Claude Cham, Pdt de la Fiev: "préserver la souveraineté européenne"

La Rédaction
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Claude Cham

Claude Cham, président de la Fiev, adoube le constat du Clepa sur le déséquilibre de la répartition des coûts et des charges entre équipementiers et constructeurs. Il estime en outre que les deux indissociables partenaires sont « à un carrefour de leur histoire commune » qu'ils doivent impérativement négocier ensemble au risque sinon de se mettre tous deux en danger...

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Pour Claude Cham, aucun doute possible : les défis qui s’imposent à l’industrie automobile « ne peuvent être relevés ni par les constructeurs seuls, ni par les équipementiers seuls », souligne-t-il en réfutant tout conflit stérile entre les deux. Il veut d'ailleurs rester convaincu que les constructeurs demeurent et demeureront bien conscients que « 60% à 85% du prix de revient de fabrication des véhicules proviennent des équipementiers ».

Il confirme d'ailleurs le constat du Clepa qui souligne que, malgré leurs difficultés actuelles, « les équipementiers ne lèvent pas le pied sur les investissements vitaux en R&D, essentiels pour relever les défis de l’électrification, de l’environnement et des législations ».

Eviter la submersion

Soumis depuis toujours à la pression des achats des constructeurs et impliqués très en amont des nouveaux véhicules, les équipementiers sont évidemment bien placés pour comprendre quand et pourquoi il faut impérativement réduire les coûts.

C'est tout particulièrement le cas, maintenant qu'il faut prévoir de concevoir et vendre des véhicules capables notamment d'affronter la vague automobile chinoise qui lèche déjà les côtes européennes. Une sorte de redite des années 70-80, quand ensemble, constructeurs et équipementiers se préparaient à marche forcée, à coup de restructurations douloureuses mais coordonnées, à l'entrée des dangereux concurrents japonais bloqués, par des quotas provisoires aux portes des marchés européens.

Car pour éviter la submersion cette fois chinoise que rien ne peut ni ne veut endiguer même provisoirement, encore faut-il que les équipementiers partenaires conservent les marges de manœuvre qui leur permettent d'être efficients sur deux fronts qui pourraient, sinon, devenir contradictoires : devoir investir, innover et produire toujours plus, mais en gagnant toujours moins...

Claude Cham s'inquiète donc de voir les constructeurs tenter de reporter sur les seuls équipementiers les dérives des coûts qui s'enflamment en tous sens (énergie, transports, matières premières, salaires...). Et ainsi, de s'octroyer l'essentiel des marges et des profits que la crise actuelle de l'offre apporte opportunément à ceux qui contrôlent le commerce VN et même VO. Une partie de cette manne pourrait et devrait aider les équipementiers à arrondir des marges actuellement laminées...

Préserver "un savoir-faire souverain"

Le président de la Fiev en appelle donc à un sursaut commun qui va bien au-delà du besoin avéré d'une plus juste répartition des charges au sein “du couple de raison” que constituent indéfectiblement constructeurs et équipementiers. Il alerte ainsi sur un bien plus vital «sursaut de souveraineté»,  dans un monde où mettre en danger une industrie équipementière européenne «serait faire le jeu de mouvements géopolitiques plus incertains et dangereux que jamais pour nos industries en général et celle de l'automobile en particulier».

Devra-t-on par exemple renoncer au savoir-faire thermique au nom d'exigences environnementales européennes que ne partagent pas et ne peuvent partager d'autres régions du monde ? « Devrons-nous demain acheter des moteurs thermiques et leurs composants fabriqués par d'autres à l'autre bout du monde parce que nous avons oublié que le parc roulant même européen en aura besoin encore longtemps ? »

C'est là que se situe le carrefour de l'histoire commune entre constructeurs et équipementiers, explicite-t-il. « Soit nous trouvons la force de nous consolider ensemble et nous continuerons d'écrire une histoire automobile européenne puissante, toujours capable de se projeter partout dans le monde car forte de ses bases industrielles continentales et d'un savoir-faire souverain ; soit nous la jouons solo et nous auront tout à perdre en devenant dépendants de marchés lointains qui nous vendront "leurs" voitures, leurs "savoir-faire" et à leurs conditions ».

La question devenue stratégique de l'aftermarket et de ses données

Une autre tendance préoccupe Claude Cham : l'évolution du marché VN qui glisse inexorablement de l'historique "propriété du véhicule" (le maintenant dénommé "ownership" par les analystes) vers la systématisation du seul usage du véhicule (le "usership"). Une tendance lourde qu'encourage la croissance d'une mobilité où l'auto passera de son statut de monopole à une simple composante de cette mobilité de plus en plus multimodale.

Quel rapport avec l'aftermarket ? Claude Cham se projette en fait vers ce monde émergent où ce seront les propriétaires des véhicules -les gestionnaires des flottes louées aux utilisateurs- qui seront en mesure de définir les véhicules et leurs composants. «Cela existe déjà dans le pneumatique : les gestionnaires des flottes exigent des montes de véhicules en fonction des usages qui leur sont assignés. Ils décident ainsi des marques et des spécificités des pneus qu'ils veulent voir associés aux flottes qu'ils gèrent».

Il souligne ainsi la prise de conscience aftermarket que les équipementiers dits de première monte sont en train d'intégrer à leur vision stratégique. Demain, «de puissant détenteurs de flottes pourront décider de plus en plus finement quels composants et donc quels équipementiers, ils voudront que les constructeurs adoptent pour "assembler" les véhicules qu'ils veulent louer», prédit-il.

Un futur rendu possible par ces véhicules communicants qui, de plus en plus précisément, raconteront leurs forces et leurs faiblesses en émettant des milliards de milliards de données vers des ordinateurs distants. D'où l'importance d'un bras de fer feutré mais déterminant entre constructeurs et équipementiers : la propriété de la donnée qui permettra entre autre de "juger" du comportement et de la fiabilité de plus en plus de composants.

Les constructeurs veulent se l'approprier en tant que "donneurs d'ordre" des fournisseurs équipementiers, lesquels la revendiquent légitimement en tant qu'innovateurs et créateurs des fonctions, pièces et composants qu'ils conçoivent et pré-assemblent pour faciliter leur intégration aux chaînes automobiles des constructeurs.

Car tous savent que la valeur de ces données pèseront des milliards d'euros de chiffre d'affaires que pour l'heure, les constructeurs planifient dans leur seules prévisions financières. Et c'est aussi là que l'on reboucle avec les constats préoccupés du Clepa : les équipementiers méritent aussi leur part de ce gâteau annoncé que sera la commercialisation de ces données. Un autre dossier qui permettra ou non aux équipementiers de tirer les fruits attendus de leurs constantes recherches et innovations et de rester les partenaires solides des constructeurs...

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