Quand l’Artisanat auto s’offre un Forum
Événement inédit le 14 novembre à la Maison de l’Artisanat de Paris : le lancement du premier Club de l’Artisanat orchestré par Mobilians, avec la participation des autres organisations professionnelles. Au programme, deux tables rondes animées par Zepros sur les thèmes centraux : nécessaire transformation des compétences et impact de l’inflation sur l’entreprise artisanale.
Mobilians l’a voulue œcuménique. Cette première rencontre du Club de l’Artisanat devrait réunir sur un même plateau, dans une même assemblée, les représentants des autres organisations professionnelles de l’après-vente. Les présidents de la Fiev, de la FRCI étaient là. Et la FNA a participé au débat. « Nous devons coupler nos forces pour monter des opérations de soutien de l’artisanat », a insisté Francis Bartholomé. Oublier les chapelles pour porter l’écosystème est un mantra de longue date du président de Mobilians. « Nous avons franchi une étape aujourd’hui. » Banco, a répondu la FNA, « c’est effectivement une bonne démarche lorsque cela se fait dans le respect de chacune des organisations », a noté Aliou Sow, secrétaire générale de la FNA.
Visibilité et union indispensables
« L’artisanat est souvent sous le radar, alors même que ses entreprises sont les plus nombreuses dans nos organisations. Et aucune de nos "OP" n’arrivera, seule, à relever tous les défis que doit surmonter l’écosystème automobile », a complété Xavier Horent, délégué général de Mobilians. Faire corps donc autour des sujets électrification du parc et décarbonation qui devraient sérieusement bousculer les acteurs de l’après-vente auto. Faire bloc, « car les solutions existent pour aider à cette transition. La profession a toujours su s’adapter aux défis et être dans son temps. Nous devons transcender nos appartenances, car il n’y a qu’un sujet, c’est l’artisanat. » Vibrant plaidoyer pour une union des forces considérée comme vitale pour faire entendre la voix des entreprises de moins de onze salariés. Et notamment dans le cadre de la négociation d’un nouveau contrat de filière avec la PFA. « C’est une nouvelle occasion pour Mobilians de rappeler que l’Etat doit s’engager en faveur d’un plan de transformation global adapté au tissu des TPE-PME du secteur, qui gèrent l’évolution du parc roulant. Et nous avons intérêt à être tous ensemble en ordre de marche, car au bout de la chaîne, les professionnels, nos adhérents respectifs, nous attendent », prévient le président de Mobilians.
De futurs rendez-vous du Club en région
Et c’est d’ailleurs au nom de ces derniers que cet événement inaugural et fédérateur, encore « trop parisien », va se délocaliser rapidement sur les territoires. Un rendez-vous trimestriel qui va donc se déplacer en région « au plus près des artisans ».
Car ne nous y trompons pas, le défi de ces organisations représentant les professionnels de l’auto est immense. Se mettre en configuration de jouer la convergence « des luttes » tout en conservant l’ADN de chacun, mais aussi retourner sur le terrain. Une gageure : penser global pour être entendu des forces politiques du pays sans qui rien ne peut bouger significativement, agir local pour apporter des réponses concrètes aux attentes tangibles des artisans. Schizophrénique, diraient certains. Non, agilité répondent-ils ! Voire si ce mouvement positif et constructif engagé pour ce premier rendez-vous du Club de l’Artisanat donnera des fruits d’actions communes… et s’il tiendra dans la durée !
Formation et rentabilité : incontournables leviers pour un futur
Les entreprises artisanales vont devoir s’adapter pour passer le cap des mutations attendus avaient pour mission d’éclairer sur la façon dont les entreprises artisanales naviguent, avec leurs forces et leurs faiblesses, sur les vagues technologiques, environnementales. D’où deux thèmes socles : la formation et la viabilité économique de ces entreprises de moins de onze salariés. Moments clés.
