Carrosserie : les constructeurs gardent la main
« Depuis trois ans, les grands groupements s’orientent vers la pièce de carrosserie d’origine, alors qu’ils étaient jusqu’à maintenant focalisés sur la pièce équipementier », observe Jurgen Sonck, directeur de APF Autoparts. Parts Holding Europe serait le leader européen de ce marché. Outre Cora (150 M€) surtout actif en France, le groupe a acquis en 2018 Geevers. Au moment de sa filialisation, le distributeur néerlandais affichait une alléchante croissance annuelle de 10 %, avec un chiffre d’affaires atteignant 67 M€, avec 100 000 références pour 35 marques automobiles à travers le Benelux via deux plateformes logistiques. Parallèlement, Geevers a aussi développé sa gamme de pièces issues de l’économie circulaire : Greenline… Toujours chez les Français, Alliance Automotive Group a investi la pièce de carrosserie avec Saint-Amand Service (38 M€) et la version réemploi avec sa marque Back2Car. Pour l’instant franco-français, le dispositif est programmé pour dépasser les frontières.
APF Autoparts, challenger sérieux
Toujours dans la pièce d’origine, avec un chiffre d’affaires de plus de 60 M€, le Belge APF Autoparts fait figure de challenger. À l’inverse d’autres acteurs du marché, ce groupe né en 1999 a débuté son activité en fournissant les références pour véhicules asiatiques. Propriétaire d’une concession Toyota, il a progressivement étendu son catalogue aux autres marques, jusqu’à couvrir aujourd’hui 90 % du parc européen… Ses références permettent non seulement au distributeur d’opérer sur le Vieux Continent, mais aussi jusqu’en Chine et à Singapour. « Car on y trouve de plus en plus de véhicules fabriqués en Turquie, en Allemagne, etc. Et malgré les différences de prix, nous restons compétitifs dans ces pays », précise Jurgen Sonck. Ses 125 salariés opèrent à partir d’une plateforme centrale en Belgique, ainsi que d’une dizaine d’entrepôts régionaux à travers l’Europe. Ils desservent le Benelux, l’Espagne, la Grande-Bretagne en 24 à 48 heures et un peu plus longtemps pour les pays comme la Finlande, la Norvège, Roumanie… Pour rencontrer un acteur encore plus important, il faut se tourner vers la pièce de qualité équivalente.
Dans ce domaine, Van Wezel (groupe Unipart) s’est spécialisé dans les références de carrosserie et celles de refroidissement moteur. Basé en Belgique, il a atteint en 2018 un chiffre d’affaires de 114 M€ (+ 4 % sur un an). Fournisseur associé de Temot International, il compte deux entrepôts outre-quiévrains et des filiales en Allemagne, Autriche, Italie et République tchèque. S’il propose aussi des références OEM et OES, il s’appuie d’abord sur ses propres marques : Equipart (carrosserie), Hagus (rétroviseurs), International Radiators (refroidissement) et HS (norme OE)… Les fournisseurs indépendants surmontent les contraintes spécifiques au négoce de pièces de carrosserie. En effet, celles-ci sont de plus en plus coûteuses, les progrès de l’automobile impliquant la généralisation de certains matériaux (aciers spéciaux et composites) ainsi que la multiplication de capteurs (caméras, radar, etc.) nécessaires aux équipements d’aides à la conduite… Raisons qui poussent de plus en plus les réparateurs à réparer dès que possible plutôt que de remplacer les pièces.
De la protection à la libéralisation
Mais surtout, leur distribution est plus sensible à l’influence des marques automobiles. Car, marché libéralisé ou non, les constructeurs conservent un rôle de premier plan sur le négoce européen de la pièce de robe. L’Allemagne, le Benelux – où l’on trouve les acteurs les plus importants du marché –, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni font partis des pays de l’Union européenne qui les ont ouvertes à la concurrence. La France va les rejoindre progressivement entre 2020 et 2021… En conservant le principe de la protection des dessins et modèles pendant dix ans.
Toutefois, la libéralisation de ces marchés ne facilite pas nécessairement la vie de la distribution indépendante. « En Allemagne, nous ne sommes pas présents, car la pièce d’origine est très implantée. Le prix de la main-d’œuvre est si élevé – jusqu’à 125 € de l’heure – que les réparateurs ne cherchent pas à gagner 6 ou 7 % dans ce domaine, alors qu’ils sont livrés en pièces équipementier deux fois par jour », explique Jurgen Sonck. En effet, la logistique est l’autre nerf de cette guerre. Non seulement elle conditionne leur prix, mais aussi leur disponibilité pour concurrencer les constructeurs.
Des niveaux en logistique très différents
Le tarif des pièces de robe varie énormément à travers l’Europe. Ainsi, une référence vendue 90 € en Espagne, le sera à 100 € en Belgique ou en France et à 135 € en Norvège, qui présente le double inconvénient d’un niveau de vie plus élevé et d’une logistique compliquée. « Nous prenons donc des parts de marché dans les pays ou les concessionnaires sont désorganisés. Autrement, ils restent évidemment les plus forts, lorsqu’ils s’en donnent les moyens logistiques, comme PSA en France », précise Jurgen Sonck. A contrario, dans les pays de l’Est ou la distribution est encore très fragmentée, APF Autoparts coopère avec des importateurs… Et les grands groupements ne s’y frottent pas encore. « Car quand le rachat d’un distributeur suffit à s’imposer en peinture dans un pays, il leur en faut cinq pour atteindre le même résultat sur les pièces », observe-t-il. La seule exception est la Pologne, où le marché s’organise et se développe très vite…
Ailleurs, jusque dans des pays comme l’Italie, la distribution de pièces de carrosserie n’a pas encore atteint sa maturité. Ce qui laisse penser au dirigeant belge qu’à l’échelle européenne, « le marché ne se concentrera pas avant cinq ans au moins ». Dans tous les cas, seules les plateformes logistiques, avec un système développé et automatisé, peuvent d’ores et déjà affronter grands groupes et constructeurs en optimisant leurs marges… voire séduire d’éventuels acheteurs désireux de rattraper l’avance de PHE.
Nicolas Girault
L'intégralité de l'édition 2020 de l'Atlas de la distribiution Zepros Distributeurs PR ici.
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