W. Espinoza, ATR : « 2024 a été porteur pour nos actionnaires, et 2025 devrait suivre la même tendance »
Avancée sud-américaine, ouverture aux véhicules commerciaux : l’ITG allemande continue de progresser dans un environnement certes bousculé mais qui reste porteur et pour longtemps.
Warren Espinoza : Déjà 2023 a été une année record pour ATR, avec un revenu consolidé de 38 Md€, en croissance. Cette belle dynamique s’est poursuivie sur le début 2024, mais l’activité s’est ralentie au second semestre. Sur 2024, nous devrions rester sur une progression, mais plus modérée, avec un CA consolidé estimé entre 39 et 40 Md€. Ce sera alors encore une année record pour ATR. Et parce que le marché va rester porteur pour la rechange indépendante portée par un parc vieillissant, je suis optimiste pour 2025.
W.E. : Non, il s’agira de croissance organique générée par les 41 mêmes actionnaires qu’en 2023, car nous n’avons pas intégré de nouveaux membres en 2024. La croissance du nombre de membres n’est pas nécessairement un objectif clé pour nous. Nous voulons être sûrs que les nouveaux membres sont en adéquation avec notre culture et le profil des entreprises ATR. Mais il est toujours nécessaire d’élargir le cercle pour représenter un poids toujours plus important générateur de plus de valeur… Ainsi, au 1er janvier 2025, cinq nouveaux membres auront rejoint le groupe, dont un distributeur européen et quatre autres d’Amérique latine.
W.E. : Nous avons constaté qu’ATR intéressait des acteurs sud-américains. Si la grande majorité des entreprises sont plus petites qu’en Europe, ce n’est pas toujours le cas, comme le démontrent deux de nos nouveaux partenaires. Reste que nous avons encore quelques pays en Amérique du Sud où nous n’avons pas de membres. C’est un marché très différent de l’Europe qui nécessite une approche spécifique. Alors que les marchés européens s’appuient sur des accords de libre-échange unifiés dans l’Union européenne, il n’y a pas d’économie consolidée en Amérique du Sud, avec des marchés fragmentés. ATR peut ainsi jouer un rôle en construisant une communauté de distributeurs pour échanger sur les enjeux et construire ensemble des solutions opérationnelles.
W.E. : C’est toute la question ! Sur ces marchés, certains acteurs ont besoin de moins d'accompagnement en raison de leur orientation marché, n'ont pas besoin de nos services, c'est pourquoi nous nous concentrons sur le ciblage des distributeurs à qui nous pouvons apporter une valeur ajoutée claire. Il s'agit donc de savoir si les contrats de fournisseurs que nous avons sont en adéquation avec la demande qu’ils servent [N.D.L.R. : ceux qui servent les parcs européens, voire occidentaux]. En fait, sur ces marchés émergents, les ITG doivent encore démontrer la valeur qu’ils peuvent apporter à leur business. Et lorsque nous expliquons ce que nous pouvons apporter en termes de croissance, cela fonctionne. Mais cela prend du temps.
W.E. : Notre comité regroupant des actionnaires ATR experts du marché a déjà sélectionné quatre fournisseurs complémentaires spécialisés dans les produits pour véhicules commerciaux afin de compléter l’offre dédiée de nos fournisseurs habituels (VP). Et en février, nous allons les réunir avec nos membres dans le cadre d’un Forum dédié en Allemagne. Cependant, intégrer ce volet « véhicule commercial » nécessite aussi de revoir notre organisation et notre système EPR. C’est donc un processus global, qui avance bien, avec de bons retours des fournisseurs. Nous estimons que ce segment, plus restreint que celui des voitures particulières, va prendre de l’ampleur dans les années à venir.
W.E. : Les turbulences actuelles résultent de nombreux facteurs complexes, notamment la transition vers le véhicule électrique imposée par la législation et le manque de compétitivité de l’Europe dans ce domaine. Les constructeurs automobiles sont entrés dans la course à la transition vers les VE, ce qui oblige leurs fournisseurs à faire de même. Nous voyons nombre d’entre eux réorganiser leurs activités avec cette nouvelle orientation. Sauf que la croissance de l’électrification des ventes n’est pas conforme à la trajectoire attendue. Cela a un effet domino sur les fournisseurs, qui ont investi massivement dans cette transformation technologique. L’IAM dépend de l’approvisionnement en produits auprès de nombreux fournisseurs, et tout impact sur eux est donc une préoccupation pour l’IAM. Reste que l’IAM continuera de croître en raison d’une flotte vieillissante et nécessitera un accès durable aux produits liés au moteur à combustion interne de ces fournisseurs. Je suis optimiste quant au fait que les fournisseurs continueront de fournir des produits pour la flotte de moteurs à combustion interne, malgré la nouvelle orientation et la nouvelle stratégie.
W.E. : Nous avons aujourd’hui une meilleure visibilité sur la direction et la vitesse d'adoption des nouveaux produits électriques technologiques qu'il y a dix-huit mois, et donc plus sereins pour ce passage aux nouvelles technologies. Reste aujourd’hui à savoir à quelle vitesse cette mutation va nous toucher. Et de fait, nous anticipons qu’il nous reste du temps pour nous adapter. Nous devons donc nous concentrer sur le commerce autour des technologies du moteur à combustion, qui nous fait gagner de l’argent, travailler sur les solutions numériques, continuer de renforcer nos chaînes d’approvisionnement tout en se préparant à pivoter lorsque le moment sera venu.
W.E. : Nous travaillons avec nos partenaires actionnaires sur les marchés où l’expansion chinoise est la plus avancée pour mieux comprendre l’impact et les mécanismes de soutien, afin de mieux nous préparer à leur expansion en Europe. Cela comprend l’identification de nouveaux fournisseurs et la manière dont ils s’approvisionnent en produits. Car ils arriveront bientôt en Europe. Les véhicules chinois continueront de gagner du terrain car ils sont compétitifs en termes de prix par rapport aux véhicules européens et font partie de l’avenir, que cela nous plaise ou non ! Quant à leur part de marché, il est clair que nos autorités politiques et leurs décisions auront un impact direct sur cette évolution.
W.E. : Le marché de l’après-vente indépendante est bien placé pour tirer parti d’une flotte vieillissante, de chaînes d’approvisionnement numériques et des automobilistes à la recherche de solutions de maintenance et de réparation compétitives. Cela dit, les changements actuels semblent être en faveur des constructeurs automobiles et doivent être pris au sérieux. Ironiquement, ils ont besoin de nous pour assurer le support de la voiture tout au long de sa vie car leurs capacités sont limitées. L’IAM est robuste, résiliente et joue un rôle important sur le marché de l’après-vente. Nous devons continuer à nous battre aux côtés de la Figiefa pour obtenir un accès permanent, abordable et sans restriction aux données. L’environnement du marché de l’après-vente va devenir plus difficile, les constructeurs exerçant une pression et le marché de l’après-vente indépendant se défendant plus vigoureusement. Je suis convaincu que l’IAM relèvera ce défi, mais nous devons être prêts à investir dans la technologie, la formation et à mettre en place des initiatives qui nous aideront à conquérir ce marché ou à maintenir notre avance.