• « Transformation du parc, transformation des compétences ». « Il y a 20 ans les entreprises et les apprentis visaient le CAP. Il y a 10 ans, c’était le Bac Pro. Aujourd’hui, c’est largement le BTS qui est visé, et des formations d’ingénieur après-vente sont déjà ouvertes Et le phénomène ne va pas se ralentir. L’électrification, l’évolution technologique des véhicules, la connectivité ont pour conséquence une absolue nécessité de montée en compétences », contextualise Régis Le Goavec, président de la Branche Agents-Artisans de Mobilians.
Et c’est peu dire que les « moins de 11 salariés » pèsent leur poids dans la filière : 96% des entreprises et 40% des salariés. Et hors les 37% alternants répertoriés par l’ANFA, ce sont 89 684 salariés qui ont bénéficié d’une formation en 2022 (chiffres OPCO Mobilité), dont 25,3 % provenaient d’une entreprise de 1 à 10 salariés et 74,7 % provenaient d’une entreprise de 11 salariés ou plus. Certes ces formés 2022 ne représentent que 21% des 421 000 salariés de la branche, mais « oui, les entreprises prennent bien le train de la technologie », assure Marion Vidal, responsable de projet de l’Observatoire des métiers des service de l’auto de l’ANFA. C’est juste une question de timing, « pas trop tôt, mais surtout ne pas y aller trop tard au risque de se déconnecter du parc ». «Près de la moitié des entreprises qui se forment se contentent de financer ces obligations.» Et Asara Ratiarison, responsable formation CPFA/FNA, rappelle également la question centrale de la proximité « C'est pourquoi nous déployons des lieux d’accueil qui soient à une heure, deux maxi, de leurs entreprises. Et lorsque c'est possible nous réduisons également la durée des sessions (exemple sur Habilitation B2XL dépanneurs remorqueurs ramenée à 1 jour) pour limiter les temps d'absence dans l'entreprise.» Elle pointe aussi du doigt les lourdeurs administratives pouvant en décourager plus d'un !Et pourtant dans les enquêtes 25% des réparateurs mettent la formation en tête de leurs préoccupations. « Oui mais cela fait 75% pour qui ce n’est pas une priorité. Et d’ailleurs une récente étude Bosch met en exergue que 40% des réparateurs avouent envoyer les conducteurs de véhicules électriques chez le concessionnaire, faute de formation », regrette Jacques de Leissegues, président de DAF Conseil. Et surprise, ceux sont les carrossiers – premiers à recevoir des VE dans leurs ateliers – qui se forment le moins !
• Impact de l’inflation sur l’entreprise artisanale : « Le problème de la formation est que les carrossiers n’ont pas les moyens de se passer quelques jours de la production d’un membre de leur équipe. Donc la solution c’est de permettre aux entreprises de gagner suffisamment pour être en capacité d’absorber une cadence pour un temps ! » Belle transition de Patrick March, président-fondateur de Socca conseils, et grand spécialiste de l’accompagnement des entreprises de carrosserie. Il décrit une situation avec des coûts qui flambent, des rentabilités peau de chagrin et des apporteurs d’affaires, et notamment des assureurs qui payent de plus en plus mal, « les services se payent , ils ne se dédommagent pas ! », insiste-t-il. Une situation qui amène de plus en plus d’ateliers – en priorité chez les concessionnaires - à dénoncer les agréments faute d’y trouver une rémunération acceptable. Et pourtant Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA annoncent des coûts de réparation pris en charge par les assureurs à +8% pour un panier pièces à +10% et +5% pour la MO. David Ribeiro, trésoriers du bureau national des carrossiers Mobilians résume le désenchantement des carrossiers : « Avant les agréments, c’était du volume et de la valeur. Puis, on a conservé mais le volume mais sans valeur. Et aujourd’hui, c’est pas de volume, pas de valeur ! » Une situation face à des apporteurs d’affaires négociateurs de l’extrême, que Philippe Gimenez, vice-président national de la FNA et dépanneur, décrit également et qui débouche sur des zones blanches pour les assisteurs faute de « combattants ». Il parle de 10 à 15 points de rémunérations supplémentaires qui seraient nécessaires pour assurer les surcoûts qu’ils subissent. « Nous sommes arrivés à la limite d’un système », prévient-il. Les carrossiers ne disent pas autre chose !