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MANN HUMMEL
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MANN HUMMEL

D. Thévenot (Covéa) : « L’expertise bris de glace, seul moyen objectif d’évaluer les dommages »

Romain Thirion
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David Thévenot, Covéa

Avec un quart des contrats d’assurance auto en France, Covéa (Maaf, MMA, GMF) est moteur dans le recadrage assurantiel en cours au périmètre des réseaux de vitrage non-agréés. Son responsable du Pôle Réseaux Auto détaille pourquoi le groupe mutualiste a adopté ce virage.

 

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Pouvez-vous rappeler le nombre de dossiers bris de glace qu’a traité Covéa en 2024 ?

David Thévenot : Nous avons enregistré quelque 500 000 dossiers bris de glace en 2024, un chiffre total en hausse car nous étions à 490 000 en 2023. Il n’y a donc pas de recul, ce qui est contre-intuitif par rapport aux sinistres collision. Contrairement aux évènements climatiques, la collision baisse d’environ 2 % chaque année car le prix du carburant augmente, nous roulons de moins en moins et de moins en moins vite, les mobilités évoluent… De ce fait, le nombre de bris de glace devrait logiquement baisser aussi, or ce n’est pas le cas. Il y a du "sur-sinistre", que nous associons à l’impact des propositions cadeaux chez certains acteurs non agréés, des avantages X ou Y qui ne sont pas forcément mesurables et il y a effectivement un effet d’aubaine évident. La frontière avec ce que nous pourrions appeler la fraude à l’assurances n’est pas très loin même si cela ne concerne pas la très grande majorité des acteurs. Reste qu’il n’est pas normal que cette trajectoire de volumes soit supérieure à celle constatée en collision.

Quelle était la part de réparation par rapport au remplacement ?

D. T. : Sur le pare-brise, la seule pièce de verre qui se répare vraiment au même titre que les optiques, la réparation est de 17 % en 2024, toutes interventions confondues. C’est un taux satisfaisant mais qui doit pouvoir s’améliorer et qui s’inscrit très clairement dans nos objectifs de réduction de notre empreinte carbone. Chez nos partenaires agréés, il est beaucoup plus élevé, particulièrement dans les enseignes d’ateliers mobiles comme Glasseo ou chez nos trois leaders que sont Carglass, France Pare-Brise et Mondial Pare-Brise. On ne parlera pas des non agréés qui curieusement ne réparent jamais les pare brises. Nous voulons que tout le monde s’y mette et prenne conscience de l’enjeu carbone que cela représente, Directive CSRD oblige.

Quel est votre objectif en termes d’équilibre réparation vs. remplacement ?

D. T. : Nous fixons la barre à un minimum de 25 % car fabriquer un pare-brise (matière première et énergie), le transporter, le poser, traiter le déchet engendre une dépense carbone majeure. Autant que faire se peut, il faut réparer tout ce qui peut l’être, c’est le leitmotiv de notre livre blanc dédié à la réparation durable paru en mai 2024.

Quel est le montant moyen d’un sinistre bris de glace aujourd’hui ?

D. T. : Il est d’environ 750 € TTC, avec une progression de plus de 6 % sur 2024. Cette augmentation est portée par le prix des pièces de verre mais aussi les réseaux non agréés. A ce titre, l’écart de facturation entre un agréé et non agréé se situe entre 300 et 350 euros en moyenne et ne fait que s’accroitre. Je ne cherche pas à stigmatiser les non agréés en général, certains sont d’ailleurs très sérieux, pratiquent des prix "honnêtes" et parfois remplacent aussi des vitres latérales, des lunettes arrière voire réalisent des réparations d’impact. Ils ne sont malheureusement pas tous dans ce cas. Cette hausse de la facturation bris de glace s’explique également par le taux d’équipement en ADAS des pare-brise et les prestations de recalibrage associées. Ces dernières peuvent parfois atteindre 250 € à 300 €, ce qui pour 30 à 45 minutes de temps passé est juste devenu problématique pour ne pas dire plus. Nous souhaitons que cette opération soit beaucoup mieux intégrée dans les réparations tout en maintenant qu’elle est essentielle pour la sécurité de nos assurés. Tous les tests menés au sein de notre technocentre CESVI France l’ont d’ailleurs démontré. Comme tous nos confrères nous avons dû augmenter nos primes en 2025 mais ce n’est pas possible de continuer ainsi. D’ailleurs si nous baissons les bras sur de tels sujets, nos primes auto vont continuer à augmenter et rejoindre ce qui se pratique dans certains pays voisins.

Comment percevez-vous, en tant qu’assureur, la multiplication des enseignes de vitrage au cours des dix dernières années ?

