[Atlas] Trajectoire de croissance retrouvée pour Parts Holding Europe
Après avoir « sauvé » 2020 en assumant le « quoi qu’il en coûte » pour continuer à livrer les réparateurs restés sur le pont, le n°3 de la distribution PR européenne boucle 2021 sur une belle croissance. Stéphane Antiglio, président de PHE, et Jérémy de Brabant, DG de l’activité BtoB, font le bilan et évoquent les perspectives compliquées sur 2022, bousculée par les pénuries et les mutations à intégrer.
Allez-vous atteindre le cap symbolique des 2 Md€ au bilan 2021 ?
Jérémy de Brabant : Nous sommes beaucoup plus intéressés par les trajectoires que par les photos instantanées. Nous avons repris le rythme de croissance des années précédentes. De même, nous avons un EBITDA en progression constante. Une satisfaction : les distributeurs indépendants Autodistribution comme nos filiales partagent cette trajectoire positive avec une croissance organique forte.
Stéphane Antiglio : Notre philosophie est de réinvestir nos bénéfices dans la croissance du groupe. Nous avons notamment repris notre trajectoire de croissance externe en acquérant deux entreprises espagnoles en juillet et septembre. En annualisant leurs chiffres d’affaires, PHE passe effectivement ce cap symbolique des 2 Md€.
Quelles options financières reste-t-il à PHE après votre dernier renoncement d’introduction en bourse ?
S.A : Toutes les options restent ouvertes. Le changement d’actionnaire interviendra un jour, c’est la nature même de notre parcours avec Bain Capital. Mais notre rôle est de faire en sorte que ce soit un non-évènement pour les équipes et les clients. Notre métier, c’est d’être un distributeur d’excellence, peu importe l’actionnaire.
La résilience de l’après-vente a-t-elle été observée sur tous les marchés où vous êtes présents ?
S.A : Quasiment. PHE et beaucoup des membres ADI sortent plus forts de cette crise. Nous n’avons pas hésité à investir dans nos stocks, même en 2020, alors que les trésoreries étaient tendues. Nous continuons à le faire en 2021 pour garantir la disponibilité des pièces aux clients. Nous avons tous conservé nos effectifs, parce que nous pensions que l’activité reviendrait, que le marché était résilient, et il l’a prouvé. La culture de nos entreprises est de passer ces moments difficiles avec nos équipes. Certains membres d’ADI, dont PHE, ont maintenu leur programme d’investissements et d’ouvertures, d’innovations, de rénovations. Quand la reprise s’est annoncée, nous étions prêts à bien rebondir. Et paradoxalement, la période est propice à nos activités. Les fondamentaux de nos métiers d’après-vente ont été finalement renforcés par la crise. Les ventes VN chutent depuis deux ans, contribuant au vieillissement du parc. S’y ajoute un besoin de mobilité individuelle renforcée, du fait de la réticence sanitaire face aux transports en commun ou même aux nouveaux usages (carsharing…). L’hésitation du consommateur à plonger dans le tout-électrique est aussi favorable. Les acteurs de l’après-vente indépendante ont donc de très belles années devant eux.
Le soutien des États à l’économie a-t-il été salvateur partout ?
S.A : Les États ont rempli leur rôle, parfois avec des moyens et une intensité différente de la France, mais globalement cela a fonctionné. Ces aides nous ont permis de passer ce cap difficile dans tous les pays où nous sommes présents. Reste que les entreprises déjà faibles avant la crise n’ont pas réussi – ou ne vont pas réussir – à passer ce cap. Il y aura des recompositions locales de l’univers concurrentiel, des opportunités se présenteront pour gagner des parts de marché. Au niveau de la croissance externe, nous nous concentrons sur des entreprises en bonne santé économique. Sur la plan organique, de petites opportunités locales plus opérationnelles que stratégiques se sont présentées. Cela a été le cas en Catalogne suite à la liquidation d’un distributeur concurrent dont nous avons repris une partie des collaborateurs, ce qui nous a permis d’ouvrir deux nouveaux points de vente sur ce territoire… C’est aussi cela, sortir un peu plus fort de la crise. Et nous ne sommes pas les seuls.
Les pénuries de matières premières et les ruptures d’approvisionnement des équipementiers sont-elles déjà un frein à votre activité ?
J. de B. : Nous n’avons pas encore eu à mettre en place un plan d’urgence, mais nous sommes proactifs quotidiennement pour éviter les ruptures. Depuis les prémices de la crise, notre maître mot a été : priorité à la disponibilité. Est-ce que cela nous met à l’abri sur toutes les références ou sous-segments subissant un accident industriel ? Peut-être pas complétement, mais nous faisons en sorte qu’à tous les étages de la logistique, le risque soit le plus limité possible. Là où nous pouvons, nous anticipons et nos fournisseurs savent que nous serons précautionneux sur la quantité stock pour s’assurer des disponibilités de pièces pour les garagistes. Et pour l’instant, nous n’avons pas eu besoin d’aller chercher des fournisseurs de « secours ».
S.A. : Nous sommes aussi conscients des difficultés auxquelles nos partenaires équipementiers sont confrontés. Nous mesurons l’impact des annulations de commandes de première monte sur leurs outils industriels, comme celui des pénuries en matières premières… Nous devons composer avec des stratégies industrielles qui dépassent le simple cadre de l’IAM. « Nous essayons d’être le plus possible aux côtés de nos partenaires équipementiers ». Nous sommes conscients que tous nos partenaires en amont font des efforts ! Globalement, notre panel de fournisseurs permet aujourd’hui de satisfaire la demande de nos clients.
