus de moins de 11 ; et que le seuil de CA soit porté de 1 à 3 millions d'euros pour les entreprises pratiquant la vente automobile.
Elle demande aussi que l'aide actuelle de 1 500 € passe à 3 500 €, que le retard dans des obligations sociales ou fiscales ne soit plus motif à rejet et que les aides régionales ne soient plus assujetties à l'emploi d'au moins un salarié.
Des prêts garantis par l’État plus lisibles
Les petites entreprises hésitent à s'endetter. Par nature, mais aussi par manque de visibilité sur les conditions à long terme des prêts garantis par l’État. Elle souhaite lever ces freins en obtenant une extension de la garantie étatique à 3 ans avec un taux fixe de 0,25% sur la période. Elle veut que possibilité soit ouverte de s'engager initialement sur plus de 12 mois, avec la certitude que le taux ne dépassera pas 1%. Elle pense aussi au TEG qui inclut frais de dossier et montant d'assurances en demandant le différemment possible des premiers et le plafonnement du second.
Elle n'oublie pas de demander au gouvernement une plus grande mansuétude, à tout le moins la bienveillance, des banques toujours frileuses quand il faut soutenir de petites entreprises réputées faillibles. Elle veut là encore une cellule de crise auprès de la DGE pour redresser les mauvaises pratiques bancaires et obtenir une plus grande déconnexion entre autorisations de découvert et faiblesses de trésorerie.
Et elle demande aux assureurs qui, estime-t-elle, viennent d'économiser 2 milliards en baisse de sinistralité d'enfin trouver moyen de reconnaître le Covid-19 comme motif à déclenchement des assurances en perte d'exploitation.
Des mesures sectorielles adaptées
- Vente de véhicules : l'activité a été sinistrée par l'obligation de fermer les showrooms. Comme le souhaite le CNPA, la FNA considère à son tour qu'il faut notamment revoir la prime à la conversion pour y inclure les VO les moins polluants, baisser les malus automobiles et réévaluer le bonus écologique en incluant le rétrofit récemment facilité par la législation.
- Réparation automobile : l'organisation professionnelle fait sienne également la volonté de voir la TVA de 20% baissée à 7% pour les prestations de réparation automobile. Elle demande le même effort sur l'enseignement de la conduite. L'objectif est d'inciter à consommer de l'entretien-réparation comme de l'auto-école, en proposant de fait des tarifs incitatifs.
Elle réclame aussi des «mesures incitatives» pour favoriser le déploiement de l'éco-entretien, mais sans donner plus de détail.
Accès aux données : la FNA en profite aussi pour contrecarrer cette fois demande des constructeurs, également portée par le CNPA, qui ensemble considèrent qu'il faut différer l'accès direct et non discriminé aux données des véhicules communicant tel que voulu par la loi LOM. La FNA demande donc la confirmation de l'accès immédiat à ces données, gage d'un accès ouvert à l'entretien concurrencé des véhicules récents. - Dépannage-remorquage : il s'agit, pour l'essentiel des demandes, de desserrer l'étau des exigences des assiteurs pour redonner de l'air à cette activité. La FNA demande donc que les tarifs de dépannage autoroutiers s'imposent en lieu et place des tarifs plus contraignants exigés par les apporteurs d'affaires, de permettre aux entreprises arrivées à terme de leurs agréments de poursuivre leur activité en demandant que les appels d'offres soient fortement incités à report pour éviter «toute rupture d'égalité ou d'interruption dans l'exécution d'un service public». En plus clair, pour laisser aux presque exclus desdits appels d'offres le temps de se refaire...
- Carrosserie : La FNA va sur ce dossier plus loin que le laissait récemment entendre le CNPA. Ce dernier demandait à ce que les conditions d'agréments soient allégées jusqu'à fin 2020, avec effet rétroactif au 1er janvier. La FNA, elle, ne fait pas dans la demi-mesure : elle demande purement et simplement un moratoire total sur les agréments jusqu'à fin 2020, avec application systématique des tarifs publics affichés par les carrossiers !
«Nous reprenons ici notre demande d’organiser au sortir de la crise des discussions sous l’égide de l’État pour rééquilibrer les relations contractuelles entre les sociétés d’assurance et les sociétés d’assistance d’une part et les carrossiers et les dépanneurs d’autre part», martèle la FNA.
Nulle doute que cette demande de désagrément au sens professionnel du terme sera agréable à ses adhérents carrossiers. Mais le désagrément, au sens classique cette fois, s'annonce, lui, particulièrement désagréable aux assureurs. Ils n'hésiteront pas à expliquer que trop c'est trop, qu'ils ont déjà reversé partie substantielle de leurs économies “confinementesques” en fonds de solidarité, rétrocession de primes aux automobilistes et autres gages de leur bonne volonté. Mais qui n'ose pas tout n'obtient rien, semble se dire la FNA. Et qu'une crise inédite implique des solutions extraordinaires... - Carburant : là encore, la FNA réactive ses dossiers. Elle veut que le gouvernement fasse «du maillage territorial des stations-service une priorité nationale pour leur permettre de faire face aux mises aux normes en réactivant un fonds FISAC dédié au stations-service mis en sommeil comportant également un volet lié à la nécessaire diversification (E85, borne de recharge, hub de mobilité…)».
Elle s'appuie sur l'évidence souvent oubliée par des pouvoirs publics trop parisiens : les stations péri-urbaines et rurales sont essentielles à la mobilité automobile dans ces zones où les transports alternatifs n’existent pas ou trop peu. Et ce sont justement ces stations-là qui, survivant déjà mal habituellement, sont maintenant dévastées par une chute de 80% de la consommation de carburant. - Écoles de conduite : la FNA réclame le déploiement du plan de sauvetage qu'elle a remis au gouvernement et au parlement, sans en rappeler les détails dans ce communiqué.
Doper la digitalisation et la formation
Enfin, la FNA précise ses demandes en matière d'accélération du numérique. Elle souhaite des prêts zéro, des chèques numériques et le soutien de la BPI pour que les petites structures indépendantes de la filière des services aient les mêmes chances que les autres, plus grosses ou mieux accompagnées par des têtes de réseaux.
Quant à la formation, l'organisation professionnelle demande que France Compétence accorde plus de moyens aux OPCO avec des financements de formation plus attractifs. En clair là encore, elle demande que la récente réforme qui limite les formations en montant et en volume annuel tout en demandant l'avance des coûts de formation, soit plus ou moins reportée ou à tout le moins, amendée.
A l'heure où le gouvernement concède un probable report de l'emblématique réforme des retraites, obtenir au moins l'aménagement de celle de la formation ne semble pas si irréaliste...