L’aftermarket garde le cap alors que l’OE dérape
Difficile passage de gué vers la mutation technologique ! Constructeurs dans un tournant critique et leurs fournisseurs première monte entraînés dans le dérapage de la période… Dans cet environnement de tous les dangers, la planète aftermarket résiste, plus que jamais portée par le sacro-saint parc vieillissant.
Jusque-là ça va ! De l’avis de nos nombreux interlocuteurs, distributeurs comme équipementiers, 2024 a été une bonne année pour le business aftermarket… avec un atterrissage qui dépasse les 600 Md$ (estimation) générés dans le monde sur un revenu global automobile de près de 3500 Md$. Une belle dynamique qui entraîne quasiment tous les marchés du Globe, portés par un parc toujours plus vieillissant de près de 12 ans d’âge moyen (rajeuni par les parcs chinois et des pays du Golfe). Mais à ce niveau, certains fournisseurs s’alarment d’un parc qui vieillit… trop vite, tirant une attente des clients en pièces low cost qui n’est pas vraiment bonne pour la rentabilité de l’écosystème à moyen terme. Reste que le marché secondaire de l'automobile demeure robuste. Mais ce vent porteur ne souffle pas partout avec la même intensité :
• Les États-Unis restent sous tension avec une croissance de 4,5%.
• Les marchés européens résistent plutôt bien, mais là encore ont montré des signes d’essoufflement sur le dernier trimestre. Ce qui fait craindre un exercice 2025 plus compliqué.
• Même tendance sur le marché chinois, tandis que l’Inde surperforme à son échelle (un parc d’à peine 50 millions de voitures particulières).
Par conséquent, les fournisseurs premium continuent de porter leur attention vers l’Amérique latine, l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et dans une moindre mesure l’Afrique, pour y trouver des relais de croissance prometteurs pour l’avenir. L’aftermarket mondial continue donc à gagner du terrain avec en ligne de mire les 1254 Md$ que pourrait atteindre le secteur (pièces et services, pneumatiques inclus, prix consommateur) à l’horizon 2030 selon une projection du cabinet d’études McKinsey.
Attention au tsunami OE
Mais les divisions rechange ont aussi besoin d’investir…. Pas facile quand leurs états-majors, sous la pression d’un business OE en chute libre, serrent les budgets. Car au bout de la chaîne, le réparateur doit pouvoir continuer de réparer et donc d’être servi au plus juste par une distribution performante et qui pour l’instant tient le cap. Mais au bout de cette chaîne, elle a besoin de travailler avec des équipementiers en bonne santé ! L’écosystème doit donc se mettre en ordre de bataille pour briser ce cercle qui commence à se faire vicieux. Et au cœur de ce maelstrom, la décarbonation par l’électrification du parc. Les constructeurs s’y sont embarqués par nécessité, pour finalement mobiliser une grande partie de leurs forces et leurs investissements en R&D. Ils doivent aussi investir lourdement dans le développement logiciel et numérique des véhicules. Investissement qui devrait tripler d’ici 2035 pour peser 58 % de la R&D, selon une étude de l'Institute for Business Value d'IBM publié fin 2024.
Équation d’autant plus compliquée que nos constructeurs occidentaux sont en train de décrocher, faute de compétitivité technologique, débouchant sur une production européenne qui s’est encore creusée de 25 % depuis 2019 par rapport à celle de la Chine (source : Clepa). Et que les constructeurs et équipementiers chinois, champions de la production de véhicules électriques et de la compétitivité, ne devraient pas se laisser impressionner par la hausse des droits de douane européens et américains dans leur volonté d’exportation massive vers nos marchés de leur véhicules attractifs. Mauvais signal donc pour les “historiques“ qui réduisent la voilure ! Ainsi, Volkswagen prévoit de dizaines de milliers de suppressions de postes dans ses usines allemandes ; Ford pour sa part réduit ses effectifs de 4000 postes en Europe et Stellantis vient d’annoncer l’arrêt de sa production dans son usines britannique.
Les équipementiers OE déstabilisés
Et par effet cliquet, leurs équipementiers OE doivent aussi partir à la chasse à la compétitivité. Les mauvaises nouvelles se sont succédé dans l’industrie européenne des sous-traitants automobiles en 2024. Valeo (175 usines dans le monde) comme Michelin annoncent deux fermetures de sites en France. ZF vise la suppression jusqu’à un quart des emplois en Allemagne à l’horizon 2028, tandis que Bosch parle d’une réduction d’effectif de 5500 personnes. Et le Suédois Northvolt, précurseur et espoir européen de production de batteries pour véhicules électriques, vient de se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites pour éviter le dépôt de bilan. Au total, sur le premier semestre 2024, 32 000 suppressions d’emplois ont été annoncées. Ces industriels sont confrontés à une baisse des volumes de production, à une rentabilité réduite ainsi qu’à la nécessité d’investir dans la transition technologique. La compétitivité de nos « champions » européens est sous pression, pour ne plus représenter que 14,6 % de la création de valeur automobile mondiale, soit 2 points de moins depuis 2019. Selon une note du Clepa, sur ce premier semestre, les ventes ont chuté de 4,6 % pour s’établir à 187 Md€, pour une rentabilité sous le seuil crucial de 5 %. À ce rythme, cette industrie auto pourrait entrer dans un décrochage plus structurel que conjoncturel, le laissant durablement en retard dans la course mondiale à la mobilité du futur. Les turbulences sont donc sérieuses sur un secteur de la l’industrie automobile qui risque l’électrocution !