Stellantis/Renault : deux voix et deux voies

Muriel Blancheton
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Luca de Meo

Deux constructeurs, deux stratégies qui sont pourtant sur le même chemin de l’électrification. Mais que ce chemin est long et chaotique ! Invités au Paris Automotive Summit de la PFA, Carlos Tavares et Luca de Meo ont réaffirmé leur trajectoire respective, prise en étau par le durcissement des règles européennes et l’implacable concurrence chinoise. 

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Sur la scène du Paris Automotive Summit initié par la PFA se sont succédé Luca de Meo (Renault) et Carlos Tavares (Stellantis). Si les deux capitaines d’industrie ont bien acté et réaffirmé qu’aucun retour en arrière n’est possible en matière d’électrification, les voies se distinguent cependant sur la méthode pour atteindre les objectifs. 

« L’histoire est plus grande que nous et nous devons travailler collectivement pour estimer la situation et trouver les bonnes solutions », a ainsi démarré Luca de Meo, en soutien aux propos de Luc Chatel, le président de la PFA (lire « Evitons d’ajouter une crise à la crise »). En rappelant que le secteur qui emploie 13 millions de personnes et représente 8 % du PIB est un « pilier de l’économie », mais un pilier fragilisé, face à la Chine et l’immensité de son marché (déjà 30 % de ventes VN). « La Chine montre le chemin vers le véhicule électrique et ses constructeurs ont imposé leurs standards au reste du monde. Ils bougent. Ils vont vite. À nous de nous adapter avant qu’il ne soit trop tard. Car l’industrie européenne n’est plus leader. » Sauf que si Renault est bien dans la compétition mondiale, conduite par la décarbonation, Luca de Meo estime que les armes dont disposent les constructeurs européens sont insuffisantes pour affronter la concurrence chinoise. « Les constructeurs européens ont dépensé plus de 100 Md€ pour réussir la transition, car décarboner la mobilité est une priorité. Nous devons nous adapter aux nouvelles technologies, plus volatiles que jamais, nous devons revoir le sourcing de nos matières premières, faire monter en compétences toute la chaîne de valeur… mais les couts de main-d’œuvre et de production restent supérieurs à la Chine, qui a intégré sa chaîne pour travailler de manière verticale. BYD a intégré à hauteur de 75 % sa chaîne de valeur ! » Au sein du groupe, Renault consacre 60 % de ses investissements dans la transition de ses usines (Douai, Maubeuge, Dieppe…), travaille sur l'intelligence artificielle, une « priorité », mais aussi sur les innovations technologiques…

Revoir l’approche d’un jeu « plus collectif »

Pour le patron de Renault, le VE dépassera assurément le thermique d’ici 2030. Mais d’ici là, et à court terme, l’ensemble des constructeurs doivent gérer des facteurs déstabilisants comme la norme CAFE. « Il faut donner une réponse urgente à ce triste événement de notre histoire qui va nous coûter cher », assène Luca de Meo, qui réclame le report de cette épée de Damoclès au-dessus des constructeurs européens. Les amendes prévues par cette réglementation calée en 2025 vont en effet coûter très cher aux constructeurs européens – jusqu’à 15 Md€ – s’ils n’atteignent pas les paliers d’émissions de dioxyde de carbone à 81 g/km pour chaque VN vendu (50 g/km en 2030), ni une part de marché de 25 % de vente de VE. « Nous devons revoir la chaîne de valeur et l’approche du jeu collectif. Nous devons développer la standardisation, le partage de la R&D et les investissements (au moins 70 % du contenu d’un véhicule), les risques mais aussi les bénéfices ! Nous n’avons pas le droit de manquer le rendez-vous pour contrer les Chinois. Nous connecter, nous inspirer les uns les autres et collaborer. »

Vers une consolidation des acteurs européens

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Carlos Tavares

Le discours de Carlos Tavares est similaire sur le fond, lui qui maintient sa trajectoire dans une course où « les marques chinoises représentent 7,4 % du marché européen, 10 % en Amérique du Sud (dont 24 % au Brésil), et leur pénétration a doublé depuis 2021 au Moyen-Orient et en Afrique. Il faut monter dans le train et aller aussi vite qu’eux ! », a ainsi lancé le CEO de Stellantis. D’où un chapelet de lancements programmés dans les deux ans : 40 modèles de VE en Europe en 2024 et 30 modèles hybrides prévus en 2025 et 2026. « Nous fabriquons 12 modèles de VE dans 5 usines en France, nous annonçons des lancements similaires chez Jeep, Dodge et RAM aux États-Unis. Et nous faisons des efforts acharnés pour réduire les coûts. En 2030, un VE sera au prix d’un thermique ! Les Chinois fabriquent 30 % moins cher leurs VE et contrôlent 90 % du marché des matières premières. » La pression de la rentabilité amènera d’ailleurs, peut-être, une concentration des acteurs de l’Europe de l’Ouest, suggérant de nouvelles alliances pour mutualiser les ressources. 
Mais le CEO de Stellantis impose le calendrier : pas de report de la norme CAFE 2025 pour le patron, qui estime être dans les clous imposés par l’UE, pas de déviation de trajectoire et ultra-compétitivité au même niveau que les Chinois pour « rester dans la course ». Surtout, Carlos Tavares enfonce le clou en soulignant que Stellantis est la seule entreprise occidentale partenaire d’un constructeur chinois, l’autorisant à exploiter la marque LeapMotor au niveau international. Car c’est bien cette seule approche qui permettra à Stellantis d’étudier, mesurer et baisser le coût d’un véhicule zéro émissions encore inabordable pour la majeure partie des consommateurs, estime le patron de Stellantis, également fervent défenseur du leasing électrique. Normal : Stellantis a écoulé 38 000 véhicules sur les 50 000 unités prises en charge par le dispositif financier à 100€ par mois et Carlos Tavares prône même l’extension du dispositif vers le VO électrique. « La compétition est un état d’esprit ! », conclut-il… 
 

Muriel Blancheton
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