Étude Clepa : le cri d’alarme des équipementiers

La Rédaction
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Pulse-Check - étude Clepa automne 2022

Les chiffres de l'étude Clepa sont, hélas, éloquents. Pris entre le marteau des hausses des coûts de l'énergie, des matières premières ou d'erratiques pénuries, et l'enclume des exigences tarifaires peu partageuses de leurs clients constructeurs, les équipementiers vivent des moments difficiles. Et ce, d'autant plus qu'ils sont les seuls acteurs de l'ensemble de la filière à ne pas pouvoir profiter des quelques bons côtés de cette crise polymorphe.

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(Traduction des textes de l'image ci-dessus : "70 % des répondants annoncent des perspectives négatives"; "96 % des fournisseurs soulignent un (signifiant) impact sur leur profitabilité du coût de l'énergie et des ruptures d'approvisionnement"; "85 % des répondants ne réduiront pas leurs investissement R&D malgré la pression généralisée"; "la profitabilité de tout l'écosystème automobile a progressé les quatre dernières années, sauf chez les fournisseurs")...

Ils ont un bien petit moral, les 3000 fournisseurs automobiles européens. De la plus grosse multinationale à la plus petite PME, ils investissent pourtant quelque 30 milliards d’euros par an et emploient directement 1,7 million de collaborateurs européens.

À la lisière des pertes en 2022

Dans la 12e édition de son étude « Pulse Check » (« prise de pouls » en bon français) publiée le 26 octobre dernier, le Clepa (Fédération européenne des fournisseurs de l’industrie auto) constate que 23 % des équipementiers s’attendent à enregistrer des pertes en 2022. Et l’avenir demeure sombre, puisqu’ils sont 27 % à s’attendre à être déficitaires en 2023.

Pire : ils sont 70 % cette fois à faire état de perspectives négatives, quand ils n’étaient encore que 18 % à l’automne 2018, souligne le communiqué de l’organisation. Plus des deux tiers des équipementiers s’inquiètent pour leurs résultats. 70 % constatent en effet « des marges EBIT bien en-deçà de 5 % », c’est-à-dire très proche du basculement côté pertes.

Pénuries, énergie, matières premières…

Principaux responsables au banc des accusés : les effets cumulatifs des hausses des coûts de l’énergie, des matières premières doublées des persistantes et/ou imprévisibles pénuries.

« 96 % des fournisseurs signalent un impact significatif sur la rentabilité des coûts énergétiques et des pénuries potentielles. L'inflation des matières premières touche 85 % des fournisseurs, tandis que les pénuries de semi-conducteurs continuent d'avoir un impact significatif sur les marges bénéficiaires de 65 % des fournisseurs interrogés. »

… et constructeurs peu partageurs

Mais l’essentiel vient ensuite, lorsque lesdits équipementiers interrogés soulignent que « l'un des principaux défis de l'industrie est le partage équitable des charges liées à l'augmentation des coûts ». Pas besoin de suivre leur regard bien longtemps : « Environ 80 % des fournisseurs ne reçoivent aucune compensation ou une compensation limitée des constructeurs automobiles pour l'augmentation des coûts de l'énergie et du fret ou les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, tandis que 42 % ont du mal à obtenir une compensation pour les coûts des matières premières », détaille alors le communiqué.

La phrase est d’autant plus lourde de sens que lesdits constructeurs ne cherchent même pas à cacher leurs extraordinaires rentabilités conjoncturelles, qu’ils soient d’ailleurs généralistes ou premium, eux qui pilotent une crise de l’offre qui leur permet de choisir au mieux les modèles disponibles et d’effacer les politiques de rabais qui pénalisent habituellement leurs résultats.

L’équipementier condamné à innover

Pas de « vive la crise » donc pour les équipementiers qui semblent à nouveau prisonniers d’une double tenaille qu’ils connaissent hélas trop bien. D’un côté, ils ne peuvent – en tout cas ne veulent pas encore – réduire leurs investissements, puisqu’ils représentent l’essentiel des innovations et des brevets nécessaires à la réussite de la conversion énergétique de l’ensemble de l’industrie automobile. Mais de l’autre, ils demeurent les éternels vassaux des constructeurs qui, comme lors de chaque crise existentielle de l’industrie automobile, financent une partie de leur survie en refusant à leurs fournisseurs une juste répercussion des coûts.

Cela a été le cas quand il a fallu affronter la concurrence japonaise dans les années 1970 et 1980, quand il a fallu résister aux chocs pétroliers, puis, dans les années 2008-2010, affronter la crise financière. Bis repetita cette fois encore quand il faut décarboner l’industrie à marche forcée tout en se préparant à affronter la marée électrique chinoise…

« 85 % des personnes interrogées ne réduiront pas leurs investissements en R&D pour compenser les pertes, ce qui montre que l'engagement de l'industrie automobile envers les nouvelles solutions de mobilité reste fort », rassure l’étude du Clepa. Mais pour combien de temps, corrige-t-elle ? « Réduire les investissements dans l'innovation compromettrait gravement la transition vers la mobilité, ainsi que la compétitivité et la croissance à long terme du secteur », alerte alors le Clepa.

L’équipementier, parent pauvre de la filière

Une situation non seulement inquiétante, mais terriblement injuste, conclut le Clepa. Il rappelle ainsi à raison que, « au cours des quatre dernières années, les fournisseurs sont les seuls à avoir enregistré des marges de rentabilité en baisse tout au long de la chaîne de valeur, tandis que les constructeurs, la distribution et le marché de la rechange ont enregistré des améliorations significatives de leur rentabilité entre 2017 et 2022 ».

Transmis à ladite distribution de pièces et au marché de la rechange qui, eux aussi, ont tendance à massifier leurs achats et consolider leurs résultats en réduisant toujours plus les marges des équipementiers. Mais aussi aux équipementiers qui parfois, en ces temps difficiles, ont la tentation maladroite de vouloir se refaire un peu trop visiblement par des augmentations de prix parfois osées...

La Rédaction
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