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Électrification inéluctable… mais pas universelle
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Après l’euphorie autour du tout-électrique, la course à marche forcée vers la décarbonation du parc a baissé de régime sur 2024, rattrapée par la réalité d’un consommateur toujours attaché à sa voiture thermique. Cependant, les acteurs de la galaxie aftermarket le savent : la mutation est inéluctable, mais reste encore à savoir à quel rythme et dans quelle proportion…
Ils en sont convaincus : le modèle d’un parc dominé par le moteur thermique va rester la règle pendant encore deux bonnes décennies. Et ce d’autant plus après le ralentissement de la soi-disant passion « électrique » des consommateurs européens, allemands et français en tête de pont, refroidie par l’arrêt des subventions étatiques d’un véhicule encore beaucoup trop onéreux. « Fournisseur première monte des constructeurs, nous pensions pouvoir switcher plus rapidement sur les technologies électriques. Cependant, les hésitations du marché remettent ce timing en question. Aujourd'hui, nous revoyons des opportunités dans les technologies liées au moteur thermique, avec des constructeurs qui demandent à prolonger certains modèles », nous raconte Jacques Fils (Aisin). Un grand écart difficile à tenir pour un industriel première monte auquel les acteurs de l’aftermarket échappent encore !
Se préparer à traiter un parc électrique…
Reste que selon une récente étude prospective du cabinet Roland Berger, les véhicules électriques pourraient représenter entre 64 % et 71 % des ventes de véhicules neufs en 2040, auxquels s’ajouteront 20 % d’hybrides, tandis que l’hydrogène et les carburants de synthèse joueront un rôle mineur en raison de leur faible efficacité et de leur coût élevé.
Alors ni euphorie, ni déni chez nos interlocuteurs que se préparent calmement à basculer en partie vers les technologies électriques. « Actuellement, nous sommes dans un cycle porteur en après-vente, c’est donc le bon moment pour se préparer à gérer la coexistence des deux technologies. Car ne pas se préparer, c’est laisser la place à d’autres qui arriveront sans la connaissance fine de l’écosystème après-vente et de ses besoins », justifie Philippe Colpron (ZF). Avec des opportunités à saisir du côté de nouveaux acteurs (chinois) qui préféreront passer des partenariats avec les équipementiers historiques solides et les solutions de maintenance préexistantes plutôt que d’investir lourdement dans un après-vente non anticipé. Et de fait, les distributeurs commencent à s’interroger sur l’intégration dans leur stock des premières gammes de rechange que commencent à sortir leurs fournisseurs. Mais attention, alerte Fotios Katsardis (Temot) : « Il existe une disproportion entre l’intérêt et les opportunités réelles. Le marché est si petit qu’il faudra de nombreuses années pour qu’il représente une part significative du volant d’affaires des distributeurs. De plus, la transition n'est pas uniforme. Certains des marchés où l'adoption des véhicules électriques est élevée sont plus engagés, tandis que d'autres – en particulier dans les régions où l'électrification est plus lente – restent prudents. »
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… chinois
Compte tenu de l’actuelle prédominance des constructeurs chinois sur l’électrique, s’interroger sur la pertinence de couvrir cette technologie, c’est aussi regarder du côté de leurs fournisseurs ! « Nous travaillons avec nos partenaires actionnaires sur les marchés où l’expansion chinoise est la plus avancée pour mieux comprendre l’impact et les mécanismes de soutien afin de mieux nous préparer à leur expansion en Europe. Cela comprend l’identification de nouveaux fournisseurs et la manière dont ils s’approvisionnent en produits. Car ils arriveront bientôt en Europe. Les véhicules chinois continueront de gagner du terrain car ils sont compétitifs en termes de prix par rapport aux véhicules européens. Ils font partie de l’avenir, que cela nous plaise ou non », assure Warren Espinoza (ATR International). Pour la distribution, reste à savoir si leurs fournisseurs auront dans leurs collections ces pièces dédiés aux véhicules chinois, comme certains de rang 2 et 3 commencent déjà à la faire ! Dans le cas contraire, ces acteurs du marché secondaire sauront les trouver pour répondre à la nécessité de maintenance du parc roulant.
Pragmatique, au vu de l’extrapolation du cabinet Roland Berger qui projette à l’horizon 2040 une pénétration des véhicules chinois à hauteur 15 à 20 % des ventes en Europe, de 5 à10 % en Amérique du Nord et évidement de 70 à 75 % en Chine. Une part qui pourrait être ramenée sous la barre des 10 % en Europe et des 5 % aux États-Unis si les constructeurs occidentaux investissent massivement dans la technologie. Alors sauf à vouloir se couper d’une partie du parc roulant, les acteurs de l’aftermarket doivent se pencher sur la question.
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