La hausse des prix découlant des pénuries ne pourrait-elle pas avoir quelques vertus en termes de marge ?
J. de B. : Non, l’inflation n’est jamais une bonne chose. Car sur ces sujets de pricing et de tensions entre l’offre et la demande, au bout, il y a l’automobiliste qui doit pouvoir rester mobile et faire réparer son véhicule.
S. A. : L’inflation est aussi génératrice de coûts pour nous distributeurs (emballages, gasoil, électricité…). Elle se répercute également sur les salaires car la politique sociale du groupe est toujours d’assurer le maintien du pouvoir d’achat des salariés.
Le schéma logistique de PHE doit-il encore s’optimiser ? Quelles sont vos priorités en la matière ?
J. de B. : Notre croissance sur l’ensemble de nos territoires crée des opportunités et des besoins de faire évoluer nos organisations logistiques, que nous optimisons en permanence. Nous avons plusieurs plateformes en France et dans les pays limitrophes. Mais évidemment dans les pays où nous ne couvrons pas tout le territoire (Espagne et Italie), nous devrons adapter notre logistique de façon agile et pragmatique. Logisteo a fait notre succès en France, mais ce modèle n’est pas nécessairement transposable à d’autres pays.
S. A. : La logistique est certes un coût que l’on cherche à optimiser, mais aussi un moyen d’améliorer le service à nos clients… Nous avons des équipes professionnelles de logisticiens qui travaillent au quotidien dans une optique d’amélioration continue. Avec l’obsession d’un service toujours amélioré, au meilleur coût.
Oscaro en Allemagne, est-ce une tête de pont pour PHE ?
S. A. : Il faut déconnecter deux plans. En premier lieu, l’activité BtoB – par exemple Autodistribution en France – avec la livraison au réparateur en H+ ou J+1 s’appuyant sur des schémas logistiques physiques… En BtoB, nous n’avons pas de projet outre-Rhin. L’activité du site web et sa cible BtoC de « do-iteurs », ses délais de livraison différents et ses envois postaux permettent de devenir rapidement, si ce n’est international, du moins européen. Le webdealer Oscaro, déjà présent en France, au Portugal, en Espagne, et en Belgique francophone, fait son travail en étendant son périmètre.
Avez-vous un enjeu stratégique européen sur l’activité de la carrosserie ?
J. de B. : Nous avons une activité de carrosserie au Benelux : Geevers. En Italie (dans le Nord), nous avons la société FGL également spécialisée sur ce marché. Effectivement, la carrosserie est un métier qui nous intéresse. Si ce secteur a été plus fortement impacté par la crise que la mécanique, il redémarre bien. Donc, nous regarderons les opportunités qui se présentent, en organique comme en acquisition.
Où en êtes-vous dans le déploiement de votre activité pneumatique ?
S. A. : En France, nous avons écouté nos clients garagistes qui souhaitaient qu’Autodistribution soit un partenaire crédible sur le pneumatique. Nous avons donc remis en place une dynamique d’approvisionnement. Les premiers résultats sont encore modestes à l’échelle du marché. Il nous reste donc un bon potentiel de développement. En Espagne, nos filiales ont une activité plutôt soutenue. Enfin, en Italie et au Benelux, la structure des marchés fait que ce n’est pas une demande de nos partenaires distributeurs.
La multiplication et l’accès à la data sont-ils encore un défi pour l’IAM ?
S. A. : Nous faisons confiance aux instances de régulation européennes. Je reste donc positif sur l’accès aux données, car nos fédérations œuvrent pour sensibiliser le législateur à la juste concurrence. Au-delà de l’accès à la data se pose la question du surcoût de l’après-vente automobile. Plus les technologies sont poussées, plus l’entretien devient cher et l’accès à la mobilité se complexifie. Nous sommes très sensibles à cette question car nous militons pour une mobilité abordable, accessible à tous. La mobilité est un facteur de croissance économique.
La montée en gamme technologique des véhicules vous préoccupe-t-elle ?
S. A. : La course à la technologie est un fait. On peut se poser la question du coût / avantage de certains équipements : est-ce que tous les équipements sont indispensables ? Ne deviennent-ils pas dangereux pour l’automobiliste s’ils ne sont pas bien entretenus ? Devront-ils être intégrés dans le contrôle technique ? Nous devons nous poser ces questions. En effet, la montée en gamme des véhicules renchérit le prix du véhicule neuf. Une étude de la PFA a montré que les composants d’un véhicule électrique représentaient une hausse de valeur de 58 % comparé à un véhicule thermique, ce qui entrainera inéluctablement un surenchérissement du coût de l’entretien-réparation. C’est une préoccupation pour nous car un fossé grandissant se dessine entre une vision élitiste de la mobilité et une réalité économique de la masse de la population.
Cette vision élitiste est-elle partagée sur l’ensemble des marchés européens ?
S. A. : Thierry Breton, commissaire européen, a souligné la problématique de l’hétérogénéité sur ce point dans les pays membres précisant que tous ne pourraient pas progresser au même rythme.
J. de B. : Elle est réelle en Europe du Nord, mais semble moins traduite politiquement en Italie et en Espagne.
Interview réalisée par Jean-Marc Pierret et Caroline Ridet
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