D. T. : C’est lié à l’effet d’aubaine car il est plus facile de créer son entreprise de vitrage que d’installer une carrosserie. Il ne faut pas beaucoup de surface pour monter un atelier, ni beaucoup de personnel pour poser les pièces. Certains techniciens issus de grandes enseignes veulent tenter une entreprise individuelle et cela contribue à créer une concurrence qui, dans l’absolu, reste saine. Par contre, ce qui n’est pas vertueux du tout c’est la facturation incontrôlée à laquelle nous devons faire face et nous organiser. Factures acquittées, cessions de créance, injonctions de payer, politique du fait accompli, c’est à cela que nous devons désormais répondre. Depuis 2022, nous avons dû mobiliser de nombreuses ressources tant internes qu’externes afin de nous défendre. A ce titre, nous avons contesté environ 1000 procédures d’injonction de payer devant les tribunaux de commerce et à ce jour près de 95 % d’entre elles se soldent par une décision favorable aux intérêts des assurés Covéa. Nous ne sommes jamais condamnés à régler ce que nous estimions ne pas devoir aux glaciers qui ont choisi d’engager des procédures devant les tribunaux plutôt que de se faire représenter par un expert en automobile et d’engager un dialogue, ce qui est prévu par tout contrat d’assurances automobile.

Aujourd’hui, combien avez-vous d’ateliers de vitrage agréés dans le réseau Covéa ?

D. T. : Nous avons quelque 3500 accords avec des points de service appartenant à des réseaux de vitrage, mais aussi des carrossiers et certains réseaux de marque. Le marché est depuis très longtemps confié aux spécialistes et plus de la moitié des acteurs sont des spécialistes. En volumes, 65 % des interventions vitrage sont faites par des agréés. Et 80 % de ces 65 % sont le fait d’enseignes de spécialistes.

Ce nombre est-il en croissance ou cherchez-vous à le rationnaliser ?

D. T. : En nombre de sites, les réseaux agréés sont à peu près stables dans le temps. En nombre de réseaux agréés, on atteint une asymptote et nous avons la culture des accords réseaux chez Covéa, avec pour habitude d’agréer 100 % des adhérents la plupart du temps. C’est logique car nous assurons entre un véhicule sur quatre et un véhicule sur cinq et nous avons besoin d’une densité importante de points de service. Après une certaine période de forte croissance du nombre d’acteurs du vitrage, il semble ne plus augmenter et il ne vous aura pas échappé que quelques rachats commencent à arriver sur ce marché.

Les dérives tarifaires que vous observez proviennent-elles uniquement de centres de pose non agréés où l’observez-vous également chez d’autres types d’ateliers ?

D. T. : Les dérives se situent essentiellement chez les "spécialistes non agréés" car chez les carrossiers il n’y a pas de sujet. Ces derniers s’inscrivent dans une relation de proximité et de fidélité avec nos clients communs. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs agréés pour leur activité principale qui reste de très loin la carrosserie générale voire la mécanique pour quelques-uns d’entre eux.

Pouvez-vous rappeler précisément les mesures prises par Covéa pour réduire ces dérives ?

D. T. : Depuis le 1er janvier 2025, nous ne prenons plus en charge les réparations bris de glace si le sinistre n’est pas déclaré. Dans ce cas nous prenons contact avec notre assuré pour lui rappeler qu’il aurait dû nous déclarer son bris de glace, nous découvrons le contexte de son sinistre, nous l’informons sur l’éventuel reste à charge possible puisque nous allons devoir expertiser son véhicule. Même si nous sommes dans une séquence de pédagogie, de prise de conscience, nous voulons très vite re normaliser le parcours bris de glace lorsque notre assuré fait le choix d’un réparateur que nous ne connaissons pas et dont nous ne pouvons pas garantir le sérieux. D’ailleurs début décembre 2024 j’ai personnellement écrit à une douzaine d’entreprises identifiées afin de les inviter à ne surtout pas intervenir avant que notre assuré n’ait fait sa déclaration. Plusieurs d’entre elles ont confirmé par écrit avoir bien intégré cette consigne, l’avenir nous dira si nous avons été entendus.

A quoi correspond exactement le plafonnement des indemnités : au coût moyen du sinistre moins la franchise ?

D. T. : Le plafonnement correspond au montant fixé par l’expert en fonction des conditions tarifaires locales, on parle bien entendu du taux de main d’œuvre mais aussi du traitement des déchets, des petites fournitures, des forfaits X ou Y qui ne sont pas toujours justifiés. L’expert vérifiera également la bonne sélection de la pièce, son prix ainsi que les conditions de remplacement, la présence ou non d’un ADAS à recalibrer. Comme je me plais à le dire une facture bris de glace doit tenir sur un post-it et pourtant certains non agréés facturent parfois sur deux ou trois pages. 

Vous avez relancé les expertises sur les bris de glace : combien en avez-vous mené en 2024 ?

D. T. : En 2024, 35 000 expertises bris de glace ont été menées pour contrôler les facturations non-agréés. C’est le seul moyen que nous avions pour faire évaluer objectivement les dommages et ainsi régler ce que nous devions au titre de nos garanties bris de glace. Avec la déclaration préalable nous devrions voir ce chiffre baisser très rapidement. 

Sachant la charge importante des experts de terrain, comment procédez-vous pour éviter que ces expertises ne deviennent une surcharge ?

D. T. : Nous n’avons pas eu le choix et comme déjà indiqué nous respectons les obligations prévues dans nos contrats. Logiquement c’est le devis que nous aurions dû faire contrôler et non la facture mais nous avons dû nous adapter. C’est comme pour les injonctions de payer, la saisine de cabinets d’avocats pour assurer la défense de la mutualité s’est vite avérée nécessaire, nous ne le regrettons pas un seul instant.

Romain Thirion
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